L'avenir des piles à combustible se dessine à Sion

© 2016 Sacha Bittel / Nouvelliste

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Le nouveau laboratoire carbure à plein régime et les premiers résultats sont très prometteurs. Ils pourraient avoir des applications dans la vie de tous les jours.

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C’est l’un des laboratoires les plus complexes de l’antenne sédunoise de l’EPFL. Il aura fallu plus de six mois pour installer les équipements et réaliser les différents branchements. Plus d’un kilomètre de tuyaux soigneusement étiquetés ont été nécessaires pour relier les machines. La pièce ressemble à un échangeur d’autoroutes. Du coup lorsque l’on demande au chef des lieux, le maître d’enseignement et de recherche Jan Van Herle, de nous expliquer à quoi sert ce laboratoire avec des mots simples, il marque une hésitation puis tente sa chance: «En deux mots, nous mesurons la performance des piles à combustible et leur durée de vie en conditions variables. Nous recherchons également les meilleurs matériaux pour atteindre les objectifs de performance et de coût, comment les assembler au mieux et comment optimiser l’alimentation des piles.»

Proche de la commercialisation

Bon début. A un détail près: c’est quoi une pile à combustible? «C’est comme une pile conventionnelle sauf qu’elle est alimentée avec de l’air et un combustible gazeux, en place des électrodes. Elle produit ainsi de l’électricité, mais aussi de la chaleur utile, en continu, à partir du combustible injecté», répond le chercheur. Le principe a été découvert en 1839. Il a ensuite été appliqué dans le domaine spatial avant que l’industrie ne s’y intéresse.

Aujourd’hui, beaucoup de chercheurs se penchent sur ce procédé.

«Nous sommes proches de la commercialisation. Il y a différentes filières de piles à combustible. A température ambiante, il faut obligatoirement introduire de l’hydrogène et utiliser du platine comme catalyseur, ce qui entraîne des coûts importants. En revanche, à température plus élevée comme pour nos piles, on peut remplacer le platine par des catalyseurs abondants et abordables, et l’hydrogène par du gaz naturel ou du biogaz, qui sont des combustibles directement disponibles, et de surcroît plus efficaces que l’hydrogène», détaille Jan Van Herle.

Une pile dans sa maison

Les débouchés se trouvent dans l’électronique portable, les véhicules ou la production d’énergie et de chaleur. «Au Japon, en Corée du Sud et aux USA, on trouve déjà des centrales à pile à combustible. On peut aussi descendre à l’échelle d’une maison ou d’un appartement avec une installation de la taille d’un réfrigérateur. Cette dernière est branchée au réseau du gaz, ce qui permet de produire sa propre électricité ainsi que le chauffage. »

Stocker l’électricité

Autre intérêt et non des moindres, les piles à combustible, fonctionnant en mode inversé, permettent de stocker l’électricité d’excès, par exemple lorsqu’une éolienne produit et qu’il n’y a pas de demande. «Le processus est réversible. On introduit de l’électricité renouvelable en excès qui alors se transforme en hydrogène voire en méthane. Ce gaz est beaucoup plus facile à stocker par exemple dans le réseau déjà en place qui deviendrait ainsi de plus en plus renouvelable et non uniquement fossile. En comparaison, le stockage de l’électricité demanderait des batteries d’une taille énorme. Il suffit ensuite d’inverser à nouveau le processus lorsque l’on veut produire de l’électricité.»

Intérêt pour le biogaz

L’équipe du docteur Van Herle travaille également sur le biogaz. «Notre laboratoire étudie l’effet de la composition du biogaz qui permet d’atteindre le même rendement que le gaz naturel.» Le rendement, un terme clé dans la course au développement des piles. «Parmi tous les moyens de produire de l’électricité à partir d’un combustible, la pile est celui avec lequel le rendement est le plus intéressant, et ceci déjà à de petites échelles de puissance. Par rendement, on entend le rapport entre l’électricité produite et l’énergie chimique contenue dans le combustible.» L’EPFL dépasse les 60% dans le sens normal. «C’est mieux que la plupart des grosses centrales à gaz dans le monde», note le maître de recherche.

Autre avantage, le système récupère en plus 30% de chaleur utile pour se chauffer. Enfin dans le sens inverse, «nous approchons les 100% de rendement lorsque l’on transforme de l’électricité en hydrogène», note le chercheur. Toujours du côté des performances, l’équipe de Jan Van Herle a atteint les 75% de rendement électrique brut à partir du méthane. «Nous sommes donc dans le peloton de tête des résultats publiés actuellement», conclut le chercheur avec enthousiasme.

«L’activité sera deux fois plus grande que prévu»

Marc-André Berclaz est un directeur heureux. Depuis l’inauguration il y a 27 mois de l’antenne sédunoise de l’EPFL, tout s’est très rapidement mis en place. Dans le détail, le bâtiment de la rue de l’Industrie consacré à la chimie affiche complet. «Il y aura 180 chercheurs à la fin de l’année pour un total de 9 laboratoires. C’est beaucoup plus que prévu. Au niveau du fonctionnement, à part quelques réglages, on peut dire que l’on atteint la vitesse de croisière», note Marc-André Berclaz.

Concernant la santé, la chaire des neuroprothèses a été inaugurée la semaine passée. «Au total, une vingtaine de personnes travailleront sur ce site.»

Enfin, le pôle consacré à l’environnement a été présenté au Conseil d’Etat récemment. «Je ne peux pas encore trop entrer dans les détails. Les recherches porteront sur l’environnement alpin dans une vision très large. Sept laboratoires sont prévus pour un total de 350 à 400 collaborateurs sur l’ensemble du site de Sion. C’est le double de ce qui était prévu», précise le directeur de l’antenne.

Des chercheurs EPFL et des ingénieurs de la HES

L’équipe de Jan Van Herle se compose actuellement de 15 personnes dont 6 doctorants et 4 postdoctorants. Sur ce total, on retrouve 3 ingénieurs récemment engagés qui viennent de la HES-Sion voisine.

Le chercheur se réjouit que la haute école déplace ses locaux à côté de l’EPFL-Valais: «Il y a déjà une bonne dynamique, cela va encore se renforcer. La synergie EPF-HES constitue un très fort atout dans nos recherches appliquées au service de l’économie et des sociétés suisses.»