« L'effet porte-parole » dans les communications lors de pandémie
Des chercheurs de l'EPFL et de l’UNIL ont mené une enquête pour mieux comprendre le soutien pour les mesures de distanciation social. Les résultats préliminaires pourraient aider à identifier les porte-paroles les plus efficaces pour faire passer des messages concernant la prévention face à la pandémie à différents groupes sociaux.
Robert West de l'UNIL-EPFL dhCenter et du Laboratoire de sciences des données (DLAB) de la Faculté informatique et communications de l’EPFL, ainsi que les scientifiques Andreas Spitz du DLAB et Ahmad Abu-Akel de l’Institut de Psychologie de l’Université de Lausanne, ont distribué un questionnaire anonyme dans la suisse-romande en fin mars. Le sondage, qui demandait aux répondants leur sentiment sur la réponse de la Suisse face à la pandémie de coronavirus et s’ils soutiennent les mesures de distanciation sociale, a été lancé quelques jours après que le Conseil fédéral suisse ait catégorisé la situation du COVID-19 dans le pays comme « extraordinaire » selon la loi sur les épidémies.
En plus de donner des informations démographiques, il était demandé aux répondants de lire un petit message appelant à la distanciation sociale de l’une de deux personnalités publiques : l’acteur Tom Hanks et la présidente suisse Simonetta Sommaruga. Les participants étaient aussi invités à indiquer si leurs sentiments vis-à-vis de la personnalité sont positifs ou négatifs.
« Cette approche a été motivée par des recherches suggérant que les célébrités perçues favorablement auront un effet positif sur les opinions, attitudes et comportements des gens. Cependant, on en sait moins sur l’effet des célébrités en temps de crise », écrivent les auteurs.
L'enquête s'appuie sur une étude similaire menée par les trois chercheurs et financée dans le cadre du programme 2020 Collaborative Research on Science and Society (CROSS) du Collège des Humanités.
Choisir le messager
Les chercheurs ont reçu plus de 700 réponses aux questionnaires, qu’ils ont ensuite analysées pour comprendre quels facteurs ont eu un effet sur le respect que les répondants ont dit avoir pour les mesures de distanciation sociale.
Contrairement à leurs prédictions, les chercheurs ont trouvé que la porte-parole du gouvernement (Simonetta Sommaruga) a eu un meilleur effet que la célébrité (Tom Hanks) sur l’amélioration du comportement des répondants vis-à-vis de la distanciation sociale. En d’autres termes, les répondants à qui il était montré le message soutenant les pratiques de distanciation sociale provenant du gouvernement ont fait état d’un plus grand respect de ces consignes.
« Nous nous attendions à ce que les personnes – surtout les jeunes – soient plus réactives à une célébrité telle que Tom Hanks qu’à un membre du gouvernement comme Simonetta Sommaruga. Nous étions donc plutôt surpris quand nous avons vu un résultat opposé », explique le co-auteur Andreas Spitz. « Pour le gouvernement, cela signifierait qu’il ne leur faut pas sous-estimer leur pouvoir de persuasion. Parler directement à la population peut être encore plus efficace que faire appel à des célébrités pour conseiller aux gens de rester à la maison, comme l’a récemment fait le ministre de la santé suisse Alain Berset sur Instagram. »
De plus, les enquêteurs ont constaté que le soutien et le respect des recommandations en matière de distanciation sociale étaient négativement associés à la fois à la taille de la ville et à celle du ménage. Ils en ont conclu que puisque la perception du risque lors d’une crise comme celle de la pandémie de coronavirus varie sur le plan démographique, différents porte-paroles peuvent être nécessaires pour transmettre avec succès des messages à propos des comportements tels que la distanciation sociale aux populations plus jeunes et plus âgées, par exemple, et à celles des zones rurales par rapport aux zones urbaines.
Les résultats préliminaires des chercheurs pour la Suisse sont actuellement en attente d’un examen par les pairs dans le dépôt de prépublications psyarxive. En attendant, l’équipe analyse les résultats d’autres enquêtes menées dans plus d’une douzaine d’autres pays dans l’espoir de récolter des informations similaires dans le monde entier.