La bande dessinée à l'ère de l'intelligence artificielle
Couper/Coller, une nouvelle exposition présentée à l’EPFL Pavilions, Pavilion A nous plonge dans l’histoire de la bande dessinée et montre comment l’intelligence artificielle fait évoluer l’art et adapte les récits classiques des années 1950 aux différents supports d’aujourd’hui.
«Vlan, Bam, Boum»: autant d’onomatopées de bandes dessinées qui évoquent les souvenirs de Batman et d’autres dessins animés emblématiques des années 1950 et 1960. Si vous comparez avec les bandes dessinées chinoises, coréennes et japonaises d’aujourd’hui, parfois partiellement créées par ordinateur et disponibles en ligne, vous avez l’histoire d’une forme d’art et de narration en constante évolution.
La nouvelle exposition Couper/Coller de l’EPFL Pavilions nous fait voyager depuis la bande dessinée d’autrefois, avec ses modifications manuelles au moyen de colle et de ciseaux, jusqu’aux transformations d’aujourd’hui avec l’intelligence artificielle. Elle présente le développement et l’évolution de la bande dessinée en même temps que les progrès technologiques. C’est l’aboutissement d’un projet de collaboration de quatre ans entre le Laboratoire d’images et représentation visuelle (IVRL) et le Computer Vision Laboratory (CVLab) de la Faculté informatique et communications (IC) de l’EPFL, l’Université de Lausanne et l’École supérieure de bande dessinée et d’illustration (ESBDi).
«Des dessins rupestres aux présentations, en passant par les films et le partage d’images à glisser sur nos téléphones, la façon dont les êtres humains racontent des histoires a constamment évolué au fil du temps. Dans notre projet, nous nous sommes intéressés à l’évolution de la bande dessinée au cours du siècle dernier. Nous avons analysé la manière dont les récits analogiques de cette forme d’art à ses débuts peuvent être transposés sur des supports électroniques», explique Sabine Süsstrunk, responsable de l’IVRL.
Avant l’ère du numérique, les autrices et auteurs et les éditrices et éditeurs s’aidaient de ciseaux et de colle pour reformater leurs pages, passant de magazines à des formats d’albums ou d’albums à des formats poche. L’avènement du numérique n’a pas supprimé les supports imprimés, mais a apporté de nouvelles variations à cet art en constante évolution, qui apparaît désormais sur des écrans de toutes tailles. Heureusement, les technologies numériques offrent également de nouveaux outils pour faciliter la reconfiguration de la narration graphique.
Dans le cadre de ce projet, des chercheuses et chercheurs de l’EPFL ont mis au point des modèles d’apprentissage profond (IA) et des outils de segmentation autosupervisée, de transfert de style et de perception de la profondeur, autant d’aspects créatifs importants de la conception d’une bande dessinée. Ces modèles pourraient permettre aux futurs artistes de réadapter automatiquement leurs bandes dessinées à divers supports (smartphones, iPad, téléviseurs, etc.), sans avoir à les redessiner, et de créer d’autres moyens immersifs d’interagir avec leur contenu.
Les chercheuses et chercheurs ont travaillé avec l’ESBDi de Genève afin de voir comment les étudiantes et étudiants pourraient utiliser l’IA dans leur processus créatif, en changeant les dimensions et la narration et même en créant des bandes dessinées en 3D qui avancent lentement lorsque vous les faites défiler, ce qui les rendrait plus immersives.
Pourtant, si l’IA peut améliorer les aspects créatifs et visuels de la conception de bandes dessinées, depuis l’apparition de ChatGPT dans le domaine public il y a un an, on s’interroge de plus en plus sur les effets potentiellement néfastes de l’intelligence artificielle sur la société, notamment sur la créativité et l’emploi.
«Nous avons reçu des commentaires intéressants selon lesquels l’IA relève le niveau d’entrée dans la conception de bandes dessinées. Au premier abord, l’IA peut accomplir un travail de meilleure qualité qu’un novice, ce qui peut réduire l’incitation à se lancer. D’un autre côté, l’IA offre des outils incroyables et performants, que les artistes pourraient utiliser dans leur processus de création», déclare Mathieu Salzmann, chercheur au Computer Vision Laboratory (CVLab) de l’EPFL et (co)chercheur principal du projet.
L’exposition Couper/Coller permettra aux visiteuses et visiteurs de se plonger dans l’histoire de la bande dessinée et de ses supports, ainsi que de participer à des expériences interactives d’IA, représentatives de l’évolution possible et de la réadaptation de la bande dessinée.
Peter Grönquist, ingénieur chercheur à l’IVRL de l’EPFL et commissaire de l’exposition avec l’EPFL Pavilions, imagine l’évolution des bandes dessinées sur smartphones et tablettes; les lectrices et lecteurs y accéderont dans le métavers, en «étant» le personnage qui évolue dans des scènes en perpétuel changement.
«J’ai grandi avec les bandes dessinées et j’en suis un fan inconditionnel. Cette exposition se veut personnelle et c’est amusant de voir les bandes dessinées dans leur contexte. Celles et ceux qui ont grandi avec les bandes dessinées des journaux pourront voir l’histoire de leur évolution. Il sera possible de les toucher, de créer des bandes dessinées, de prendre des photos et de transformer leur style en différents formats. Cette expo vous replonge dans l’enfance et vous emmène dans le futur. C’est très intéressant!»
10.11.2023–7.1.2024
EPFL Pavilions, Pavilion A
Mardi à dimanche, 11h – 18h
Entrée libre
go.epfl.ch/CouperColler
Elle est issue du projet Sinergia «Reconfigurer la bande dessinée à l’ère numérique», financé par le Fonds national suisse de la recherche scientifique et dirigé par Sabine Süsstrunk, Mathieu Salzmann et Raphaël Baroni.