Innogrant, le tremplin de la recherche vers le marché

Parc de l'innovation de l'EPFL © 2025 Alain Herzog/EPFL - CC-BY-SA 4.0

Parc de l'innovation de l'EPFL © 2025 Alain Herzog/EPFL - CC-BY-SA 4.0

L’EPFL lançait en 2005 son programme Innogrant, une première suisse. En vingt ans, cette aide au démarrage des start-up a boosté 206 projets, dont plus de 65% sont des entreprises encore actives aujourd’hui.

Au début des années 2000, alors que le terme « start-up » était encore étroitement associé à la Silicon Valley et aux succès galvanisés par d’importants capitaux, à l’EPFL, quelques néo-entrepreneurs se lançaient chaque année. La poignée de courageuses et courageux misait sans filet sur leur technologie et leurs idées, engageant souvent leurs économies personnelles. Quelques succès ont émergé, dont Nexthink, mais peu ont résisté à long terme. « Entre l’innovation et une entreprise qui génère des revenus, le parcours est exigeant », souligne Isabel Casado Harrington, responsable du Startup Launchpad de l’EPFL. Entre la validation scientifique et sa viabilité commerciale, diverses étapes – notamment élaborer un prototype, tester le produit avec de futurs clients, ajuster le modèle ou encore sécuriser des financements – nécessitent du temps, des ressources considérables ainsi que l’appui d’un réseau.

Afin d’atteindre le cap critique de l’incorporation et de réduire les obstacles des premières années, l’EPFL lance en 2005 Innogrant, son premier programme de soutien dédié aux jeunes pousses. En pionnière suisse, elle offre le temps nécessaire, soit un an de salaire, à une dizaine de personnes porteuses de projets de start-up en lien avec l’École, sélectionnées avec soin. Ces douze mois leur permettent de murir leur plan d’attaque et de rapprocher leur idée du marché et de l’industrie avec l’appui d’un vaste réseau d’expertes et experts. Un précieux soutien dont témoigne Ata Golparvar, cofondateur et CTO de MoleSense, qui arrive au terme de son Innogrant: « notre technologie de surveillance de biomarqueurs en continu, était prête à quitter le laboratoire, mais pas encore à passer au stade commercial : nous étions coincés dans ce tristement célèbre « fossé » du démarrage où manquent le temps et l’argent », se souvient-il. « Cette année nous a permis d’arriver à un stade où d’autres rentrées d’argent sont devenues accessibles. »

Le soutien aux jeunes entreprises dès leurs débuts est absolument fondamental. Il nous permet de construire des bases solides pour accompagner notre croissance. L'écosystème de l'EPFL et l'Innogrant ont joué un rôle important à cet égard pour nous

Samantha Anderson, CEO DePoly

Les start-up passées par Innogrant cumulent 1,6 milliard de francs levés

Ce pari, risqué au départ, s’est pérennisé grâce aux succès de chaque volée. Il soutient entre dix et quinze projets par année avec un financement assuré par l’EPFL et, pour certains, complété par des partenaires privés, comme la Fondation pour l'innovation et la technologie (FIT) du canton de Vaud, l’UBS, ou la Fondation WYSS Center. En vingt ans, 206 projets ont été sélectionnés. Ils se sont traduits par la création de 146 start-up, dont 132 sont encore en activité. « Un chiffre auquel il faut ajouter des projets qui ne sont pas encore incorporés en entreprise, mais qui avancent en ce sens », souligne Isabel Casado Harrington. Ce temps varie en fonction de la complexité technologique du projet, des exigences réglementaires propres au secteur ou au marché. En moyenne, 80% des projets passent au stade de start-up dans les trois ans suivant l’obtention d’un Innogrant.

Souvent considérées comme témoin de leur réussite, les levées de fonds cumulées des start-up soutenues par un Innogrant atteignent 1,6 milliard de francs, dont plus de 1 milliard ces sept dernières années. Une quinzaine de start-up, parmi lesquels ONWARD Medical, Cyberhaven, Lunaphore (rachetée en 2023 par l’entreprise américaine Bio-Techne) ou encore Swissto12, collent à la définition de la start-up héritée de la Silicon Valley. Chacune de ces jeunes pousses a attiré des investissements pour plus de 15 millions de francs, témoignant de leur forte attractivité. Le spin-off DePoly, Innogrant 2019, a levé 12,3 millions de francs en 2023, puis 7,6 millions en 2025 pour développer sa technologie de recyclage du plastique PET et s’apprête à inaugurer son usine de démonstration. Pour la CEO de l’entreprise, Samantha Anderson, « l'Innogrant nous a soutenus à un moment clé où nous avons pu développer et faire évoluer notre réaction chimique ainsi que notre prototype, élargir notre réseau et trouver des investisseurs ». « Les grosses levées de fonds peu de temps après l’Innogrant comme l’ont fait DePoly ou encore Corintis, qui viennent de se placer aux deux premières places du classement Top 100 des start-up suisses, sont assez rares. La majorité de ces fonds ont été levés dans les 5 à 8 ans après une incorporation », explique la responsable du Launchpad.

Des entrepreneurs mieux préparés, des investisseurs plus exigeants

Outre le temps et le financement proposés, le programme dispose d’un vaste réseau d’experts et d’expertes de nombreux domaines. « Les candidats et candidates se présentent à la sélection, avec différentes problématiques liées à la réalité industrielle et commerciale de leur domaine. Notre but n’est pas de résoudre toutes les questions en un an, mais d’armer les entrepreneurs pour qu’ils puissent franchir les prochaines étapes », note Isabel Casado Harrington. Et le Startup Launchpad met tout en œuvre pour les y aider. « Le soutien aux jeunes entreprises dès leurs débuts est absolument fondamental. Il nous permet de construire des bases solides pour accompagner notre croissance. L'écosystème de l'EPFL et l'Innogrant ont joué un rôle important à cet égard pour nous », se souvient Samantha Anderson.

Mon plus gros défi a été de réaliser que la science seule ne permet pas de réussir. Il me manquait de nombreuses compétences en dehors de l’aspect technique : gestion, vente, développement commercial. Les divers mentors m’ont aidé à trouver des experts et expertes externes avec le savoir-faire nécessaire et à leur faire confiance

Dimitrios Terzis, cofondateur de Medusoil

« Mon plus gros défi a été de réaliser que la science seule ne permet pas de réussir, se souvient Dimitrios Terzis, cofondateur de Medusoil, une entreprise active dans la fabrication de liants à base de biominéraux. Il me manquait de nombreuses compétences en dehors de l’aspect technique : gestion, vente, développement commercial. Les divers mentors m’ont aidé à trouver des experts et expertes externes avec le savoir-faire nécessaire et à leur faire confiance.» « Le réseau est extraordinaire, renchérit Ata Golparvar. Par exemple, nous avions de la peine à entrer en contact avec un leader d’opinion influent. L’équipe d’Innogrant nous a mis en contact avec le programme d’échange entre l’University College London et l’EPFL. Un courriel a suffi à débloquer la situation. Nous avons maintenant des réunions avec un interlocuteur clé du programme toutes les deux semaines, ce qui est une aide très précieuse. »

L’écosystème s’est également progressivement enrichi de ses alumnis entrepreneurs qui partagent volontiers des conseils et jouent les « role model », permettant aux nouvelles générations d’entrepreneurs et entrepreneuses de se projeter beaucoup plus facilement. « C’est une aide précieuse, car, si les fonds d’investissement se sont fortement structurés et développés depuis 2005, l’excellence des projets actuels rend tout aussi, voire davantage, concurrentiel l’accès aux levées de fonds », constate Isabel Casado Harrington.

Aujourd’hui, alors que les besoins des fondateurs se diversifient et que les secteurs technologiques gagnent en complexité, le programme Innogrant poursuit son évolution. Il affine ses soutiens et explore des approches plus ciblées, notamment dans des domaines comme la quantique, l’intelligence artificielle ou la biopharmaceutique. Sans jamais perdre de vue sa mission initiale, il accompagne les entrepreneurs bien au-delà de l’idée, jusqu’aux premières validations de marché et aux étapes clés de structuration. Fidèle à son ambition fondatrice, il continue de transformer la recherche en impact concret, faisant de l’EPFL un terreau fertile pour les start-up de demain.


Auteur: Cécilia Carron

Source: EPFL

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