«JPEG a changé notre monde»
Présent dans pratiquement tous nos smartphones, ordinateurs et appareils photos numérique, JPEG est le format d'image le plus répandu dans le monde. Mais pas seulement. JPEG, c'est aussi un groupe international d'experts spécialisés dans la compression d'image, dirigé depuis peu par un professeur de l'EPFL : Touradj Ebrahimi. Le nouveau président lève le voile sur l'aventure JPEG, et nous livre un aperçu des nouveautés en cours de préparation.
Quatre lettres, plus de vingt ans d'existence et un quasi-monopole mondial dans la compression d'image. La norme JPEG, utilisée plus d'un milliard de fois par jour rien que sur les réseaux sociaux, compte depuis peu à sa tête un professeur de l'EPFL : Touradj Ebrahimi. Mais au fond, qu'est-ce qui se cache réellement derrière cet acronyme? Touradj Ebrahimi nous offre un tour d'horizon de cette célèbre norme, qui a révolutionné notre quotidien.
JPEG est partout actuellement, pourtant l'origine du projet date d'il y a plus de 30 ans...
En effet. JPEG est un format d'image qui a été créé pour répondre à un problème majeur de l'ère numérique. Au début des années 80, il n'existe aucune technologie pour copier ou transmettre des images électroniques. Le Minitel, inventé par les Français, permet seulement d'envoyer du texte, ainsi que des graphiques simples. Il faut trouver un moyen de réduire la taille des fichiers. Ce sont des groupes internationaux de normalisation et des entreprises de télécommunications qui donnent l'impulsion pour la création de JPEG. En 1982, ils réunissent autour d'une même table des experts du monde entier en compression d'image, pour former le «Joint Photographic Experts Group (JPEG)». Le format JPEG sera lancé en 1992.
Comment JPEG fait-il pour rendre les images plus légères que ne le font les autres formats?
A la base, JPEG repose sur des algorithmes de compression avec pertes. Ce qui signifie que lorsqu'une image est compressée, une partie de son contenu est détruite. L'œil humain ne perçoit que peu ou pas du tout la différence. Cette technique rend le fichier bien plus léger et permet de le stocker, le copier et l'envoyer très facilement. Avec les années, d'autres formats et techniques ont vu le jour, tels que JPEG2000, qui permet de travailler avec ou sans pertes. La variante sans perte est utilisée dans les milieux médicaux, où il est crucial de préserver toutes les informations contenues dans une image. Le groupe JPEG est par ailleurs en train de finaliser une nouvelle norme appelée JPEG XT, qui pourra compresser efficacement des images à grande gamme dynamique, qui comprennent beaucoup de nuances de couleurs.
Pourquoi est-ce JPEG en particulier qui est parvenu à s'imposer dans le monde ?
A l'époque de l'apparition d'Internet et des appareils numériques, JPEG est la seule norme internationale gratuite et accessible à tous. Alors que d'autres formats de compression payants sont proposés par des privés (ex. Kodak), JPEG reste le seul format partiellement ouvert, ne demandant aucune royalties et étant exploité par tous les appareils et avec tous les logiciels. Une autre raison de ce succès vient du fait que les nouveaux formats JPEG, tels que JPEG XT sont développés de sorte à être toujours « lisibles » avec une version plus vieille. C'est important de ne pas brusquer le consommateur, qui n'aime pas les changements trop abrupts. La preuve, après 22 ans d'existence, JPEG s'est renforcé et il est de plus en plus utilisé.
Si tout est ouvert et gratuit, quel est l'intérêt de travailler au développement de JPEG?
Il y a plusieurs raisons. Quand un format est gratuit, les développeurs et les consommateurs sont plus enclins à l'utiliser. S'il est également ouvert, cela signifie que tout le monde a accès aux détails de son algorithme, et peut l'améliorer. Pour les scientifiques, il est plus facile d'analyser les forces et les faiblesses d'un tel format, et de proposer de nouvelles idées pour le rendre plus performant.
Quels vont être vos principales actions en tant que président de JPEG?
Avant la fin de l'année 2015, nous allons finaliser le nouveau format JPEG XT pour une compression efficace des images à grande gamme dynamique ou HDR, qui sont de plus en plus répandues. JPEG XT contient assez d'informations pour effectuer une rectification automatique lorsqu'une photo prise par un appareil numérique est trop sombre ou trop exposée. Par la suite, nous lancerons les bases d'un nouveau format appelé JPEG Pleno, en référence au terme «plénoptique». Avec ce format, il sera possible de corriger la mise au point d'une image après coup. On pourra par exemple rendre net un objet qui apparait flou sur la photo initiale.
Pourquoi la transmission d'image est-elle si importante pour l'être humain ?
Pour qu'elle ait de la valeur et un sens, une image doit pouvoir être partagée, et copiée. Depuis la nuit des temps, l'être humain a cherché à transmettre des images, que ce soit en peignant sur le mur de cavernes, en recopiant des illustrations à la main ou en reproduisant des motifs mécaniquement, grâce à l'imprimerie. L'instrument JPEG s'inscrit dans la lignée de cette mission de transmission, mais cette fois sous forme numérique. On peut dire qu'il a changé notre monde. A l'heure actuelle, presque tout le monde a déjà utilisé des fichiers JPEG, que ce soit avec son ordinateur, son smartphone, sa tablette ou encore son appareil photo.
Comment pensez-vous que notre rapport à l'image va évoluer, dans le futur ?
J'espère que JPEG Pleno pourra durer entre 20 et 30 ans. Puis, à mon avis, nous irons vers un monde où il ne sera plus forcément nécessaire de passer par les yeux pour accéder aux images. Les images pourraient être injectées directement dans notre cerveau, par exemple !
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Plus d'informations et dernier communiqué de JPEG ici: www.jpeg.org