« Il y a un côté science-fiction dans ce métier »

Camille Brès © Alain Herzog / 2019 EPFL

Camille Brès © Alain Herzog / 2019 EPFL

A l’occasion des 50 ans de l’EPFL, la faculté des Sciences et Techniques de l’Ingénieur propose une série de portraits consacrés aux femmes professeures de la faculté. Aujourd’hui, nous rencontrons Camille Brès, spécialiste des lasers.

Spécialiste des lasers et des moyens d’exploiter la lumière sous toutes ses formes, Camille Brès, professeure associée à l’EPFL, nous parle de son parcours. Ses recherches ciblent la détection de la pollution, les équipements futurs des voitures autonomes, ou encore les télécommunications.

Entre Camille Brès et la lumière, c’est une relation forte. Chercheuse passionnée et fascinée par tout ce qui a trait à l’optique, elle dirige actuellement le Laboratoire de systèmes photoniques de la faculté des Sciences et Techniques de l’EPFL, en tant que professeure associée. Avec son groupe de recherche, elle fabrique des dispositifs pour générer des lasers, sonder la pollution à l’aide de la lumière, ou encore amplifier et faire voyager la lumière dans des fibres optiques, pour les télécommunications.

«Cela paraît un peu fou de pouvoir transmettre de l’information dans de minuscules tuyaux sur des centaines de kilomètres», raconte la chercheuse. «Pour le public qui vient visiter le laboratoire, cela s’apparente parfois à de la science-fiction», s’amuse-t-elle. Et pourtant, les recherches de Camille Brès sont bien réelles.

Elles sont en lien avec des technologies que nous utilisons quotidiennement, pour communiquer avec nos smartphones ou nos ordinateurs. Camille Brès étudie par exemple de nouvelles façons d’augmenter le débit de l’information dans les fibres optiques. Elle cherche aussi à créer des dispositifs portables et légers, pour pouvoir sonder les toxines sur le terrain.

« C’est un métier qui donne »

Mais pourquoi tant d’attrait pour la lumière et les lasers ? «Ce qui me plaît c’est d’effectuer à la fois de la recherche fondamentale, pour voir apparaître des phénomènes nouveaux , et de voir des applications concrètes. J’apprends des choses tous les jours. C’est un métier qui donne».

Née à Montpellier, de père professeur de physique et de chimie et de mère professeure d’histoire et de géographie, Camille Brès a montré dès l’enfance un intérêt pour tout ce qui a trait à la création et la construction. «J’ai énormément joué aux lego, et je fabriquais de multiples objets avec des bouts de bois, du scotch et des ficelles. Le coloriage n’était pas trop mon truc.»

Au Lycée, elle se lance dans un bac scientifique math et physiques, qui la mène à 17 ans à l’Université McGill au Canada, où elle entreprend un Bachelor en génie électrique et informatique. «J’avais l’habitude de voyager avec ma famille, car nous avons habité dans différents pays. Je n’ai pas hésité», raconte-t-elle.

Durant l’été, à la recherche de petits boulots, l’étudiante frappe à la porte d’un laboratoire de photonique, et y obtient un stage. C’est une révélation. «A ce moment, j’ai développé un réel intérêt pour cette matière. J’y suis retournée l’année suivante, pour ne plus jamais quitter la photonique.»

Cette matière sera au cœur de sa thèse, menée à l’Université de Princeton, puis de son post-doctorat à l’Université de Californie à San Diego. Portée par son enthousiasme et ses recherches brillantes, Camille Brès rejoint finalement l’EPFL en 2011 en tant que Professeure Assistante Tenure Track (PATT), où elle dirige son propre groupe de recherche. Elle est ensuite nommée Professeure Associée en 2019. «J’ai toujours suivi mes passions sans trop me poser de questions. Bien sûr il est sain de douter, mais je pense qu’il ne faut pas se lancer dans ces engrenages de doutes, comme nous les femmes avons peut-être tendance à le faire».

Les femmes, d’ailleurs, en a-t-elle beaucoup croisées dans son cursus ? «Non, c’est un milieu très masculin, je le vois lorsque je donne mes cours. Je me suis pourtant toujours sentie soutenue, et à l’aise dans ce milieu».


« On me demande souvent pour qui je travaille »

Inspirée par plusieurs mentors, tous masculins, Camille Brès vit donc sa passion en survolant les questions de genres la plupart du temps. Il y a toutefois des moments de questionnements. «Lorsque je lève la tête et que je réalise que je suis la seule femme dans la salle, ou que je présente mes recherches devant un parterre d’hommes, j’ai parfois de très courts moments d’étonnement. Puis je me replonge dans la matière.»

On l’a compris, Camille Brès se rit allègrement des clichés. «Quand les gens apprennent que je travaille à l’EPFL, ils me demandent souvent : pour qui ? », rigole-t-elle. «ça ne m’offense pas. Je trouve cela amusant de rectifier le tir, et de tordre le cou aux idées reçues.»

Le conseil qu’elle donnerait à des jeunes femmes souhaitant se lancer dans cette carrière ? «Je crois que si l’on trouve une voie qui nous plaît, il faut y aller, sans se poser trop de questions. Et même si on se trompe, quelle importance ?». Le seul doute qu’il faut avoir est : « cela me plaît-il vraiment ?» et non «en suis-je capable ?».

La passion pour la photonique ne s’est en tout cas jamais éteinte pour cette scientifique, mère de deux enfants et auteure de nombreuses publications. «J’ai même de la peine à lâcher mon travail pendant mes vacances. Si on m’envoie un papier passionnant à ce moment-là, j’ai tout de suite envie de le lire.»

Son rêve professionnel le plus fou ? «Ecrire un papier fondateur, et marquer mon domaine, mais je ne cours pas après ça. Je fais juste ce que j’aime.»

En plus de sa vie professionnelle et familiale bien remplie, la chercheuse trouve toujours de la place pour les hobbies. «J’ai fait beaucoup de théâtre par le passé. A présent je fais de la course à pied, de la natation et du vélo. En somme, des activités qui ne prennent pas trop de temps », sourit la chercheuse.