«J'aime enseigner car cela oblige à constamment apprendre»
A l’EPFL depuis 2007, le professeur Victor Panaretos a remporté le prix du meilleur enseignant de la section de mathématiques.
Vainqueur du prix du meilleur enseignant de la section de mathématiques, Victor Panaretos est heureux mais sceptique. En plaisantant, il se demande si sa nomination n’est finalement pas une simple question de probabilités, compte tenu de ses douze années à l’EPFL, du nombre de ses collègues et de la fréquence de remise du prix ? Pas évident de convaincre un professeur responsable de la chaire de statistique mathématique. Mais en prenant en compte toutes les variables, il s’avère que le sculpteur de données qui compare les mathématiques à de l’art, a bien été primé pour la qualité de son enseignement.
Victor Panaretos sourit sans cesser de s’interroger. Une activité qu’il apprécie autant que de transmettre un concept de manière rigoureuse et précise. Rigueur et intuition, deux mots clé et interconnectés pour le scientifique qui cite le mathématicien français Jacques Hadamard: «la rigueur n’a d’autre objet que de sanctionner et de légitimer les conquêtes de l’intuition.» Aux étudiants en Bachelor de mathématiques, le professeur originaire de Grèce enseigne les principes de base de la statistique et les modèles linéaires. Il a aussi créé un cours de statistiques spécialement dédié aux étudiants de Master en Data Science, issus de différentes sections. Et il co-enseigne un cours pour les doctorants sur l’analyse de données en science et en ingénierie. «Lorsque vous regardez seul un bon film, vous avez envie de partager votre plaisir. Je ressens la même chose avec les mathématiques.»
Épurer pour atteindre l’essentiel
Victor Panaretos a eu le déclic à 14 ans, en piochant dans la bibliothèque de ses deux parents mathématiciens. «Le livre Poetry of the Universe : a mathematical exploration of the cosmos, m’a vraiment inspiré». Un jeune âge pour approcher la géométrie non euclidienne, mais pas étonnant pour ce chercheur qui a obtenu son doctorat à Berkeley à l’âge de 24. La même année où il a rejoint l’EPFL. «J’ai reçu plusieurs offres, mais j’ai choisi de venir ici car c’était l’endroit qui me laissait le plus de liberté et d’opportunités et je suis très heureux d’avoir fait ce choix.» Habitué à parler en public de longue date, cet adepte de l’éloquence, ancien membre de l’antenne grecque du Parlement européen des jeunes, aime enseigner. «Cela oblige à constamment apprendre, chercher à effectuer des démonstrations plus claires, élégantes».
Pour lui, le grand défi réside dans les cours de base. Il explique les premiers principes en s’appuyant sur une approche constructive et historique. «J’estime qu’il est important de présenter aux étudiants comment ils ont été élaborés, leur évolution. De montrer qu’il y a un grand nombre de faux départs, de retours en arrière, comme en recherche.» Se définissant comme de la «vieille école», le professeur privilégie les explications au tableau noir car il permet d’élaguer le superflu pour aller directement à l’essentiel. «Le propre des mathématiques.» Il aborde moins de problèmes qu’à ses débuts mais plus en profondeur, ce que les étudiants apprécient. En parallèle, même s’il reste un traditionnaliste dans l’âme en matière de mode d’enseignement, il utilise des slides et des vidéos. Il a lui-même réalisé un MOOC dans le cadre de MOOCs pour le développement (au préalable MOOCs Afrique).
Finalement considérant un cours comme une performance, cet adepte des Monty Python, parsème le tout d’humour. Avec la même rigueur qu’il consacre à démontrer comment des structures qui n’ont à priori aucun rapport sont liées, ou qu’il use de statistiques pour optimiser le trajet de son domicile à l’EPFL, il a d’ailleurs dressé son Top 25 (plus epsilon) des rois de l’absurde. Devinez quel est le premier, il s’agit d’une question de probabilités.