L'observation génétique dévoile un mécanisme fragilisant les os

La solidité de la structure osseuse dépend notamment de facteurs génétiques. © Inserm -  Daniel Chappard

La solidité de la structure osseuse dépend notamment de facteurs génétiques. © Inserm - Daniel Chappard

Une équipe de recherche de l’EPFL s’est servie d’une méthode originale pour identifier un gène actif dans la constitution des os. Ses résultats sont publiés aujourd’hui dans Cell.

La «génétique de la vraie vie» fait ses preuves. Cette méthode de recherche consiste à observer les traits physiologiques ou les maladies métaboliques d’une importante population de souris «sauvages» – c’est-à-dire non modifiées génétiquement, puis d’isoler dans leur patrimoine les gènes qui pourraient les expliquer. Rarement utilisée, car complexe et coûteuse, cette démarche a pourtant permis à des chercheurs de l’EPFL, en collaboration avec l’Université du Tennessee, d’obtenir des résultats particulièrement intéressants.

Au cours d’une recherche publiée aujourd’hui* dans l’édition online de Cell, c’est une défaillance du processus de minéralisation des os qui a en effet pu être mise en lumière de cette manière. «Nous avons comparé le génotype de souris ayant un squelette fragile avec celui des rongeurs présentant une constitution plus robuste, explique Evan Williams, chercheur au Laboratoire de physiologie intégrative et systémique (LISP) de l’EPFL. En observant leurs gènes, nous avons pu identifier celui qui est responsable de la phosphatase alcaline (ALPL), dont le dysfonctionnement mène à des maladies osseuses.»

Un facteur pour l’ostéoporose
On connaissait déjà l’hypophosphatase, une maladie humaine due à l’absence de ce gène et conduisant à une extrême fragilité du squelette, dès le plus jeune âge. «Cette nouvelle découverte nous permet de conclure qu’un défaut d’expression du gène de la phosphatase alcaline finit par avoir des effets sur la solidité des os à l’âge mûr. Or les fractures sont la première cause d’hospitalisation des personnes âgées», précise Johan Auwerx, directeur du LISP. Pénélope Andreux, chercheuse sur cette même étude, ajoute que ce gène a d’autres tâches: «Il joue un rôle important dans l’assimilation de la vitamine B6, fortement impliquée dans le métabolisme des muscles et des protéines.», souligne-t-elle.

Des caractères très différents
Ces résultats peuvent laisser envisager de nouvelles pistes thérapeutiques dans la prévention de l’ostéoporose – en agissant sur les enzymes liées à l’expression de ce gène. Mais ce n’est pas tout. L’étude de cette population de souris ne s’est pas limitée à la constitution de leurs os : pas moins de 140 paramètres, du poids à la rapidité à la course en passant par la couleur du pelage, ont été mesurés avec des résultats parfois spectaculaires.
Ainsi par exemple, au sein d’une même population et sans aucune stimulation, certaines souris parcouraient spontanément 2 kilomètres par nuit, alors que d’autres en franchissaient 12 ! Et certaines présentaient une tolérance au glucose pouvant être jusqu’à 6,7 fois meilleure que leurs consœurs.

Comment expliquer ces différences ? « Nos résultats, offerts à la communauté scientifique, permettront aux spécialistes de différents domaines d’établir des liens entre le génome de ces souris et leurs caractéristiques physiques ou comportementales, reprend Johan Auwerx. Dans un deuxième temps, il s’agira d’établir des corrélations avec l’expression des mêmes gènes dans la population humaine. » L’observation de ces populations de rongeurs conduira donc encore à de nombreuses découvertes.

* Pénélope A. Andreux, Evan G. Williams et al., Systems Genetics of Metabolism : The Use of the BXD Murine Reference Panel for Multiscalar Integration of Traits. Cell, http://dx.doi.org/10.1016/j.cell.2012.08.012