Intégrité scientifique : le rôle clé de l'éducation

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Ambrogio Fasoli, Vice-président associé pour la recherche et directeur du Swiss Plasma Center, et Caroline Vandevyver, responsable du Research Office, reviennent dans une interview croisée sur l’importance de l’intégrité scientifique, les défis en la matière et la position de l’EPFL sur le sujet.

Pour Ambrogio Fasoli et Caroline Vandevyver, l’éducation et la communication sont des éléments clés en matière d’intégrité scientifique et nécessaire pour maintenir le lien de confiance avec l’industrie et la société civile. Dans une volonté d’amélioration continue en matière de prévention et de formation, l’EPFL a d’ailleurs développé un cours en ligne intitulé Conducting research the right way. Ce dernier couvre les bases de l’intégrité dans la recherche et des bonnes pratiques scientifiques, en s’appuyant sur la Directive pour l’intégrité dans la recherche et pour une bonne pratique scientifique à l’EPFL. Il est destiné à toutes et tous les scientifiques de l’EPFL et celles et ceux intéressé·e·s à renforcer leur compréhension de la vie d’un·e scientifique.

Comment définissez-vous l’intégrité dans la recherche ?
Ambrogio Fasoli :
Il s’agit de l’ensemble des comportements qu’une chercheuse ou un chercheur doit adopter ou éviter afin de combiner le besoin d’innover avec la nécessité de garantir une rigueur morale pour assurer le bien commun. La notion d’intégrité est cruciale dans toute activité humaine, mais plus encore en recherche. Les résultats de la recherche ont, effectivement, une portée géographique, humaine et temporelle immense. La recherche est globale et transgénérationnelle et briser l’intégrité peut avoir des conséquences dramatiques.

Les bonnes pratiques en matière de recherche sont-elles universelles ?
Caroline Vandevyver :
oui. Les Académies des sciences de chaque pays émettent des règles qui sont les mêmes. Les questions relatives au droit d’auteur, au plagiat ou encore au conflit d’intérêts sont toutes présentes dans les recommandations et lignes directrices. La Directive de l’EPFL a été rédigée en s’inspirant des directives émises par l’Académie Suisse des Sciences. Elle définit les règles — destinées à servir de base pour la planification, l’exécution, la présentation et l’évaluation des travaux de recherche — qui s’appliquent aux chercheuses et chercheurs de l’EPFL de toutes les disciplines.

Quels sont les défis actuels ?
Ambrogio Fasoli :
avec l’avènement d’Internet et la globalisation, de nouveaux outils de dissémination de l’information à grande échelle ont vu le jour et sont devenus si importants et efficaces que toute exception à l’intégrité a potentiellement une portée plus rapide et plus grande qu’avant. Paradoxalement, une prise de conscience générale a émergé et de nouveaux outils existent aussi pour prévenir les cas de fraude.

Caroline Vandevyver : L’EPFL est un campus très international où nous sommes confronté.e.s à des cultures et à des visions différentes de l’environnement académique. Cela peut être une grande opportunité, mais également un défi. Les principes de l’intégrité scientifique nous permettent de vivre ensemble malgré nos différences et de converger toutes et tous vers des valeurs scientifiques communes.

Justement, quel est le rôle de l’éducation ?
Ambrogio Fasoli :
l’éducation est fondamentale. Le coursConducting research the right way rend attentif aux différents pièges dans lesquels une chercheuse ou un chercheur pourrait tomber afin de pouvoir les éviter. Transmettre les bonnes pratiques par l’exemple, en agissant comme « role model », est le meilleur moyen de créer de futurs ambassadeurs conscients de l’importance du respect de l’intégrité. Non pas, car ils ont été témoins de cas problématiques, mais parce qu’ils ont vu à quel point l’EPFL donnait de l’importance au respect de l’intégrité.

Caroline Vandevyver : les (jeunes) chercheuses et chercheurs doivent savoir que l’EPFL a une politique de tolérance zéro en matière de comportement incorrect dans le contexte scientifique, et ce, avant le début de tout projet de recherche. Nous avons donc un devoir d’information et d’éducation extrêmement important.

Existe-t-il des domaines de recherche qui comportent plus de risques ?
Ambrogio Fasoli :
toute recherche en lien avec l’environnement et l’être humain. Mais il est important de souligner que l’intégrité se manifeste et doit être présente dans tous les domaines de recherche.

Caroline Vandevyver : les attentes et pressions sont très fortes dans les domaines en lien avec la santé. Dans ce contexte, la violation de l’intégrité scientifique peut avoir de graves conséquences pour la santé et les droits des personnes.

Comment assurer concrètement l’intégrité dans une institution comme l’EPFL ?
Ambrogio Fasoli :
via des recommandations, de codes de comportements, des cours de référence, une structure de reporting anonymisée (Ombudsperson) à laquelle s’adresser lorsque l’on est témoin de cas où l’intégrité est violée et des sanctions en cas de violation avérée. Nous cherchons à nous améliorer continuellement sur une très bonne base. Mais nous devons veiller à toujours réduire les risques et, surtout, à fournir un exemple positif au reste du monde en formant de futurs ambassadeurs.

Caroline Vandevyver : en communiquant, en éduquant et en mettant en place des cours, comme celui que nous avons développé, en plus des bases légales qui existent déjà. Nous avons des processus en place pour éviter que l’intégrité soit brisée et, en cas de problèmes, des sanctions sont prises. Comme nous avons un campus qui se renouvèle continuellement, nos valeurs doivent être communiquées de manière efficace et transparente afin que tout un chacun y adhère. Nous avons également un devoir de communication envers la société civile et l’industrie. La société doit avoir une pleine confiance — grâce à la bonne éducation des scientifiques qui arrivent sur le campus — dans les résultats des recherches menées au sein de l’EPFL.