« L'objectif est avant tout de donner le meilleur de soi-même »
Prix du jury et du public de la finale EPFL du concours Ma thèse en 180 secondes, Eva Baur, Doctorante à la Faculté des sciences et techniques de l’ingénieur, a rendu ses élastomères captivants, n’hésitant pas à recourir à la moule pour les imager. Elle sera l’une des trois scientifiques représentant l’École à la finale suisse du concours.
Le secret du bras robotisé et de la prothèse de main de demain : souples, flexibles et robustes à la fois, réside peut-être dans le byssus, ce filament élastique très résistant qui retient la moule sur son rocher. Les 550 spectateurs de l’édition 2023 du concours Ma thèse en 180 secondes regarderont probablement d’un œil nouveau ce détail physionomique grâce à Eva Baur, premier prix du jury et du public. Cette jeune doctorante d’origine belge tente en effet de reproduire au Laboratoire de la matière molle à la Faculté des sciences et techniques de l’ingénieur, cet élastomère naturel encore peu étudié et aux applications prometteuses. N’hésitant pas à plonger dans le cliché et afficher le plat national de son pays, elle a su, avec humour et assurance, tenir en haleine le public durant les trois minutes imparties. Elle représentera l’EPFL aux côtés d’Anita Bodac, du Laboratoire d’approches moléculaires du vivant, et Gaétan Raynaud, du Laboratoire de diagnostic des écoulements instationnaires, à la finale suisse du concours qui se tiendra le 29 juin à l’Université de Lausanne.
Eva Baur avoue n’avoir jamais sorti les bottes et guetté la marée basse pour tester la résistance de son objet d’étude en conditions réelles. Mais, impressionnée par ces matériaux qui existent depuis des millions d’années, sans que l’humain ne parvienne à les reproduire, elle a plongé dans ses bouquins et enfilé ses gants pour tenter de trouver les bonnes formules. Elle est la première, sous la supervision d’Esther Amstad, à s’intéresser à cet élastomère. « Mes collègues travaillent plutôt sur des hydrogels : des matériaux similaires, mais qui gonflent dans l’eau, utiles pour des applications médicales », souligne-t-elle. Comme elle le décrit dans sa brillante présentation, l’intérêt de son sujet de thèse est d’offrir des perspectives d’applications intéressantes grâce à ses propriétés rhéofluidifiantes, c’est-à-dire dont la fluidité augmente avec la vitesse. Dans son laboratoire elle teste différentes formules qui permettent de le rendre plus ou moins résistant. Placées dans des seringues, ces encres pourront être utilisées pour l’impression 3D et servir à améliorer la souplesse des prothèses de main et de bras robotisés.
C’est incroyable de voir les matériaux que l'on obtient et de s’émerveiller sur les productions des collègues. Ce sont des gens du domaine, ils comprennent la beauté de ce qui pourrait passer inaperçu pour les personnes non averties
Un cadre de travail très agréable l’a convaincu de se lancer dans une thèse
Les byssus et leurs secrets de fabrication étaient loin de la faire rêver avant d’arriver à l’EPFL. Encore gymnasienne, elle participe aux portes ouvertes 2015 ne sachant trop vers quel domaine s’orienter. Intéressée par la mécanique et la chimie, quelqu’un lui conseille les matériaux « pile à l’intersection entre ces deux domaines ». Un choix qu’elle n’a jamais regretté. À quelques mois de ses examens de Master, Eva Baur n’avait pourtant pas encore l’intention de se lancer dans un travail de doctorat. « Ça me faisait un peu peur », avoue-t-elle en souriant. Mais parfois un sujet passionnant et un cadre de travail agréable peuvent tout changer. Arrivée dans ce laboratoire par hasard pour un stage, elle a apprécié « l’ambiance à la fois détendue et bienveillante, tout en restant dans un cadre très productif ». Faute de pouvoir se rendre à l’étranger en raison du Covid, elle rempile pour y effectuer son travail de Master. « La thèse est finalement devenue une suite logique », conclut-elle. En consultant la littérature parue sur ce matériau biomimétique dont elle a fait l’objet de sa thèse, elle se rend compte à quel point le domaine est encore largement inexploré. C’est presque vertigineux. « Cela me permettait de choisir dans quel domaine j’allais orienter mon travail, mais d’un autre côté il fallait que je reste bien concentrée pour ne pas m’éparpiller ». Des matériaux produits, elle fait souvent des petites séquences vidéo partagées avec ses collègues. « C’est incroyable de voir ce que l’on obtient et de s’émerveiller sur les productions des collègues. Ce sont des gens du domaine, ils comprennent la beauté de ce qui pourrait passer inaperçu pour les personnes non averties. » Son challenge est maintenant de pouvoir imprimer des structures de toutes les tailles, en assemblant différentes encres selon les propriétés souhaitées.
Soutenue par sa famille qui avait fait le déplacement de Belgique lors de la finale EPFL du concours MT180, la chercheuse en matériaux a beaucoup apprécié de pouvoir s’entraîner avec une collègue, également sélectionnée. "C'est un plus de pouvoir partager ses idées sur le slide et le texte", explique-t-elle. La barre est haute pour les prochaines étapes puisque Sophie Rivara, vainqueur 2022 de la finale EPFL a également remporté la finale suisse et s’est classée seconde du concours international. La pression ? Pas vraiment. Le stress au moment de monter sur scène est bien présent. Mais finalement, alors que les gens lui parlent de compétition, elle retient plutôt une saine et amicale concurrence. « On voulait juste donner le meilleur de nous-même tout en s’encourageant les uns les autres. » Après une petite pause bien méritée dans sa préparation, Eva Baur a commencé à préparer sa présentation pour la finale suisse. « Je ne vais pas trop me mettre de pression, mais je suis vraiment contente de pouvoir représenter l’EPFL puisque j’y ai fait tout mon cursus. »
À noter que le participant qui a obtenu la troisième place à la finale EPFL, Armand Kurum, du Laboratoire de biomatériaux pour l’immunoingénierie, ne pourra pas participer à la finale suisse le 29 juin. C’est donc le participant à la 4e place, Gaétan Raynaud, qui est sélectionné pour représenter l’EPFL.
Vidéo de la présentation de Gaétan Raynaud
Finale suisse du concours Ma thèse en 180 secondes
La finale suisse aura lieu le 29 juin à 18h30 à l'UNIL. Le public est invité à y assister et à voter pour son candidat ou sa candidate préféré-e.