L'endroit où vous vivez peut littéralement façonner votre corps

© 2014 EPFL

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Une récente étude basée sur l’analyse de données récoltées dans le Canton de Genève démontre qu’habiter en ville ou en périphérie peut avoir des effets surprenants sur la masse pondérale et la santé, et ce indépendamment d’une éventuelle différence de revenu.

Vous souhaitez perdre du poids? Au lieu de faire un régime, pourquoi ne pas quitter la périphérie et déménager au centre ville? Tout schématique qu’il soit, ce conseil s’inspire d’une récente étude menée par des chercheurs des Hôpitaux Universitaires Genevois (HUG) et de l’EPFL, qui montre que le lieu de domicile influence l’indice de masse corporelle des adultes – un indicateur évaluant la corpulence des individus – davantage que le revenu. Basés sur des données récoltées à Genève pendant plus de dix ans, ces résultats publiés dans le journal Nature Nutrition and Diabetes soulignent la nécessité de mieux analyser la santé publique et donnent des pistes pour élaborer des campagnes contre l’obésité.

Les spécialistes l’ont compris depuis longtemps, le contexte socio-économique et les cercles sociaux influencent la santé des individus et leur tendance à l’obésité. Jusqu’ici, l’indice de masse corporelle (IMC) – une valeur qui décrit la forme du corps d’après le poids et la taille – était d’ailleurs supposé refléter le salaire et l’IMC moyen des cercles sociaux auxquels la personne étudiée appartenait. Les campagnes de lutte contre l’obésité ont ainsi toujours visé en priorité un large spectre de population résidant dans des quartiers à revenu modeste. Or, les données récoltées sur des milliers d’adultes et d’enfants vivant à Genève suggèrent une interprétation plus nuancée.

Des informations sur la santé de plus de 6600 adultes - dont la taille et le poids - ont été collectées entre 2001 à 2010 dans le cadre de l’étude Bus Santé, initiée et menée par le Dr Idris Guessous de l’Unité d’épidémiologie populationnelle des HUG. Cette campagne a requis l’utilisation de plusieurs unités d’examen, dont une mobile, qui s’est rendue dans plusieurs endroits du Canton afin d’évaluer l’état de santé de ses habitants. Ces données ont été comparées avec des évaluations de la santé de plus de 3600 enfants réalisées dans les écoles genevoises en 2011.

En analysant ces résultats d’un point de vue géographique, on constate que l’IMC des adultes et des enfants n’est pas distribué de manière aléatoire dans le canton. Au contraire, le territoire se trouve divisé en régions aux valeurs particulièrement basses ou élevées, ainsi qu’en une portion plus large où aucune tendance ne prévaut. Au sud du Rhône, les chercheurs ont détecté une zone concentrant de faibles IMC. Au nord et à l’ouest de la Praille, les IMC élevés sont surreprésentés. Entre les deux s’étend une large ceinture dite « neutre », avec une population panachée.

Les points rouges représentent des adultes avec un IMC élevé qui sont entourés d’adultes avec des IMC élevés (élevé-élevé). Les points bleus représentent la situation inverse (bas-bas). Blanc signifie qu’aucune tendance n’est détectée. Violet et rose signifient respectivement bas-élevé et élevé-bas.
Source: Nature, 2014

Cette étude a mis en lumière deux faits importants. D’abord, les IMC élevés des adultes et des enfants ne se recoupent pas forcément, surtout au cœur de la ville, au nord du Rhône. Ensuite, on remarque que les différences de revenu ne sont pas suffisantes pour expliquer les disparités constatées, du moins chez les adultes. Selon les scientifiques, il existe de nombreuses autres causes potentielles, dont l’urbanisme, les cercles sociaux, les infrastructures sportives et la promotion de formes plus douces de mobilité (marche, vélo, transports publics). « Nous allons désormais tenter d’évaluer l’impact de chacun de ces facteurs sur l’IMC », explique Stéphane Joost, du Laboratoire de Systèmes d’information géographique de l’EPFL, en charge de l’analyse spatiale des résultats.

Par conséquent, il semble aujourd’hui crucial d’analyser plus finement la santé des individus, tant du point de vue de la distribution spatiale que de la structure démographique. Si cette étude va aider d’autres communautés à cerner plus précisément la santé de leurs résidents, elle va également permettre aux initiateurs de campagnes contre l’obésité de mieux adapter leurs interventions.