L'IA facilite le dépistage de la tuberculose en Afrique subsaharienne

Dr. Véronique Suttels performs a smartphone-connected ultrasound on a symptomatic Beninese patient - 2025 EPFL/Véronique Suttels  - CC-BY-SA 4.0

Dr. Véronique Suttels performs a smartphone-connected ultrasound on a symptomatic Beninese patient - 2025 EPFL/Véronique Suttels - CC-BY-SA 4.0

L’EPFL et le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) font partie d’un partenariat Afrique-Union européenne doté de 10 millions d’euros par la platforme de réseautage Global Health EDCTP3. Il vise à déployer une application basée sur l’IA pour un diagnostic de la tuberculose plus accessible et plus abordable.

Aujourd’hui, la tuberculose peut être évitée et traitée. Mais cette maladie infectieuse qui touche les poumons est encore responsable de 1,3 million de décès chaque année et est la deuxième cause de mortalité en Afrique subsaharienne. L’absence de tests adaptés pour le dépistage et la prise en charge de la tuberculose dans les soins de santé primaires, tels que les radiographies pulmonaires, contribue grandement à ce fardeau.

Pour y remédier, le Laboratoire de technologies intelligentes pour la santé mondiale et l’humanitaire (LiGHT) qui fait partie de la Faculté informatique et communications de l’EPFL, en partenariat avec le Service des maladies infectieuses du CHUV, a développé un nouvel outil de triage hautement sensible: ULTR-AI (Ultrasound-led TB recognition using AI, reconnaissance de la tuberculose par échographie à l’aide de l’IA).

Un article présenté à Vienne récemment lors du Congrès de la Société européenne de microbiologie clinique et des maladies infectieuses a souligné que cette échographie pulmonaire basée sur l’IA remplit et dépasse les exigences de précision diagnostique de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour un test de triage de la tuberculose sur le terrain.

Portable, intelligent, efficace

Prenant les rênes du projet TrUST en matière d’IA, l’EPFL a développé un nouvel algorithme compatible avec les échographes portables qui peuvent être branchés sur un simple smartphone et dépister automatiquement la tuberculose sur les images échographiques.

«La force de cet outil révolutionnaire réside non seulement dans son accessibilité et son faible coût, mais aussi dans le fait qu’il répond aux critères stricts fixés par l’OMS pour le triage de la tuberculose. Il ne suffit pas de créer un bon algorithme», déclare Mary-Anne Hartley, professeure adjointe et responsable du laboratoire LiGHT. «Nous devons veiller à ce qu’il soit acceptable et accessible pour une mise en œuvre concrète.»

«L’un des plus grands obstacles au déploiement de ces nouveaux échographes portables dans les contextes où ils sont le plus nécessaires est que l’interprétation des ultrasons nécessite beaucoup de formation et de compétences spécialisées, qui sont souvent inaccessibles aux personnels de santé de première ligne», explique Noémi Boillat-Blanco, professeure et médecin au Service des maladies infectieuses du CHUV et collaboratrice du projet. «L’algorithme améliore les performances de lecture d’images, comblant ainsi cette lacune majeure en vue d’une mise en œuvre généralisée.»

Noémie Boillat-Blanco et sa collègue Véronique Suttels ont dirigé une vaste étude de cohorte diagnostique au Bénin en utilisant l’algorithme dans des échographes portables. «Lorsqu’une patiente ou un patient présente des symptômes, l’algorithme échographique permet de détecter rapidement la probabilité d’une tuberculose. Un autre avantage est qu’une fois la tuberculose exclue, des pathologies telles que la pneumonie ou les maladies cardiovasculaires peuvent être identifiées à l’aide de ce dispositif», précise-t-elle.

Une solution innovante basée sur l’IA et le partage des données

Après le succès de l’étude diagnostique TrUST, un consortium mondial de dix établissements de santé et de recherche a reçu 10 millions d’euros sur cinq ans pour développer l’algorithme en une application conviviale, en commençant par le Bénin, le Mali et l’Afrique du Sud. Véronique Suttels rejoindra l’EPFL pour prendre la direction scientifique générale du projet (CAD LUS4TB), qui inclura 3 000 patientes et patients adultes pour étudier l’utilisation d’ULTR-AI dans le triage et la prise en charge de la tuberculose.

«Ce projet d’une durée de cinq ans illustre le travail interdisciplinaire de notre groupe LiGHT, composé de médecins, de spécialistes des essais cliniques et de scientifiques des données pour garantir un véritable codéveloppement d’outils d’IA et une recherche axée sur l’impact, et nous sommes ravis de travailler avec des partenaires tels que le CHUV», affirme Mary-Anne Hartley.

Un dispositif accessible et largement utilisable pour lutter contre la tuberculose

Le partenariat CAD LUS4TB entre l’Afrique et l’Union européenne repose sur une collaboration interdisciplinaire, avec le partage de données cliniques et échographiques permettant d’améliorer continuellement les performances de l’IA. Le modèle sera également en libre accès. Il réunit des spécialistes issus d’un vaste ensemble de domaines, dont l’infectiologie, la recherche clinique, le diagnostic médical, la science des données, l’informatique, les sciences sociales, l’économie et la politique de santé.

«Ce projet est un premier pas important vers un diagnostic plus portable et plus abordable de la tuberculose, en améliorant l’accès aux soins et en réduisant les coûts associés au traitement tardif de la maladie. Les futures recherches sur l’échographie pulmonaire basée sur l’IA devraient donner la priorité aux modalités d’imagerie conçues pour les utilisatrices et utilisateurs finals, étudier les obstacles à l’adoption des technologies, relever les défis liés aux flux de travail et, surtout d’un point de vue clinique, garantir une formation continue de haute qualité en échographie de terrain», conclut Véronique Suttels.

Le consortium financé par l’UE EDCTP3 Horizon à hauteur de 10 millions d’euros est composé du Centre national d’enseignement de la pneumologie et de la tuberculose au Bénin, de l’Université des sciences du Mali, de l’Université de Stellenbosch en Afrique du Sud, de l’Université Carnegie Mellon au Rwanda, de Butterfly Operations, de l’EPFL, du CHUV, de l’Institut tropical et de santé publique suisse, de FIND – l’alliance mondiale pour le diagnostic et de l’Institut de médecine tropicale d’Anvers, en Belgique. Le coordinateur du consortium est Grant Theron de l’Université de Stellenbosch en Afrique du Sud et la co-directrice scientifique avec Véronique Suttels est Prudence Wachinou de l’UAC du Bénin.

Auteur: Tanya Petersen

Source: EPFL

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