La beauté des ratés
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A y regarder rapidement, on aperçoit une personne dans un désert, protégée du soleil et du sable, bravant des vents violents tel un touareg dans le Sahara. Mais les dunes ont quelque chose de trop lisse, la lumière de trop froid, la silhouette de trop déséquilibré. Notre cerveau habitué à un monde macro-centré nous empêche de découvrir la poésie du monde nano. « Dans cette dimension, il n’y a pas seulement un changement d’échelle. C’est un monde en soi, avec ses propres propriétés. Ce qui est déterminant pour nous, la gravité par exemple, est insignifiant dans le monde nano. Inversement, la force capillaire qui fait monter la sève des arbres y a une puissance phénoménale », révèle Benoît Desbiolles, auteur du cliché qui a remporté le premier prix du concours When aestetics meets innovation, organisé par l’association Innovation Forum Lausanne et le Club photo de l’EPFL.
Assistant-doctorant au Laboratoire des microsystèmes 4, Benoît Desbiolles développe des nanostructures capables d’entrer dans les cellules, en particulier les neurones. Le défi est d’abord de fabriquer ces structures de haute technologie mille fois plus fines qu’un cheveu. L’opération se fait dans les salles blanches du Centre de micro-nanotechnologie. Schématiquement, il s’agit de déposer sur un support (silicium ou verre) une infime couche de métal qui sera ensuite recouverte d’un polymère photosensible que les chercheurs sculpteront à l’aide de la lumière. Une procédure standard, mais qui peut connaître des ratés. « La couche de métal, en l’occurrence du tungstène, est pulvérisée sur le verre en envoyant des ions sur le métal afin qu’il se dépose sur le verre », explique le scientifique. Parfois, stressé, le métal n’adhère pas bien. Il délamine, ondule, se fissure. C’est foutu. Cette photo en atteste. « La science est source d’art, surtout quand ça ne marche pas », conclut Benoît Desbiolles.