«J'ai investi toutes mes économies dans ma première imprimante 3D»

Création de fils plastiques recyclés ©- 2024 EPFL/Alain Herzog - CC-BY-SA 4.0

Création de fils plastiques recyclés ©- 2024 EPFL/Alain Herzog - CC-BY-SA 4.0

Sébastien Martinerie, expert en impression 3D depuis plus de 20 ans, a modélisé et imprimé des milliers de prototypes, dont des organes humains pour former des chirurgiennes et chirurgiens. Il encadre aujourd'hui plus de 500 étudiantes et étudiants au SPOT.

Vous ne rencontrerez Sébastien Martinerie que si vous le cherchez. Son antre au SPOT, le Student Prototyping and Outreach Tank, est une pièce remplie d’imprimantes 3D. Bien que située au sous-sol, elle est un endroit quasi incontournable lorsque l’on a un projet à développer. « Le grand défi de l’espace d’impression 3D est d’avoir assez d’imprimantes pour les 500 étudiantes et étudiants qui en ont besoin. Il y a 2 ans lorsque le SPOT a ouvert ses portes, nous avons commencé avec 8 imprimantes. En ce moment nous en avons plus de 30, et j’en prévois 40 dans un avenir très proche. On a presque peur d’être trop petits, tellement la demande devient forte. »

Sébastien Martinerie supervise la confection d'une pièce imprimée
- 2024 EPFL/Alain Herzog - CC-BY-SA 4.0

Ingénieur en mécanique, Sébastien s’intéresse à l’impression 3D dès la fin de ses études en 2003 à la Haute École d’ingénierie à Sion. « L’impression 3D permet d’accéder à ses rêves. Ce que l’on imagine, on le dessine sur son ordinateur et quelques heures plus tard ou le lendemain on a l’objet dans les mains. C’est passionnant car on peut réaliser des formes qui étaient trop complexes auparavant. »

Projet Xplore : un rover tout-terrain doté de quatre roues entièrement imprimées en 3D, jantes et pneus inclus.
- 2024 EPFL/Alain Herzog - CC-BY-SA 4.0

En travaillant dans un laboratoire de matériaux à la HES, le jeune ingénieur développe un procédé d’impression 3D pour pièces métalliques. « Cela m’a mis le pied à l’étrier. J’ai eu envie d’avoir ma propre machine. » Il y a 20 ans, les imprimantes 3D coûtaient des dizaines de milliers de francs et étaient réservées à l’usage industriel. « J’ai eu l’opportunité d’investir avec un collègue en 2005 dans une machine à 50’000 frs, j’y ai mis toutes mes économies et j’ai ouvert mon atelier privé. Aujourd’hui, les imprimantes 3D que nous utilisons au SPOT coûtent un peu plus de 1000 francs, même si les imprimantes industrielles peuvent encore valoir plusieurs millions. »

« La nature reste la meilleure imprimante 3D »

C’est ainsi que Sébastien ouvre sa petite entreprise. Il met son savoir-faire et son outil de prototypage au service des autres : un architecte qui désire réaliser une maquette, un horloger qui veut tester sa nouvelle montre sur un poignet, voire des projets artistiques. « Plus tard, je me suis spécialisé dans les applications médicales. Je faisais des maquettes de patients et patientes qui allaient se faire opérer, le crâne de quelqu’un ou son cœur. Je les modélisais à partir des données d’imageries médicales. Je récréais la maquette pour que le chirurgien puisse s’entrainer dessus, calibrer ses outils, planifier son intervention. Cela reste encore pour moi, le domaine d’application le plus intéressant de l’impression 3D. »

Sébastien Martinerie a imprimé des organes pour les chirurgiens dont ce pancréas
2020 © DR

Sébastien Martinerie est fasciné par les similitudes entre l'impression plastique et le monde organique. « En imprimant des vaisseaux sanguins, j'ai réalisé qu'ils ressemblaient à des arbres, tant par leur forme que par leur croissance. En définitive, la nature demeure la meilleure imprimante 3D. »

Recycler les plastiques

L'impression 3D touche de nombreux secteurs. On imprime du plastique sous forme de filaments, de poudre ou de résine, ainsi que du béton, des métaux et des céramiques. Des essais sont également menés pour développer des tissus biologiques et vivants. « C'est un empilement de matière. Si on trouve la bonne matière et la bonne manière de l'empiler, on peut presque tout faire. »

L'impression 3D produit peu de déchets car elle utilise seulement la matière nécessaire. Cependant, selon Sébastien, on peut encore améliorer ce processus. « Lorsque je suis arrivé à l'EPFL pour l'ouverture du SPOT il y a deux ans, j'ai vite compris qu'il y aurait pas mal de déchets plastiques. J'ai donc décidé de les conserver. Avec les projets étudiants, nous avons un volume de fabrication très important, presque industriel. Nous créons plusieurs dizaines de milliers de pièces par an, et ce volume augmente chaque année. En deux ans et demi, nous avons imprimé 500 kg de filaments, l’équivalent de plusieurs centaines de kilomètres. J'ai environ 50 kilos de déchets à recycler, y compris des pièces imprimées obsolètes. »

50 kilos de déchets plastiques à recycler - 2024 EPFL/Alain Herzog - CC-BY-SA 4.0

Parmi les mesures prises, il y a l'achat de filaments déjà recyclés, et, depuis un an, Sébastien développe avec les étudiants et étudiantes un processus de recyclage. « C'est très compliqué et cela comprend de nombreux facteurs. On ne peut pas mélanger les plastiques. Au début, nous faisions de gros tas de déchets pour recyclage, mais nous avions beaucoup de problèmes. Aujourd’hui, nous sélectionnons pièce par pièce pour être sûrs de la matière utilisée et pouvoir la recycler. »

Simon Lütholf et Sébastien Martinerie au service des projets étudiants au SPOT
- 2024 EPFL/Alain Herzog - CC-BY-SA 4.0

« J'aurais adoré disposer d'un espace comme celui-ci quand j'étais étudiant. Je me dis souvent que si je travaillais dans l'industrie et que je devais recruter des ingénieurs, je vérifierais s'ils ont fréquenté le SPOT ou d'autres infrastructures similaires. Oui, je chercherais spécifiquement cette mention sur leur CV car l’apprentissage pratique est un atout majeur. Je suis très fier d’y participer et de transmettre mon savoir aux futurs ingénieurs. »


Auteur: Sandy Evangelista

Source: Projets MAKE

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