«Je voulais travailler sur un sujet qui ait du sens»

Polina Holub - 2025 EPFL/Alain Herzog - CC-BY-SA 4.0

Polina Holub - 2025 EPFL/Alain Herzog - CC-BY-SA 4.0

Pour son projet de Master, Polina Holub a produit un plan de gestion des débris d’immeubles détruits par la guerre en Ukraine. Tout un symbole pour celle qui est née près de la frontière russe.

Polina Holub avait un plan en tête pour son projet de Master: approfondir ses connaissances en matière de gestion des déchets solides pour les appliquer en Ukraine. Elle était restée choquée par les montagnes de détritus dans les décharges situées à proximité d’une ville ukrainienne. Entre-temps, la guerre a éclaté et c’est finalement la gestion des débris d’immeubles détruits par l’armée russe qu’elle étudiera. Sa formation en génie civil suivie à Kiev s’est avérée essentielle dans ce travail.

Alors qu’elle termine son Bachelor, Polina Holub postule pour le Master en sciences et ingénierie de l’environnement de l’EPFL. «Je voulais travailler sur un sujet qui fasse du sens», souligne-t-elle. Pour cela, l’étudiante sait qu’elle va devoir changer de spécialisation. Abandonner le génie civil et étudier les sciences et l’ingénierie de l’environnement.

Arrivée à l’EPFL

En 2022, elle obtient une réponse positive de l’EPFL. L’étudiante n’a que deux ans de français derrière elle. Une langue étudiée au gymnase et déjà partiellement oubliée. Mais elle aime les défis et n’hésite pas à prendre le premier avion pour Genève.

Elle démarre son Master par un stage en entreprise – obligatoire dans le cadre de ses études en ingénierie de l’environnement. Projetée dans le monde de la construction suisse, elle se remet au français. «Durant cette période, DeepL était mon meilleur ami», ironise-t-elle.

Le semestre démarre. «Les premiers temps, c’était un peu déstabilisant. Passer du génie civil au climat, à la pollution de l’air, de l’eau et des sols a été plus dur que je ne l’imaginais. Et surtout, j’avais l’impression que tout le monde était déjà un génie dans ces domaines!» Polina Holub n’abandonne pas pour autant, et ses notes remontent très vite.

Développer une idée

Elle suit le programme de 12 semaines de cours «Changemakers», qui vise à aider les étudiantes et étudiants de l’EPFL à transformer une idée en projet concret. Son idée de soutenir les efforts de reconstruction en Ukraine l’a conduite à développer une méthode pour analyser l’état de destruction de la ville de Marioupol, l’une des plus touchées par la guerre. Elle décide de poursuivre ce travail pour son projet de Master, réalisé sous la supervision du professeur titulaire Christian Ludwig, expert en traitement des déchets solides, et d’une partenaire externe, Anna Ackermann, de l’Institut international du développement durable, à Genève et du Centre d'initiatives environnementales Ecoaction, à Kiev.

Réemployer les gravats

Elle ajoute à Marioupol, l’analyse de la ville d’Izyum, également lourdement détruite par l’armée russe. Les données satellites lui permettent de faire un état des lieux des destructions et un premier bilan des matériaux qui pourront être réutilisés pour la reconstruction. Ses recherches portent sur la quantification des déchets de construction et de démolition et de leur composition, avec un accent particulier sur la réutilisation du béton. Elle élabore un plan de gestion des déchets basé sur des études de cas, des réglementations européennes et suisses et des entretiens avec des experts. Ce plan propose l'utilisation d'équipements de recyclage sur site et un processus structuré de tri des matériaux afin de maximiser la récupération des ressources.

Pour affiner son approche, elle interviewe des ingénieurs employés des entreprises suisses CSD et Eberhard, pour savoir quelles machines utiliser pour séparer les matériaux et comment réemployer le béton. Cette partie lui permet d’évaluer la quantité de matériaux que son pays pourra revendre, et celle qu’il pourra réemployer pour reconstruire les bâtiments détruits.

«J'ai pris cette photo dans ma ville natale, Sumy, en août 2023, dans le cadre de mon projet de semestre. J'ai également collecté quelques échantillons (débris des sites bombardés montrés sur les photos) pour analyser la composition du matériau de construction en vue d'un traitement potentiel ultérieur.» - Polina Holub
Photo © Polina Holub

Dans la dernière partie de son projet de Master, l’étudiante produit une analyse multicritère des besoins en reconstruction d’ici 2041, en se basant sur le scénario le plus positif présenté par le gouvernement ukrainien – celui qui inclut le retour des réfugiés dans le pays. En janvier 2025, elle présente oralement son étude. Le projet de Master est de grande qualité et obtient un 6 sur 6. «Je suis très reconnaissante envers le professeur Ludwig de m’avoir offert l’opportunité de travailler sur ce sujet. Il m’a soutenue et s’est montré ouvert dès le départ», commente la diplômée.

La guerre au quotidien

Polina Holub est retournée vivre à Kiev et la guerre fait partie de son quotidien. Depuis mars 2025, elle est employée de l’ONG Ecoaction. Elle travaille sur un projet qui aide l'Ukraine à s'aligner sur l'Accord de Paris, plus précisément en soutenant les mesures d'adaptation au changement climatique dans la région de la mer Noire.

Durant son temps libre, elle essaie de passer du temps avec sa famille restée dans sa ville natale de Sumy, près de la frontière russe. Une région soumise régulièrement à des attaques aériennes, de jour comme de nuit.

À Kiev, les alertes aériennes ont lieu entre 22 heures et 2 heures du matin. «Lorsqu’elles retentissent, nous devons regarder les actualités pour connaître les menaces imminentes et savoir si nous devons nous rendre ou non aux abris.»

Et le reste de l’actualité internationale, qu’en pense-t-on depuis Kiev? L’alumni de l’EPFL part dans un rire un peu désespéré: «De plus en plus surprenant chaque jour!»


Auteur: Sandrine Perroud

Source: People

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