L'Europe planche sérieusement sur des hélicos pour pendulaires

Le rêve d'engins volants individuels n'est pas nouveau: détail d'une couverture de Popular Mechanics de 1951.

Le rêve d'engins volants individuels n'est pas nouveau: détail d'une couverture de Popular Mechanics de 1951.

Un programme de recherche européen veut étudier la faisabilité d’un nouveau concept de transport individuel, qui passerait par les airs pour éviter les bouchons. Deux laboratoires de l'EPFL sont impliqués dans le projet.

C’est encore de la science-fiction. Mais plus pour longtemps. Demain, il sera possible de «penduler» entre chez soi et son travail aussi facilement que l’on prend un ascenseur. Telle est la vision à long terme du projet de recherche «myCopter», financé par la Communauté européenne dans le contexte du 7è programme-cadre (FP7) pour la recherche et le développement technologique, et auquel participe l'EPFL.

Faire des hélicoptères un véhicule aussi courant que le sont les voitures aujourd'hui, l'idée peut sembler farfelue. Elle ne repose pas moins sur un constat absolument sérieux: «Les infrastructures routières sont totalement saturées aux heures de pointes, il ne sera bientôt plus possible ni souhaitable de construire de nouvelle autoroutes, analyse Heinrich Bülthoff, professeur au Max Planck Institute for Biological Cybernetics de Tübingen (D) et initiateur du projet myCopter. La seule solution, c’est de sortir de la boîte et d’ajouter la troisième dimension aux parcours des pendulaires.»

Entre le rêve d’enfant – qui n’a jamais voulu voler «de ses propres ailes»? – et la vision apocalyptique d’un essaim d’engins individuels bourdonnant à l’assaut des villes, il y a tout un monde à mettre en place. Ce à quoi s’attellent depuis le mois de janvier plusieurs universités d’Europe: outre le Max Planck Institute, l’Université de Liverpool, l’EPFL, l’ETH Zurich, le Karlsruher Institut für Technologie et le Deutsche Zentrum für Luft- und Raumfahrt y collaborent. Le projet et ses partenaires sont présentés aujourd’hui même, à Londres, dans le cadre d’une conférence de la Royal aeronautical society.

Créer les pièces du puzzle
L’EPFL fait partie des partenaires de la première heure de myCopter. Deux équipes sont concernées: le Laboratoire de vision par ordinateur (CVLab) et le Laboratoire de systèmes intelligents (LIS). «A ce stade, il ne s’agit pas de concevoir l’engin volant en tant que tel, précise Felix Schill, post-doctorant au LIS, actif sur le projet. Ce que veut l’Europe dans cette première phase, c’est que nous développions tout ce qui rendra possible la diffusion à large échelle d’un tel mode de transport.»

Les problèmes posés sont importants, et sont loin de n’être que techniques. Beaucoup de lois devront être adaptées et un impact social conséquent est prévisible. Des infrastructures doivent être prévues pour «parquer» ces engins sur les lieux de travail. L’interface utilisateur doit permettre à quiconque de pouvoir s’en servir sans une longue formation. Des défis énergétiques se posent également, même si l’EPFL a pu calculer, il y a quelques années, qu’un engin volant individuel électrique doté d’un rotor contrarotatif serait capable aujourd’hui déjà de franchir une vingtaine de kilomètres à la seule force de ses batteries, bien assez (à vol d’oiseau) pour la majorité des trajets pendulaires.

Priorité sur la sécurité
Le travail, prévu sur quatre ans et doté d’un budget de 4,2 millions d’euros, est réparti entre différents chantiers. Ceux de l’EPFL concernent en particulier les interactions de plusieurs engins volants entre eux. «La sécurité des passagers est évidemment l’une des questions les plus sensibles, reprend Felix Schill. Il faut mettre en place des systèmes parfaitement fiables pour éviter les collisions.» Cela passe par le développement de divers outils de détection et de communication entre les véhicules. «Nous avons déjà embarqué des micros sur des drones, reprend le chercheur. Avec un algorithme qui étouffe les bruits parasites, ils peuvent entendre le bourdonnement d’autres moteurs et les localiser. Mais il faut encore trouver le moyen de repérer les oiseaux et tout autre objet volant.»

Les exigences en termes de sécurité imposeront certainement des systèmes très redondants. Les chercheurs s’intéressent par exemple à faire évoluer la technologie du radar, à plus petite échelle et dans de nouvelles bandes de fréquence, ce qui intéresse d’ores et déjà l’industrie automobile. En parallèle, le CVLab planche quant à lui sur le repérage par caméra d’autres engins ou des sites d’atterrissage.


Vision d'artiste d'un véhicule volant individuel. © Flight Stability Control

En outre et dans l’optique d’une large diffusion de ce mode de transport, les chercheurs s’intéressent aussi à la façon dont ces véhicules voleront – ou pas – ensemble. Faut-il créer des «autoroutes du ciel»? Leur apprendre à voler en formation comme les oiseaux migrateurs? Ou les laisser aller chacun son chemin? Des recherches déjà menées sur des drones volant en formation pourront être poursuivies dans le cadre de ce projet.

MyCopter mobilise donc de nombreuses forces académiques, dont les résultats seront utiles au-delà des seuls hélicoptères «de poche», et bien avant que ceux-ci ne sortent des lignes de production. «Mais j’envisage de proposer d’ici deux ans un autre projet de recherche, avec des partenaires industriels, pour réfléchir cette fois aux engins eux-mêmes», anticipe Heinrich Bülthoff.