L'EPFL dans le top 10 à la compétition de biologie synthétique iGEM
Avec leur projet d’aérogel biodégradable pour remplacer les isolants dans le bâtiment, les onze membres de l’équipe de l’EPFL participant fin octobre à la compétition internationale de biologie synthétique iGEM ont impressionné le jury, et sont revenus à Lausanne avec une médaille d’or et quatre nominations.
Lier la biologie synthétique, la construction, et la protection de l’environnement ? Il fallait bien une équipe interdisciplinaire d’étudiantes et étudiants de l’EPFL pour y arriver. Issu·e·s de domaines aussi variés que les sciences de la vie, le génie mécanique et l’architecture, en bachelor ou master, elles et ils étaient onze cette année pour développer et concevoir un produit à présenter à l’iGEM. Lors de cette compétition internationale annuelle de biologie synthétique, domaine qui vise à créer des systèmes biologiques nouveaux, plusieurs centaines d’équipes étudiantes sont rassemblées pour tenter de développer des solutions à des problèmes réels. L’EPFL y participe depuis 2008.
Cette année, c’est le problème de l’isolation thermique sur lequel l’équipe de l’EPFL a décidé de se pencher, dès le début du semestre de Printemps. La régulation de la température des bâtiments représente 60% de l'énergie consommée par les ménages européens, et 10% des émissions mondiales de CO2. L'isolation permet de réduire cette consommation, mais la quasi-totalité des déchets d'isolation en Suisse est soit brûlée, soit mise en décharge. Suivant l’idée de Pablo Castellón, étudiant en bachelor d’architecture, l’équipe a ainsi tenté de mettre au point un matériau 100% renouvelable, qui présente d'excellentes propriétés isolantes.
«C’est la première fois qu’il y avait un étudiant en architecture dans l’équipe iGEM. Il était intéressé à associer la biologie synthétique à son domaine, ce qui a beaucoup inspiré deux étudiantes de l’équipe. Elles ont cherché comment répondre avec de la biologie aux problématiques de la construction, qui ont beaucoup d’impacts environnementaux dans notre société», explique Alice Klein, étudiante en master d’ingénierie des sciences du vivant.
Neuf mois intensifs
Du brainstorming pour se décider sur le projet à la fabrication du produit en laboratoire, en passant par de la modélisation et la création d’un site internet détaillant le projet, l’équipe interdisciplinaire a passé neuf mois intensifs sur ce projet MAKE. Le résultat, nommé HESTIA en référence à la déesse grecque du foyer, est un isolant à base d’aérogel de cellulose associé à des protéines recombinantes. «L’aérogel de cellulose est innovant mais pas vraiment utilisé dans l’isolation des bâtiments car il est notamment très sensible à l’eau. Pour contrer ça, on a identifié une protéine de soie secrétée par la chrysope verte (M. Signata), qui peut être reproduite et purifiée en laboratoire pour former un film aux propriétés hydrophobes», précise Charlotte Daumal, étudiante en bachelor d’ingénierie des sciences du vivant. Une deuxième couche composée de protéines modulables a été ajoutée au matériau, pour le rendre résistant au feu, aux insectes ou aux champignons.
What is HESTIA ?
— iGEM EPFL (@EPFL_iGEM) September 1, 2022
Here's why and how #iGEM EPFL 2022's team plans to reimagine construction through #syntheticbiology : (1/9) pic.twitter.com/FTppcGjdOP
Les onze étudiantes et étudiants ont réussi à démontrer dans un proof of concept que le projet était faisable de A à Z, et à réaliser séparément, en laboratoire, les trois couches de l’isolant, mais n’a pas eu assez de temps pour développer le produit final. De quoi se réjouir toutefois: avoir un proof of concept détaillé sur un site internet, le wiki, est la partie la plus importante de l’iGEM, car c’est surtout cela qu’auront regardé les juges, en plus des présentations au moment du Grand Jamboree, qui a eu lieu du 26 au 28 octobre à Paris. La délégation de l’EPFL y a remporté une médaille d’or, qui récompense l’aboutissement du projet, a été nominée parmi les meilleures équipes dans les catégories «meilleur projet de biofabrication», «meilleur projet durable», «meilleures présentation» et «meilleur wiki». Elle figure surtout dans le top 10 dans la catégorie «overgraduate», qui regroupe les équipes dont au moins une ou un membre a plus de 23 ans.
«L'équipe n’avait pas de structure hiérarchique, ils partageaient les responsabilités entre eux, s’organisaient efficacement pour respecter les délais imposés par le concours. C'était unique et remarquable de voir une équipe qui, sans leader désigné, produisait toutes les pièces du projet, sans conflits. Cela montre comment on peut être très productif sans avoir une structure organisationnelle classique», félicite Brian McCabe, professeur en neurosciences à l’EPFL et superviseur de l’équipe à l’iGEM.
Amazing that 3 of the top 10 ranked synthetic biology #synbio teams (out of 356) at the international #iGEM2022 competition are from universities in #Switzerland - @EPFL_en, @unil & @UZH_en. pic.twitter.com/ZLexF6rKj9
— Brian D. McCabe (@briandmccabe) October 31, 2022
«La compétition était incroyable, c’était la conclusion de ces 9 mois intenses et acharnés à travailler ensemble. Nous y avons rencontré énormément de gens, avec des backgrounds très différents, venus des quatre coins du monde. D’un point de vue scientifique, voir tous ces projets si différents était passionnant. D’un point de vue humain c’était génial, mais aussi très stressant car on devait être les meilleurs» se rappelle avec émotion Elodie Marcandalli, étudiante en master d’ingénierie des sciences du vivant.
L’équipe hésite encore à poursuivre l’aventure de l’isolant HESTIA dans le cadre, par exemple, de la création d’une start-up, mais une partie de ses membres a déjà été conquise par l’univers du laboratoire et réfléchit déjà à un doctorat.
Les inscriptions pour la prochaine édition de l’iGEM EPFL sont ouvertes jusqu’au 17 décembre 2022. «L’iGEM est ouvert à toutes les sections, dès la deuxième année de bachelor. Nous recherchons créativité et motivation, moteurs de la réalisation du projet, et n’attendons pas forcément un bagage très important en biologie synthétique : cela fait partie de l’objectif du cours de les acquérir en cours de projet», détaille Marine Van Campenhoudt, doctorante du professeur McCabe, coordinatrice et assistante en biologie pour l’équipe.