L'optique de demain fabriquée en deux minutes de cuisson
Les métasurfaces sont des éléments essentiels pour fabriquer les circuits photoniques flexibles et l’optique ultra-fine de demain. A l’EPFL, des chercheurs ont trouvé un moyen simple et unique d’en fabriquer en quelques minutes, sans passer par une salle blanche, et en utilisant un phénomène connu du monde de l’industrie. Leur recherche est publiée dans Nature Nanotechnology.
Les circuits optiques font partie des dispositifs qui vont composer le futur. Ils sont 10 à 100 fois plus rapides que les circuits électroniques, et beaucoup moins gourmands en énergie. Pour contrôler la lumière, la concentrer ou la guider à l’intérieur de ces dispositifs, les métasurfaces sont des candidates très prisées. Il s’agit de surfaces très fines, que l’on dote par exemple d’îlots nanométriques espacés de façon régulière. Ces îlots ont la capacité de manipuler les ondes électromagnétiques à des longueurs d’onde submicrométriques.
Les métasurfaces permettraient la fabrication de circuits photoniques flexibles et de dispositifs optiques ultra-fins. Les applications sont nombreuses. Elles vont de la fabrication de tablettes flexibles, à l’amélioration de l’absorption de la lumière dans des cellules photovoltaïques. Les dispositifs souples pourraient en outre être déposés directement sur la peau pour mesurer des paramètres physiologiques, ou encore fonctionner comme détecteur de molécules.
Seul hic, la fabrication par lithographie de métasurfaces est fastidieuse, dure plusieurs heures et se fait en salle blanche. A l’EPFL, les chercheurs du Laboratoire des fibres et matériaux photoniques, dirigé par Fabien Sorin, présentent une méthode simple pour en fabriquer en quelques minutes et à des températures basses – dans certains cas, une température ambiante suffit. Le tout sans passer par des salles blanches. Il s’agit plus précisément de métasurfaces diélectriques en verre. Leur méthode, qui fonctionne tant pour des surfaces rigides que flexibles, apparait dans Nature Nanotechnology.
Exploiter une fragilité pour en faire un atout
Pour réaliser leurs nanostructures, les chercheurs exploitent un phénomène naturel de la mécanique des fluides : le “démouillage”. Il peut apparaître lorsqu’une fine couche de matériau est posée sur un substrat, puis chauffée. Sous l’effet de la chaleur, le film se rompt par endroit et forme des ilots nanométriques. “Dans l’industrie, ce phénomène est plutôt indésirable. Nous avons décidé d’en tirer parti”, indique Fabien Sorin, qui a dirigé cette étude.
Avec cette méthode, les chercheurs ont réalisé pour la première fois des métasurfaces diélectriques en verre, différentes des métasurfaces métalliques plus traditionnelles. Les métasurfaces diélectriques sont recherchées car peu absorbantes, et présentant un haut indice de réfraction, ce qui permet de moduler la propagation de la lumière de manière efficace.
L’astuce consiste à texturer le substrat, selon l’architecture souhaitée. Ensuite, on y évapore un matériau – ici du verre de chalcogénure – par couche de quelques dizaines de nanomètres d’épaisseur. L’échantillon est chauffé pendant quelques minutes, le verre devient plus liquide, et les îlots nanométriques se forment naturellement, selon la taille et la position imposées par la texture du substrat.
La technique est si efficace qu’elle permet de réaliser des métasurfaces très sophistiquées avec plusieurs niveaux d’îlots, ou encore d’atteindre de façon contrôlée une séparation entre îlots de 10 nanomètres. Avec pour résultats une extrême sensibilité du dispositif aux changements d’indices autour de ces structures. De quoi détecter de très faibles quantités de bioparticules, par exemple. « C’est la première fois que des métasurfaces en verre sont réalisées par démouillage », explique Fabien Sorin. «L’avantage, c’est que nos structures sont lisses, régulières, et peuvent être réalisées de façon très simple sur de grandes surfaces ou des substrats souples ».
Référence : T. D. Gupta, L. Martin-Monier, W. Yan, A. Le Bris, T. Nguyen-Dang, A. G. Page, K-T. Ho, F. Yesilköy, H. Altug, Y. Qu, F. Sorin, Self-assembly of nanostructured glass metasurfaces via templated fluid instabilities, Nature Nanotechnology, DOI: 10.1038/s41565-019-0362-9