«L'économie est à l'aube d'une révolution»

© 2020 EPFL

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Pour Gaétan de Rassenfosse, professeur à l’Institut de management de la technologie et entrepreneuriat au Collège du management de la technologie, l’économie et la science des données ne peuvent être dissociées.

Pouvez-vous vous décrire en quelques mots?

Je suis né à Bruxelles il y a 37 ans, et j’y ai grandi. J’ai étudié l’ingénierie commerciale à la Solvay Business School, qui fait partie de l’Université libre de Bruxelles (ULB). J’ai ensuite effectué un doctorat en économie, toujours à l’ULB, durant lequel je me suis spécialisé en économie de l’innovation. Bien que j’aie passé un peu de temps à l’étranger pendant mes études, au Canada, en France et en Allemagne, je voulais quitter la Belgique pour mon postdoc. J’ai donc rejoint l’université de Melbourne pour environ quatre ans. Même si j’ai énormément apprécié la manière de vivre des Australiens, l’Europe me manquait et je voulais me rapprocher de ma famille et des pôles de recherche. Je suis vraiment content d’être venu à l’EPFL.

Voilà six ans que vous êtes à l’EPFL. Comment votre vision de cette institution a-t-elle évolué?

Elle est restée la même. Je suis toujours impressionné par la qualité de la faculté et des étudiants, et par les conditions de recherche qu’on y trouve. Je suis aussi content de l’ambiance collégiale qui règne au CDM et de l’attitude positive des collègues, que ce soit au niveau administratif ou au sein de la faculté. Je suis très enthousiaste à l’idée que le CDM pourrait proposer un bachelor en ingénierie commerciale. Bien qu’il n’y ait encore rien de concret, ce serait un ajout pertinent pour étoffer notre offre actuelle. Les étudiants ont besoin de différentes compétences pour exceller à la fois dans des sujets liés à l’ingénierie et dans des sujets relevant de l’économie (notamment la finance, la stratégie, l’analyse commerciale, le droit, etc.), ce qui peut représenter un gros défi. Les étudiants présentant un profil aussi complet et une solide formation technique seront bien équipés pour avoir une incidence profonde sur la société.

Vous vous définissez comme un «scientifique computationnel social». Qu’est-ce que ça signifie?

L’économie, qui fait partie des sciences sociales, est à l’aube d’une révolution. Cette discipline a connu une forte progression depuis environ septante ans, lorsqu’on a commencé à utiliser des ordinateurs dans des départements universitaires pour procéder à des analyses de régression et que de nouvelles méthodes de régression ont commencé à être mises au point. Aujourd’hui, la puissance informatique et les méthodes de calcul, comme le traitement parallèle et les progrès en science des données, sont telles qu’on peut analyser une plus grande quantité de données de manière plus sophistiquée, ce qui est le rôle d’un scientifique computationnel social. Les départements d’économie traditionnels n’ont souvent pas l’équipement approprié pour entraîner les étudiants dans ce domaine, et très peu de professeurs comprennent les outils qui y sont associés. Le CDM, qui appartient à une école disposant de solides connaissances computationnelles, est en position idéale pour contribuer à cette révolution. Pour ma part, je cherche à former mes étudiants en doctorat avec le meilleur enseignement «classique» en économie, et je les pousse à recourir largement à la science des données dans leurs recherches.

Quel est votre projet de recherche phare et en quoi est-il important?

Le domaine de l’économie de l’innovation est confronté à un défi récurrent: il est difficile d’observer et donc de mesurer l’innovation, car elle est intangible. Depuis les années 1980, nous utilisons des données sur les brevets comme mesure directement observable de l’innovation. Ce critère a toutefois de nombreuses limites. L’une d’elles, c’est qu’il demeure au moins un pas en retrait du marché. Cette limite importe parce que sans lien entre les inventions, les brevets et le marché, il est difficile d’étudier l’impact de l’innovation sur une série de résultats du marché auxquels les économistes s’intéressent généralement. Dans le cadre du projet de recherche IPRoduct, nous explorons le web et traitons une sélection de pages internet pour identifier, d’une nouvelle manière, le lien entre les brevets et les produits commerciaux. Il s’agit d’un effort important en science des données qui implique le traitement de données volumineuses, la mise en œuvre de plusieurs classificateurs supervisés ou semi-supervisés ainsi que le traitement du langage naturel. Une fois qu’il sera terminé, ce projet ouvrira la porte à toute une série d’études.

Parlez-nous de l’ambiance entre les six chercheurs de votre chaire. Comment maintenez-vous une bonne atmosphère?

Il est important de sélectionner en premier lieu des personnes qui présentent le bon état d’esprit. C’est la raison pour laquelle j’implique tous les membres de mon équipe lorsque je recrute une nouvelle personne. Pour ce qui est des activités de groupe, la chaire en économie et management de l’innovation de Dominique Foray et la mienne organisent une retraite annuelle de recherche avec des membres actuels et anciens. Cet événement est important pour renforcer les liens au sein de mon groupe, mais aussi entre les groupes. Mon laboratoire organise aussi des «dîners de l’innovation», où des membres de l’équipe présentent leur article ou celui de quelqu’un d’autre, ou nous apprennent de nouvelles techniques. Au niveau individuel, j’essaie d’être aussi réactif que possible et d’aider du mieux que je peux.

Hormis la recherche, avez-vous une autre passion ou un autre intérêt?

Cette question est bien tournée. Effectivement, la recherche est une passion! J’aime le sport, en particulier la course à pied, la natation et le snowboard, et j’aime bien manger. Je suppose que l’un compense l’autre! Mais rien ne me fait plus plaisir que de passer une heure à lire une BD sans penser à rien d’autre. J’aime aussi voyager.