L'EPFL explore de nouvelles applications pour la géothermie

Une extraction importante de la chaleur est de mise dans un centre de données. © iStock Photos

Une extraction importante de la chaleur est de mise dans un centre de données. © iStock Photos

Des scientifiques de l’EPFL ont évalué le potentiel géothermique d’une station de métro et d’un centre de données construit en sous-sol afin d’en améliorer le système de ventilation mécanique. Deux contextes aux enjeux très différents. 

Le Laboratoire de mécaniques des sols (LMS) de l’EPFL publie deux articles scientifiques qui donnent de nouvelles perspectives à la géothermie. En collaboration avec Amberg Engineering, une entreprise internationale basée en Suisse, la première étude a évalué le potentiel géothermique d’une station de métro de Bucarest, afin de récupérer l'excès de chaleur et de réduire le recours à la ventilation mécanique. La deuxième étude, aussi réalisée avec Amberg Engineering, s'est penchée sur le cas d'un centre de données construit en sous-sol, dans le but de restreindre l’utilisation de la climatisation. Les deux publications, réalisées dans le cadre d’un projet d’Innosuisse, sont parues dans la revue Tunnelling and Underground Space Technology incorporating Trenchless Technology Research.

Contexte dynamique

L’étude la plus récente porte sur la station de métro roumaine. Les scientifiques ont dû tenir compte de la géométrie de la station, située à 25 mètres en sous-sol, mesurer l’impact sur la circulation de l’air du passage du métro, de son accélération et de son freinage, ainsi que du flux des passagères et des passagers. L’extraction de la chaleur sera assurée par des tubes remplis d’eau et insérés dans les murs de béton armé de la station. Comme dans une installation standard en géothermie, la chaleur sera exploitée en surface par une pompe à chaleur.

«Nous avons effectué une double simulation, en tenant compte du transfert de chaleur de l’air au sol », précise Sofie ten Bosch, ingénieure civile et première autrice de la publication. «Nos modèles peuvent être utilisés pour évaluer le potentiel géothermique de toutes nouvelles infrastructures ferroviaires, car ils prennent en compte des paramètres inclus dans la plupart de ces constructions. La station de Bucarest que nous avons étudiée présente elle-même une géométrie standard que l’on retrouve partout dans le monde.»

Contexte statique

L’étude publiée auparavant par le LMS, porte sur la construction d’un centre de données de 300 mètres de long et de 24 mètres de hauteur situé en sous-sol. Ici, le défi n’est pas le passage dynamique d’un métro, mais le fonctionnement permanent de serveurs qui font grimper la température de l’air, alors que le site doit maintenir des températures acceptables, nécessitant la mise en place d’un système de refroidissement.

Les modèles développés par le LMS tiennent là aussi compte de la géométrie du bâtiment et de l’évacuation possible de la chaleur. L’étude montre que le montant d’une installation de géothermie serait dans ce cas amorti dans les 3 à 7 ans, en revendant la chaleur extraite du sous-sol au prix du marché. En outre, le système contribue à refroidir l’intérieur du centre de données, ce qui permet de réduire les besoins de ventilation. Selon leurs estimations, une réduction de 45% des émissions annuelles de CO2 serait ainsi obtenue dans ce cas d’étude, si l'énergie géothermique était utilisée à des fins de chauffage, en remplaçant la même quantité d'énergie provenant de chaudières à gaz.

«Alors que ce genre d’infrastructures se développe de plus en plus en raison de la numérisation croissante de notre société, peu d’études ont été réalisées sur le potentiel de la géothermie pour refroidir la température intérieure», souligne Sofie ten Bosch, également première autrice de cette publication scientifique. Actuellement, la quantité d’énergie dépensée pour refroidir les centres de données représente 30 à 50% du total de l’énergie consacrée à leur exploitation.

Face au défi de la transition énergétique, Sofie ten Bosch se réjouit d’avoir pu appliquer les recherches menées dans le cadre de son doctorat à deux cas concrets: «La technologie qui permet d’évaluer le potentiel géothermique d’un espace donné est avancée et nous voyons ici que l’industrie est prête à envisager de nouvelles applications pour l’exploiter de manière optimale.»

Technologie mature

A l’EPFL, le Laboratoire de mécaniques des sols étudie depuis des années le potentiel de la chaleur naturellement présente en sous-sol afin d’en évaluer la quantité à disposition et de l’exploiter en surface, que cela soit pour le chauffage ou la climatisation. Le laboratoire a focalisé ses efforts jusqu’ici dans l’application de ses recherches à travers deux start-up: GEOEG, qui a développé des systèmes de géostructures énergétiques intégrés à une future infrastructure, et Enerdrape, qui a inventé des panneaux géothermiques permettant d'extraire cette énergie renouvelable dans des infrastructures déjà existantes, à l’exemple de parkings souterrains. «Nous repoussons inlassablement les limites de l'utilisation des ressources souterraines», commente Lyesse Laloui, professeur ordinaire, directeur du LMS et auteur correspondant des études citées plus haut. «Après avoir exploité ces ressources pour l'extraction et le stockage de l'énergie thermique, nous les intégrons maintenant à d'autres usages comme la ventilation d’infrastructures et la lutte contre les effets d'îlots de chaleur souterrains.»

Financement

InnoSuisse, Innovation project 58341.1 IP-EE.

Références

Sofie ten Bosch, Elena Ravera, Marco Tobler, Marco Bettelini, Lyesse Laloui, “Assessing and exploiting the interaction between ventilation and geothermal systems in an underground data centre”, Tunnelling and Underground Space Technology incorporating Trenchless Technology Research, February 2024. https://doi.org/10.1016/j.tust.2023.105563

Sofie ten Bosch, Elena Ravera, Marco Tobler, Marco Bettelini & Lyesse Laloui, “Evaluating the geothermal potential of a metro station considering its airflow conditions”, Tunnelling and Underground Space Technology incorporating Trenchless Technology Research, September 2025. https://doi.org/10.1016/j.tust.2025.106697


Auteur: Sandrine Perroud

Source: EPFL

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