L'analyse de données démontre l'existence du Röstigraben

© predikon / Mediacom

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Les partis sont-ils vraiment différents les uns des autres? Les politiciens peuvent-ils tricher en remplissant leur profil sur le site de recommandations électorales smartvote? En appliquant des méthodes d’analyse de données à des informations issues du système démocratique Suisse, des chercheurs de l’EPFL se sont vus récompensés par un «best paper award» lors de l’ACM Conference on Online Social Networks de Dublin. Prochaine étape: prédire le résultat d’une votation à partir de données partielles, en s'appuyant sur les votations précédentes.

La démocratie suisse produit de nombreuses données. Résultats de votation commune par commune et votes du Conseil national sont ainsi disponibles. Tout comme les réponses aux questions des candidats et électeurs ayant rempli le questionnaire du site de recommandation «smartvote» avant les élections fédérales de 2011. Vincent Etter et Julien Herzen, doctorants au Laboratoire pour les communications informatiques et leurs applications, entourés des professeurs Matthias Grossglauser et Patrick Thiran, ont exploré ces données et démontrent toute une série de faits. Ils comptent aujourd’hui poursuivre leurs recherches en mettant en place la plateforme predikon.ch, capable de prédire les résultats d’une votation fédérale sur la base des premiers résultats communaux connus.

Oui, le Röstigraben existe! «Et c’est un peu une surprise», reconnaît Vincent Etter. En prenant les résultats communaux pour l’ensemble des votations depuis 1981, et en faisant une réduction de dimension (un outil bien connu des statisticiens spécialisés dans l’analyse de données) pour en faire une représentation graphique, on fait apparaître deux groupes de communes, bien distincts, séparant francophones et germanophones (à découvrir sous http://www.predikon.ch/fr/habitudes-de-vote/langue) «Les communes les plus proches de l’intersection sont aussi celles qui sont géographiquement les plus proches de la frontière linguistique», souligne Julien Herzen.

Si la fracture linguistique est claire sur la représentation ainsi obtenue, difficile de donner une signification aux axes du graphique obtenu par la réduction de dimension. «On ne voit pas apparaître les clivages traditionnels gauche-droite ou conservateurs-libéraux», résume Vincent Etter. Les communes italophones semblent quant à elle se séparer au fil du temps du bloc romand pour se rapprocher des alémaniques. Dans une prochaine version de leur graphique interactif, les chercheurs comptent ajouter un curseur temporel permettant de mettre en lumière ce fait.

La droite et la gauche, ça existe!

Si le Röstigraben ne s’explique ni par un clivage gauche-droite, ni par une opposition conservateurs-libéraux, ces catégories classiques des sciences politiques ont bel et bien une réalité en ce qui concerne les personnalités politiques. C’est ce qui ressort d’une application des mêmes outils de visualisation de données aux informations obtenues auprès du site de recommandation de vote smartvote.ch, pour les élections fédérales de 2011.

Avec le même jeu de données, les chercheurs se sont demandé si les partis étaient vraiment différents les uns des autres. Ils ont ainsi démontré que les positions de 25,8% des candidats socialistes étaient plus proches de la médiane des positions vertes. Pour l’inverse, la proportion est de 18,8%. Mais le record du chevauchement est détenu par le PBD dont plus de la moitié des candidats de 2011 étaient plus proche de la médiane d’un autre parti que de leur propre formation, principalement le PDC (33,1%).

Vincent Etter et Julien Herzen ont aussi montré qu’il serait facile pour un candidat qui remplirait son profil smartvote en dernier de choisir ses réponses de façon à optimiser le nombre de fois où il serait recommandé à des électeurs se fiant à ce service. Mais cela n’a vraisemblablement pas été fait en 2011 puisque la différence entre les votes des élus au parlement et leur profile smartvote est très faible

Ebikon, la commune qui a (presque) toujours raison

La prochaine étape visée par les deux informaticiens est la prédiction du résultat d’une votation en combinant le résultat du scrutin pour un tout petit nombre de communes, avec la base de données des votations passées. La plateforme dédiée à ce projet, mise en place par Victor Kristof, étudiant en Système de communication, est nommée Predikon.ch, jeu de mots entre prédictions et Ebikon. Dans les travaux préparatoires, cette commune lucernoise de 12’000 habitants est, en effet, apparue comme celle dont la connaissance du résultat d’un scrutin permet avec le plus de fiabilité de prédire le résultat fédéral. «En nous livrant à l’exercice avec les scrutins passés, dans 96% des cas, en connaissant le résultat d’Ebikon, nous donnons le résultat correct au niveau fédéral», résume Julien Herzen.

Le développement de ce projet est ralenti par le fait que chacun des 26 cantons dispose d’un système de présentation des données différent, et que souvent ces plateformes ne sont mises en ligne que durant quelques heures, les dimanche de votation, pendant le dépouillement du scrutin. Mais il y a fort à parier que bientôt l’indice Predikon fera référence dans les flashs info des dimanches électoraux.

Le projet Predikon et l’ensemble des travaux de Vincent Etter et Julien Herzen seront présentés à l’occasion des portes ouvertes de la Faculté informatique et communication, samedi 22 novembre 15h30, salle BC420, lors de la conférence «La démocratie suisse vue par les données». Durant toute la durée des portes ouvertes, une démonstration de Predikon sera exposée au 4e étage du bâtiment de la faculté. Inscriptions aux portes ouvertes jusqu’au 20 novembre sur ic.epfl.ch/portes-ouvertes.


Auteur: Joël Burri / Mediacom

Source: EPFL


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