Kandou : 1000ème invention de l'EPFL

L’EPFL célèbre sa millième invention : Kandou. Ou comment les mathématiques viennent au secours de l’électronique, pour faire toujours plus petit, plus rapide et moins gourmand en énergie.

150 milliards de kWh par année. C’est la consommation électrique mondiale des ordinateurs, qui s’accompagne accessoirement d’une facture mensuelle de plusieurs milliards de dollars. Réduire cette consommation, ne serait-ce que de quelques pourcents, représente donc un enjeu économique et écologique majeur. C’est l’objectif de Kandou, la 1000ème invention de l’EPFL.

Le SRI (Service des Relations Industrielles), responsable du transfert de technologies vers l’industrie vient en effet de recevoir sa millième invention à évaluer. La première gérée par le SRI concernait les cellules solaires du professeur Grätzel, lauréat du prix millennium Technology Prize en 2010. « L’EPFL protège les inventions prometteuses avant tout dans le but d’être utile à la société. » explique Gabriel Clerc, responsable du SRI.

Kandou, inventé par Harm Cronie et Amin Shokrollahi du laboratoire d’algorithme de l’EPFL, permet aux processeurs de communiquer avec leurs périphériques (mémoires, imprimantes, écrans) de manière plus rapide et moins énergivore. Une petite révolution dans le domaine de l’informatique dont la solution vient…des mathématiques !

La plupart des appareils électroniques disposent désormais de processeurs ultra-rapides. Ceux-ci communiquent avec leurs homologues ou avec d’autres périphériques en utilisant des bus électroniques, sortes d’autoroutes de l’information. Problème : ces bus, matérialisés par de petits fils, interfèrent entre eux, provoquant des parasites dans la transmission du signal et limitant ainsi l’exploitation à 100% des capacités du processeur. L’intensité du signal peut-être amplifiée mais les perturbations augmentent proportionnellement, à l’image de deux couples discutant dans un restaurant : leurs paroles interfèrent et le discours est peu audible. Augmenter le volume des discussions ne résout en rien les perturbations puisque tout le monde parle plus fort. On peut toujours construire un mur entre les couples mais cela prend de l’espace sans pour autant supprimer totalement ces interférences.

Depuis 10 ans, les bus se sont modernisés en adoptant un système différentiel. L’information transite désormais par des paires de fils. Sur l’un d’eux, le message est transmis en positif et sur l’autre en négatif. Chaque paire de fils reçoit sensiblement les mêmes interférences de l’extérieur. En soustrayant l’information positive à l’information négative, on annule les perturbations tout en doublant l’intensité du signal. Cette solution fonctionne mais nécessite deux fois plus de fils, ce qui n’est pas toujours possible. Il faut alors augmenter l’énergie par fil pour obtenir la vitesse souhaitée. Le résultat, s’il est meilleur que dans la première solution, reste imparfait.

Prochainement, une nouvelle technologie devrait être implantée dans les systèmes électroniques : Kandou, une solution mathématique à ce problème. Un bus basé sur le système Kandou code le signal par un algorithme mathématique astucieux puis le transfert sur tous les fils simultanément. Un décodeur permet à l’autre bout de retrouver l’information souhaitée. Reprenons l’analogie des deux couples : au lieu de parler la même langue, l’un des deux couples parle français et l’autre le langage des signes. Au sein du couple, chacun se comprend alors parfaitement. Kandou utilise un système analogue, s’affranchissant ainsi des interférences et bruits de fond.

Cette invention apporte de multiples avantages. D’une part, on peut se contenter de moins de fils et donc réduire la taille des appareils. D’autre part, on peut considérablement augmenter la vitesse de transmission du signal. Enfin, on peut diminuer significativement l’intensité électrique dans les fils, ce qui permet une économie d’énergie importante. Suivant les applications, on privilégiera tel ou tel avantage voire même leur combinaison. Par exemple dans les téléphones mobiles, les industriels cherchent à réduire la consommation pour allonger l’autonomie. Dans un ordinateur, l’objectif est d’augmenter la rapidité de transfert et donc la performance globale. On pourrait également réduire le nombre de fils dans les lignes DSL ou dans les câbles océaniques.

Les plus grandes multinationales s’intéressent déjà à Kandou, qui pourrait bien équiper la plupart de nos systèmes électroniques dans quelques années.

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