«J'aime mettre les mains dans le cambouis»

Adil Koukab, meilleur enseignant 2023 de la section de génie électrique et électronique - 2023 / Alain Herzog - CC-BY-SA 4.0.

Adil Koukab, meilleur enseignant 2023 de la section de génie électrique et électronique - 2023 / Alain Herzog - CC-BY-SA 4.0.

Chaque semestre, des centaines d’étudiantes et étudiants de l’EPFL fréquentent les cours et les laboratoires d’Adil Koukab. Soucieux de leur assurer des «carrières fulgurantes», le meilleur enseignant 2023 de la section de génie électrique et électronique passe la majeure partie de son temps avec eux.

Imaginons que vous êtes la responsable marketing d’une entreprise en train de développer un produit visant spécifiquement les jeunes polytechniciens et que vous cherchez à vous familiariser avec votre clientèle-cible. Dans ce cas, vous seriez bien inspirée de vous tourner vers Adil Koukab. En effet, les cours du collaborateur scientifique auprès de l’Institut d’électricité et microtechnique ne touchent pas moins de quatre sections de l’EPFL et couvrent tous les niveaux, de la première année de Bachelor à la dernière année de Master. Chaque semestre, celui qui a été désigné meilleur enseignant 2023 de la section de génie électrique et électronique est par conséquent en contact étroit avec plusieurs centaines d’étudiantes et d’étudiants. «J’aime les accompagner tout au long de leur parcours, les suivre dans leur évolution», commente-t-il. Adil Koukab est épaulé dans cette tâche par une trentaine d’assistantes et assistants qui, cela va de soi, sont tous passés par son auditoire et ses laboratoires.

Pour ce diplômé de l’Université de Lorraine et de Supélec (campus de Metz), l’enseignement s’est rapidement imposé comme une évidence. «Mon professeur de doctorat a dû sentir que j’avais de la facilité – et du plaisir – à transmettre du savoir: il m’a immédiatement demandé de prendre en charge les travaux dirigés.» Le docteur en électronique, qui a intégré l’EPFL en 2000, rapporte qu’«au fil des ans ici, j’ai pris la responsabilité d’un nombre croissant de cours et j’ai fini par réaliser que l’enseignement m’intéresse presque plus que la recherche». N’est-il pas un peu gêné de l’avouer? «Pourquoi devrais-je l’être? Que je fasse de la recherche ou de l’enseignement, l’important, c’est que je contribue à faire avancer la technologie.»

Se démarquer dans un univers concurrentiel

Pour découvrir d’où lui vient son aisance à vulgariser et à transmettre des connaissances aux autres, il faut remonter plus loin, à l’époque où Adil Koukab vivait encore avec ses parents, ses frères et ses sœurs. «Je suis l’aîné de six enfants; à partir de l’âge de 13 ou 14 ans déjà, je coachais mes frères et sœurs dans leurs travaux scolaires.» Il se souvient que parfois, sa mère criait à ses cadets: «Attention, votre frère arrive, éteignez vite la télé et allez faire vos devoirs!» Avant d’ajouter, l’air malicieux: «Dans les familles marocaines, c’est comme ça que ça se passe…»

«N’allez pas croire que j’étais un petit génie», s’empresse-t-il de préciser. «Je n’ai pas eu des études faciles; je devais beaucoup travailler.» Son succès académique, il le met principalement sur le compte de sa sévérité envers lui-même. Une rigueur qu’il a conservée en tant qu’enseignant. «J’estime que je dois être bon, ne serait-ce que par respect pour tous ces jeunes qui me font l’honneur de venir assister à mes cours.» Sévère, il l’est aussi avec ses étudiants. «Peut-être encore plus que je ne l’étais avec moi-même à leur âge…» Adil Koukab a une bonne raison d’être exigeant: «J’aimerais que mes étudiants aient des carrières fulgurantes! Que ce soit pour eux-mêmes ou pour la Suisse et l’Europe: si l’Europe veut continuer à rivaliser à l’échelle mondiale, il faut s’accrocher.» Il précise que «dans un univers hyper concurrentiel, où la technologie avance à pas de géants et les hautes écoles telles que le MIT ou l’Université de Pékin jouent des coudes, les étudiants de l’EPFL ne peuvent pas se ‘contenter’ de décrocher leur diplôme».

Adil Koukab ne ménage d’ailleurs pas ses efforts pour les aider à exploiter pleinement leur potentiel. «J’aime être vraiment là, avec les jeunes, mettre les mains dans le cambouis.» Il se réjouit du fait que contrairement à d’autres professeurs dont les activités sont davantage orientées sur la recherche, ce qui leur laisse un temps limité pour l’enseignement, «j’ai la chance d’avoir une position me permettant de passer de nombreuses heures avec les étudiants, d’être constamment en contact avec eux». Ne pas s’enfermer dans une tour d’ivoire, se remémorer les difficultés qu’il a rencontrées à l’époque de ses propres études, mais aussi retravailler ses cours et les faire évoluer chaque année, voilà les ingrédients clés de sa méthode d’enseignement.

Grand écart

Pour insuffler un tempo à ses cours, éviter de lasser les étudiants et s’assurer qu’ils aient bien assimilé la matière, Adil Koukab opte pour les va-et-vient, notamment entre les supports d’enseignement. «Je suis un fan absolu de la méthode ‘old school’ consistant à utiliser la craie et le tableau noir; un bon cours, c’est un cours après lequel je dois laver mon t-shirt tellement il est plein de craie…» Ce qui ne l’empêche pas d’avoir recours à des outils plus contemporains tels que les tablettes interactives et les plateformes d’apprentissage en ligne (Moodle, Switch Tube, Zoom). Adil Koukab est également adepte des allers-retours entre théorie et pratique. «Les séances de travaux pratiques sont essentielles pour donner une finalité tangible et utile à l’apprentissage.» Elles donnent envie de revenir en cours «pour de nouvelles aventures».

Autant d’itérations qui constituent sa recette personnelle pour faire face au grand écart auquel sont confrontés tous les enseignantes et enseignants de l’EPFL. «Certes, ici, tous les étudiants sont bons ; mais cela n’en fait pas une masse homogène.» Ainsi, il y a ceux qui sont ‘juste bons’ et ceux qui excellent. «Notre défi, c’est de satisfaire l’appétit des plus doués tout en aplanissant les difficultés pour le plus grand nombre.» Sans faire aucune concession sur le niveau et la qualité de la formation.


Auteur: Patricia Michaud

Source: People

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