«J'aime être challengé par les étudiants»
Professeur au Collège du management de la technologie et directeur de programme doctoral en finance, Erwan Morellec a reçu pour la troisième fois le prix du meilleur enseignant de sa section.
Erwan Morellec est désormais un habitué du prix de meilleur enseignant, mais ce professeur chevronné formé notamment à l’Université de Rochester, consacre toujours autant d’attention et d’énergie à préparer ses cours. Un cours Master optionnel d’introduction à la finance, qu’il donne deux fois par an en raison du succès rencontré, et un cours de doctorat en finance d’entreprise qui s’appuie sur les récents développements en théorie, des jeux, et des contrats en temps continu. Après son portrait l’année dernière, interview autour de sa vision de l’enseignement.
Vous êtes pour la troisième fois et la seconde année consécutive lauréat de votre section, comment recevez-vous cette distinction ?
Je suis autant touché par cette distinction que par celle de l'an passé. Je suis heureux de voir que les étudiants apprécient mes cours et les efforts continus que je fais pour les améliorer. D’autant plus que je donne un cours introductif qui touche de nombreux étudiants n’ayant aucune connaissance préalable en finance.
Avez-vous un souvenir marquant de vos premiers pas à l’Université en tant qu’élève ?
J'ai commencé les études supérieures en classe préparatoire aux grandes écoles en France. L'enseignement y était encore assez scolaire et l'interaction avec les professeurs très limitée. Ma première expérience vraiment positive s'est produite lors de mon premier cours de calcul stochastique avec la professeure Monique Jeanblanc. On voyait qu'elle était passionnée par ce qu'elle faisait et qu'elle cherchait à nous emmener aussi loin que possible.
Qu’est-ce qui qualifie selon vous l’enseignant idéal ?
A mon sens, c’est un enseignant qui permet aux étudiants, d’une part de progresser en donnant un cadre d'analyse rigoureux et général, et d’autre part de prendre du plaisir pendant le cours, afin qu’ils apprécient venir.
J'ai eu la chance d'avoir quelques enseignants comme cela. Contrairement à leurs collègues qui donnaient une lecture partielle de leur domaine, en restant souvent collés à leurs équations, ces enseignants mettaient simultanément toutes les pièces du puzzle en mouvement. Ils m’ont permis d'avoir une approche beaucoup plus globale et générale, tout en gardant le même niveau de rigueur scientifique. C’est ce que j’essaye de reproduire dans mes cours.
Pouvez-vous nous parler de vos débuts dans l’enseignement ?
Doctorant à HEC Paris, on m'avait chargé de donner un cours de rappel en mathématiques à des cadres ayant de nombreuses années d'expérience, peu de temps à perdre, et souvent une formation non quantitative, en droit ou sciences politiques. Un vrai défi que j'ai essayé de relever le mieux possible en construisant des exemples simples et en prenant des applications qui étaient utiles dans la vie courante.
Qu’est-ce que vous appréciez particulièrement dans l’enseignement ?
J'aime transmettre aux étudiants, qu'il s'agisse de questions plus «simples» dans le cours introductif ou plus «avancées» dans le cours de doctorat. Si je fais bien mon travail, l'étudiant progresse et devient meilleur. Cela lui ouvre des portes. Au niveau du doctorat, mon objectif est de donner des fondations solides pour que l'étudiant ait la possibilité de se dépasser et éventuellement, de me dépasser. J'ai des échanges extrêmement constructifs avec mes doctorants. Je m'enrichis intellectuellement des discussions que j'ai avec eux. Certains me poussent à encore progresser pour rester au top. Une des choses que je préfère est d'être challengé ou surpris intellectuellement par les étudiants.
Selon vous, pour quelles raisons l’enseignement représente une mission importante ?
En enseignant, nous transmettons et construisons le savoir de demain. Chaque cours répond à un objectif spécifique. Mon cours de Master est là pour permettre aux étudiants de l'EPFL d'avoir des bases en finance. A la fin, ils doivent être capables d'évaluer une nouvelle technologie ou une entreprise. Ils doivent savoir comment la financer, comment gérer un portefeuille ou leur retraite. Ils doivent comprendre le rôle de la banque centrale et son impact sur le niveau des taux d'intérêts. Je leur donne donc des clés pour ouvrir des portes qu'ils devront franchir à un moment ou un autre de leur vie. Mon cours de doctorat est là pour élaborer le savoir de demain. Je digère pour les doctorants les avancées les plus récentes, explique pourquoi elles sont importantes, et leur indique les directions qu'ils peuvent suivre.
Quels changements avez-vous introduit dans vos cours l’année dernière ?
J’ai changé plus de cent slides dans mon cours de Master et ajouté deux nouveaux cas réels d'évaluation d'entreprises pour que les étudiants puissent mieux se confronter à des situations concrètes. Ce faisant, je me suis rendu compte de la difficulté pour les étudiants de mettre en pratique certains aspects de la théorie financière. Pour cette année académique, j'ai donc développé un nouveau cas d'évaluation que j'utilise en cours et qui servira de base aux étudiants lorsqu'ils devront résoudre des cas pratiques d'évaluation de technologies ou d'entreprises.
Je change également régulièrement mon cours de doctorat pour que les étudiants connaissent le «state of the art» dans mon domaine. L'objectif est ici un peu différent car il s'agit aussi de sélectionner les étudiants que je prendrai en thèse. Le cours doit donc être intéressant mais aussi très «challenging».