L'EPFL lance un satellite à la poursuite des débris de l'espace

© 2012 EPFL

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La prolifération des débris – restes de fusées et de satellites qui ne sont plus utilisés ou qui ont été détruits – dans les orbites terrestres constitue un risque de plus en plus pressant pour les engins spatiaux et peut générer des coûts colossaux. À l’EPFL, le Swiss Space Center lance aujourd’hui le projet CleanSpace One, visant à développer et construire le premier représentant d’une famille de satellites destinés au nettoyage de ces scories.


La périphérie de la Terre est encombrée de débris de toutes sortes, anciens engins hors service ou fragments de fusées et de satellites, qui tournoient à des vitesses inouïes. La NASA suit à la trace pas moins de 16'000 objets de plus de 10 cm. Le risque de collisions est avéré. Elles provoquent des dégâts considérables, voire la destruction complète de satellites, – ce qui génère à chaque fois des milliers de nouveaux débris.

« Il est devenu indispensable de prendre conscience de l’existence de ces débris et des risques qu’engendre leur prolifération », déclare Claude Nicollier, astronaute et professeur à l’EPFL. Pour aller au‐delà des mots et ouvrir immédiatement le chantier d’un nécessaire nettoyage de l’espace, le Swiss Space Center, à l’EPFL, lance aujourd’hui le projet CleanSpace One, qui prévoit de construire en Suisse le premier prototype d’une famille de satellites « désorbiteurs ».

Ses concepteurs veulent symboliquement lancer CleanSpace One à l’assaut du premier objet céleste suisse, le picosatellite Swisscube, mis en orbite en 2009, ou de son « cousin » tessinois TIsat, lancé en juillet 2010. Trois défis de taille attendent ce premier nettoyeur spatial. Chacun d’entre eux implique un développement technologique qui pourra par la suite être appliqué à d’autres dispositifs.

Un satellite, trois défis technologiques

Après son lancement, il s’agira d’abord pour le satellite d’adapter sa trajectoire afin de rejoindre l’orbite de sa cible. Il pourrait pour cela utiliser un nouveau type de moteur destiné à l’espace, ultracompact, également en développement dans les laboratoires de l’EPFL. Lorsqu’il sera parvenu à proximité de son objectif, qui fonce à 28'000 km/h et à 630 ou 750 km d’altitude, CleanSpace One le saisira et le stabilisera – une mission particulièrement délicate à ces vitesses, surtout si le satellite à éliminer est en rotation. Pour l’accomplir, les scientifiques envisagent de développer un mécanisme de préhension dont le fonctionnement s’inspirerait du monde animal ou végétal. Enfin, couplé au satellite à désorbiter, CleanSpace One devra prendre la direction de l’atmosphère terrestre, où les deux satellites seront brûlés.

Même si ce premier exemplaire sera détruit, l’aventure de CleanSpace One ne sera pas unique. « Nous voulons proposer et commercialiser une famille de systèmes clés‐en‐mains et conçus dans un souci de durabilité, adaptés à plusieurs types de satellites à désorbiter, explique Volker Gass, directeur du Swiss Space Center. De plus en plus, les agences spatiales devront prendre en considération et préparer l’élimination de ce qu’ils envoient dans l’espace. Nous voulons faire œuvre de pionniers. »

La conception et la réalisation de CleanSpace One, ainsi que la mission proprement dite, sont chiffrées à quelque 10 millions de francs. En fonction des sources de financement et des partenariats qui seront établis, le rendez‐vous en orbite pourrait avoir lieu d’ici trois à cinq ans.

A propos des débris spatiaux

Seize mille objets de plus de 10 cm, des centaines de milliers de plus petits, lancés à des vitesses de plusieurs kilomètres par seconde : depuis les débuts de la conquête spatiale, la périphérie de la Terre s’est retrouvée de plus en plus encombrée de débris de toutes sortes, essentiellement concentrés sur les orbites basse (moins de 2000 km, où se trouve par exemple la Station spatiale internationale ISS) ou géostationnaire (35'786 km). Beaucoup sont issus de portions de fusées ou de satellites désintégrés en orbite. En cas d’impact, ces éléments peuvent gravement endommager, voire détruire des satellites fonctionnels – le cas s’est présenté le 10 février 2009, avec l’explosion du satellite de communication américain Iridium‐33 lors de sa rencontre avec l’ancien satellite russe Cosmos‐2251. Les conséquences financières de tels accidents sont considérables en particulier pour les assurances actives dans le spatial, d’ores et déjà engagées à hauteur de 20 milliards de dollars.

Les cas de collision sont appelés à se multiplier. Même dans l’immensité de l’espace, la densité des déchets d’origine humaine devient problématique. Leur croissance est exponentielle: chaque rencontre génère à son tour plusieurs milliers de nouveaux débris, plus petits, mais pas moins dangereux qu’un gros satellite abandonné. La NASA, qui recense et suit à la trace 16’000 objets célestes, ne peut garder son œil que sur les plus conséquents (plus de 10 cm) – alors qu’un simple éclat de peinture, à des de plusieurs kilomètres par seconde, peut déjà fortement endommager un panneau solaire ou le pare‐brise d’une navette. Pour éviter les plus gros débris avant qu’ils ne s’approchent à des distances critiques, la Station spatiale internationale doit régulièrement modifier son orbite. Elle vient de le faire, avec succès, le 29 janvier dernier.

Selon une étude publiée par le réassureur Swiss Re l’an dernier, il y a chaque année près d’une « chance » sur 10’000 qu’un débris de plus de 1 cm rencontre un satellite de 10 m2 sur l’orbite héliosynchrone (entre 600 et 1000 km).

Jérome Grosse, porte‐parole de l’EPFL
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