La beauté du mouvement explorée à travers l'art et la science

Melissa Dubbin & Aaron Davidson Daily Lines (feedback), 2020 Nature of Robotics: An Expanded Field © image EPFL Pavilions, photo: Alain Herzog

Melissa Dubbin & Aaron Davidson Daily Lines (feedback), 2020 Nature of Robotics: An Expanded Field © image EPFL Pavilions, photo: Alain Herzog

Dans le cadre du programme d’artiste en résidence du Collège des Humanités, Melissa Dubbin et Aaron S. Davidson, deux artistes qui sont basés aux Etats-Unis, ont travaillé avec le Laboratoire de Biorobotique de l’EPFL, dirigé par Auke Ijspeert, pour créer une visualisation unique du mouvement d’un « robot mou » aquatique. Leur travail est actuellement exposé à EPFL Pavilions (la nouvelle identité d’ArtLab) au sein de l’exposition Nature of Robotics: An Expanded Field. Cette exposition est à la croisée de la recherche scientifique et des arts visuels, et se concentre sur les perspectives et scénarios qui émergent de ce domaine en pleine expansion qu’est la robotique.

La collaboration de Melissa Dubbin et Aaron S. Davidson avec le Prof. Ijspeert, qui dirige le Laboratoire de Biorobotique (BioRob) est la deuxième résidence artistique organisée par le CDH, succédant ainsi à l'exposition inaugurale de Nora Al-Badri en 2019. En raison de la pandémie de COVID-19, les artistes et les scientifiques ont dû mettre en place un plan de collaboration à distance et mener le projet à bien en travaillant sur deux continents différents.

Malgré les défis que pose une collaboration longue distance, l'utilisation de la technologie pour faciliter la synergie entre l'art et la science a finalement été une belle métaphore pour la résidence et son produit final : une simulation virtuelle du débit de l'eau autour d'une raie manta robotique en train de nager.

« Je pense que l'art est un peu comme la science : on se pose des questions, et c'est une manière de découvrir de nouvelles choses. Je pense aussi qu'il y a une certaine beauté à nos machines et à nos simulations, donc le lien entre l'art et les robots peut être très intéressant, » a déclaré Auke Ijspeert au sujet de la collaboration.

Art en mouvement

Comme leur nom l'indique, les robots mous sont fabriqués à l'aide de matériaux flexibles, tels que le silicone, le caoutchouc, ou même les textiles, qui sont souvent conçus pour émuler les tissus d'organismes vivants. De nombreux robots mous sont donc créés en s'inspirant de la nature. Ces robots bio-inspirés (tels que l'AmphiBot et le Pleurobot) constituent l'un des axes de recherche du laboratoire BioRob.

Le professeur Ijspeert et le doctorant Johathan Arreguit ont mis en pratique leur expertise dans l'utilisation des robots pour mieux comprendre les systèmes de locomotion d'organismes vivants (en particulier ceux des animaux nageurs) afin de développer une simulation des mouvements d'un robot mou raie manta, avec lequel Melissa Dubbin et Aaron S. Davidson avaient déjà travaillé dans le cadre de l'exposition IF THIS SNAKE au Okayama Art Summit 2019 au Japon.

Initialement construit en suivant les plans de Shuichi Wakimoto et d'étudiants du Systems Integration Lab de l'Université d'Okayama, ce robot raie manta a depuis été mis à jour avec un nouveau type d'actuateur développé par Shuichi Wakimoto et son équipe, en utilisant le modèle des artistes américains pour la forme du corps.

Cette nouvelle installation, intitulée Delay Line (feedback), met en scène cette petite raie manta en silicone nageant dans un environnement aquatique artificiel qui influence et en même temps répond aux mouvements du robot, grâceà un dispositif informatique. Ces mouvements sont reflétés dans la simulation du laboratoire BioRob, qui se sert de modèles numériques pour calculer les forces d'interaction entre les particules de fluide virtuelles, pour ensuite produire une visualisation vidéo de la dynamique des fluides autour du robot en mouvement.

2020 Alain Herzog, EPFL Pavillons
Melissa Dubbin & Aaron DavidsonDaily Lines (feedback), 2020, Detail © image EPFL Pavilions, photo: Alain Herzog

Les artistes expliquent qu'ils ont choisi le nom de l'installation en se basant sur un terme utilisé pour faire référence à un retard lors de la réception d'un signal, par exemple dans le contexte des premiers effets audios ou informatiques.

« Nous étions intéressés par la physicalité des lignes à retard analogiques, qui sont des segments de fils métalliques ou de câbles correspondant à des unités de temps. Un très long câble vidéo peut donc retarder d'une seconde l'arrivée d'une image à sa destination. Le titre de notre œuvre fait donc référence à cette tentative de rendre le temps visible, et « feedback » (rétroaction) fait référence au fait qu'il s'agit d'une nouvelle version du projet que nous présentons à l'EPFL. »

Faire converger les approches scientifiques et artistiques

Les artistes ont apprécié la collaboration avec le laboratoire BioRob, mais ont également trouvé difficile de connecter les données de simulation à leur propre création. 

« Les simulations que les chercheurs du laboratoire BioRob créent pour leurs recherches sont magnifiques, en plus d'avoir une importance scientifique. Mais étant donné que nous sommes des artistes, nous étions intéressés de voir ce qui peut se passer lorsque l'on considère le système d'opérations pour créer d'autres relations entre ces données. Par exemple, il y a un lien entre la température de l'ordinateur et le comportement des images, ainsi qu'entre les mouvements de la manta et sa navigation à travers la simulation. »

Pour sa part, le Prof. Ijspeert a trouvé la collaboration particulièrement intéressante, en tant que scientifique qui a toujours été attiré par les projets artistiques, et fait remarquer le potentiel qu'ont les robots en particulier comme source d'inspiration artistique.

« Le but de ce projet est partiellement artistique, nous voulons montrer comment le fluide est affecté par le battement des nageoires, mais nous voulons également faire passer un message scientifique, qui montre ce que nous pouvons faire en termes de simulations numériques de fluides dans le but de comprendre et de développer de meilleurs robots, » déclare-t-il.

Exposition à l’EPFL Pavilion

Delay Lines (feedback) est présenté dans le cadre de la nouvelle exposition d'EPFL Pavilion, intitulée Nature of Robotics: An Expanded Field, qui est visible du 6 novembre 2020 au 25 avril 2021 au Pavillion B. Cette exposition présente également des travaux du Laboratoire de robotique reconfigurable et du Laboratoire de Systèmes MicroBioRobotiques de l'EPFL. Elle met en lumière les dernières avancées dans le domaine de la robotique dans le contexte académique suisse, et rassemble plus d'une douzaine d'artistes contemporains venant du monde entier, pour encourager la contemplation de l'impact de la robotique sur la compréhension de notre environnement et de notre société. Dr. Giulia Bini est la curatrice de cette exposition pour EPFL Pavilion, qui est sous la direction de la professeure de renom Dr. Sarah Kenderdine.

Modalités de visite:

  • Notre vaste espace d’exposition de 650m2 est ouvert à 5 (cinq) visiteurs par heure, pour chaque heure d'ouverture. Nos guides et notre médiateur seront disponibles pour répondre aux questions trois fois par jour, à 12h15 PM, 15h00 and 17h00.
  • Pour une analyse plus approfondie, la curatrice de l’exposition, Giulia Bini, sera sur place pour partager son point de vue lors du weekend d’ouverture les 5 et 6 mars, à 12h15, 15h00 et 17h00.
  • Les visites sont gratuites. Réservez votre visite dès maintenant : bit.ly/EPFLPavilionsNoR
  • Des créneaux sont disponibles pour les visites libres toutes les heures dès 11h ; le dernier créneau commence à 17h.
  • Veuillez apporter un masque.

A propos de Melissa Dubbin et Aaron S. Davidson

L'œuvre de Melissa Dubbin, originaire de Las Cruces, au Nouveau-Mexique, aux États-Unis et de Aaron Davidson, originaire de Madison, dans le Wisconsin, aux États-Unis, a été décrite comme abordant « les processus de transmission et de réception, d'interférence et de transfert ». Leurs travaux cherchent souvent à matérialiser des états de la matière immatériels ou éphémères (tels que le son, la lumière, l'air ou le temps). Depuis qu'ils ont commencé à travailler ensemble en 1998, les deux artistes ont créé un corpus d'œuvres en concevant des formes, des objets, des images et des expériences, en incorporant des supports tels que la photographie, la vidéo, le son, le spectacle, la sculpture et les livres d'artistes.

A propos du laboratoire BioRob

Le Laboratoire de Biorobotique de l’EPFL (BioRob) travaille sur les aspects computationnels du contrôle de la locomotion, de la coordination sensorimotrice et de l'apprentissage chez les animaux et les robots. Les chercheurs utilisent des robots et des simulations numériques pour étudier les mécanismes neuronaux sous-jacents au contrôle des mouvements et à l'apprentissage chez les animaux, et inversement s'inspirent des animaux pour concevoir de nouvelles méthodes de contrôle pour la robotique, ainsi que de nouveaux robots capables de se mouvoir avec agilité dans des environnements complexes. Le laboratoire s'intéresse également à l'utilisation de la robotique dans les domaines de la réhabilitation (avec les exosquelettes, par exemple) et de la restauration de la locomotion.