«J'aime combattre et l'idée qu'il y ait une gagnante et une perdante»

Aline Rosset - 2024 EPFL Jamani Caillet  - CC-BY-SA 4.0

Aline Rosset - 2024 EPFL Jamani Caillet - CC-BY-SA 4.0

Elle a de la poigne Aline Rosset et du caractère. Du haut de ses 20 ans, la judokate, ceinture noire 1er dan, gravement blessée à la nuque il y a deux ans, retrouve ses marques sur le tatami et organise ses cours à l’EPFL.

« J’ai décidé de faire ma première année d’études en 2 ans ; après on verra. Je me concentre sur les branches fondamentales maths, physique puis je me dédierai aux branches plus appliquées. » Aline Rosset ne participe donc qu’à la moitié des cours, visant 18 crédits au lieu des 30 habituels. Actuellement, l'étudiante en génie civil se sent confiante, bien que les débuts aient été difficiles, surtout qu'elle n'est venue sur le campus que quatre jours durant le premier semestre. Elle suit ses cours sur Moodle, une plateforme permettant de trouver tous les supports en ligne. « C’est très complet, il y a les cours, des vidéos des autres années, des PowerPoint, les séries d’exercices et les corrigés. Pour l’instant, j’arrive à tout faire de mon côté. » Et c’est tant mieux, car la judokate se perfectionne en judo parfois bien loin du campus.

La stratégie d'Aline Rosset, privilégier les branches fondamentales.
© 2024 EPFL Jamani Caillet - CC-BY-SA 4.0

Sessions sportives en famille

Il n’est pas évident de suivre les traces d’Aline dans ses déplacements sportifs. Lausanne, Morges, Yverdon, la judokate doit tenir son agenda à jour, car ses préparations sont éparpillées aux quatre coins du canton, même à Berne. « Notre centre d’entraînement se trouve à Macolin, près du lac de Bienne. Lorsque j’y suis, il m’est impossible d’aller en cours. » Et puis, il y a aussi les années exceptionnelles. « La première moitié de 2024 était particulière, car mon coach s’occupait des sportifs qui allaient participer aux JO de Paris. Lorsqu’il était en déplacement, je m’entraînais dans mon club de Morges et d’Yverdon-les-Bains, au Centre national de judo. »

À Lausanne, Aline cultive sa force physique à raison de 2 séances par jour au centre sportif de Dorigny. « Les exercices sont très variés en judo. On a besoin de qualités physiques, techniques, mentales. L’endurance est importante, être explosive aussi. On travaille beaucoup de choses différentes. Ce n’est jamais monotone. »

Soulever de la fonte dans la salle des poids à Dorigny
© 2024 EPFL Jamani Caillet - CC-BY-SA 4.0

Un plaisir partagé avec son frère Simon Rosset, féru de judo, Champion Suisse en 2017 et médaille de bronze en 2018. « J’ai commencé le judo lorsque j’avais 5 ans. Je voulais toujours faire comme mon frère. Il aimait le foot, j’ai shooté le ballon ; il skiait, je chaussais les lattes. Puis il y a eu le judo. Il en fait un peu moins aujourd’hui, mais moi j’ai croché, je suis devenue élite, pas lui. Malheureusement, il reste très fort, je n’arrive toujours pas à le battre », s’amuse-t-elle.

Championnats Suisses individuels élite 2023,
médaille d'or pour Aline et Priscilla, soutenues par Simon Rosset © DR

Aline aime s’entraîner avec la femme de Simon, sa belle-sœur Priscilla Morand Rosset, dix fois championne de Suisse. Cette redoutable compétitrice est une partenaire de combat privilégiée qu’elle rencontre les mardis soir au Judo Club de Morges. « Pendant le Covid, le dojo était fermé ainsi que les salles de sport. Alors on s’est motivées et on a recréé notre propre salle de sport à la maison, dans le grenier. »

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Entraînement avec Priscilla Morand Rosset © 2024 Jamani Caillet - CC-BY-SA 4.0

« J’avoue : j’aime combattre. Et j’aime l’idée qu’il y ait un gagnant et un perdant. Il n’y a pas d’entre-deux. J’essaie de me surpasser, de ne rien lâcher. » La judokate s’est qualifiée en 2023 pour les Championnats d’Europe et les Championnats du monde. « C’était lors de mon premier semestre à l’EPFL. J’avais beaucoup d’entraînements. C’était une super expérience et j’étais vraiment contente d’avoir réussi à me qualifier. »

Médaille de bronze à la Coupe d'Europe junior de Malaga 2023 © DR

Le coup du lapin, un coup dur !

Car Aline revient de loin. « Même sur un tatami, même avec beaucoup de pratique, on ne doit pas prendre ce sport à la légère. Les ligaments croisés, les épaules, les coudes, les doigts, les genoux, les chevilles, le dos et la nuque sont fréquemment blessés. C’est ce qui m’est arrivé. » En juillet 2022, lors d’un combat, son adversaire essaie de la projeter au sol. Puis, tout va très vite : « Je voulais me mettre à plat ventre, elle m’est tombée dessus et ma nuque a subi en quelque sorte le coup du lapin. Des ligaments se sont rompus, et peut-être plus encore… j’ai vu plusieurs médecins, certains m’ont dit : « Il faut arrêter le judo, c’est trop dangereux ! » D’autres m’assuraient que dans six semaines je pourrais combattre à nouveau. J’étais perdue ! »

Aline et ses coachs prennent la décision la plus sage. Attendre. Renforcer la nuque par des exercices ciblés, puis une opération. « On m’a posé une plaque et soudé deux vertèbres ensemble. Normalement, je ne cours plus de risque, car ma faiblesse a été comblée par l’opération. »

Aline Rosset en compétition à Sierre © 2024 DR

L’étudiante Bachelor et l’athlète vivent bien ensemble. Mais Aline Rosset garde la tête froide. « Je n’ai pas très envie de faire 10 ans d’études. Je me laisse jusqu’à la fin des compétitions des moins de 23 ans pour voir où j’en suis. Si j’obtiens une médaille d’ici là, cela vaudra la peine de continuer comme étudiante sport élite à l’EPFL… J’aimerais bien viser les JO de 2028. J’en suis encore très loin. Je réévalue ma situation d’année en année. »


Auteur: Sandy Evangelista

Source: Section Génie Civil

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