«Il faut comprendre son intuition pour pouvoir bien l'utiliser»
Pour leur projet de master dans le cadre du cours de sciences humaines et sociales (SHS)«Emotion and Value» du Collège des humanités, les étudiants de l’EPFL Kathryn Dullerud, Maximilian Grobbelaar, Vincent Martignier et Karim Abi Said ont examiné le lien entre l’intuition et la prise de décision morale.
Intitulé «Should we trust our gut? Embodied Morality: The Role of Bodily Sensations and Emotions in Guiding Moral Decisions», leur projet a traité de l’influence de l’intuition sur la prise de décision morale. Pendant une année, ils ont lu des textes philosophiques et participé à des discussions et des débats entre eux et avec leur instructeur, Alain Pé-Curto.
«C’est génial de stimuler une autre partie de son esprit»
Le projet de l’équipe était le point d’orgue du cours «Emotion and value», qui fait partie des 150 cours du programme d’enseignement en sciences humaines et sociales dispensés au Collège des humanités. Le cours propose des outils et des cadres philosophiques pour comprendre la recherche d’une vie riche de sens, en se penchant sur le rôle des émotions et des valeurs dans les expériences transformatrices et la prise de décision. Par le biais de conférences, de lectures et de discussions représentant différentes disciplines, les étudiantes et étudiants explorent la manière dont les moments marquants de la vie peuvent aboutir à une transformation personnelle.
Les cours de sciences humaines et sociales sont obligatoires pour l’ensemble des étudiantes et étudiants pendant le bachelor et la première année de master, leur offrant un choix de sujets couvrant un vaste ensemble de sciences humaines et sociales.
«C’est génial de pouvoir stimuler une autre partie de son esprit au cours de la journée», déclare Kathryn Dullerud, qui prépare un Master en statistiques. «Suivre cinq cours de mathématiques, c’est beaucoup. Ce cours m’a donc permis de me reposer un peu l’esprit, mais de façon créative et exploratoire.»
«J’ai examiné tous les cours avant de choisir celui qui me semblait le plus amusant», indique Karim Abi Said, qui termine un master faisant partie du programme de neurotechnologie de l’EPFL, NeuroX. «Je voulais un cours très philosophique, très axé sur les valeurs, auquel il était intéressant de réfléchir en tant que personne et non en tant qu’ingénieur.»
«Nous avons beaucoup réfléchi»
Pour leur projet final, les quatre étudiants ont été attirés par l’idée d’explorer un sentiment inné, difficile à décrire et semblable à celui d’être ému. C’est ainsi qu’ils en sont venus à se pencher sur l’intuition, mais ils ne savaient toujours pas exactement ce qu’ils voulaient étudier à ce propos.
«Nous avons beaucoup réfléchi», confie Kathryn Dullerud. Ils ont finalement trouvé un sujet idéal: l’influence de l’intuition sur la prise de décision morale. «Ce qui nous a motivés, c’est de penser à des situations où il peut être difficile de déterminer ce que l’on ressent. Avoir la réponse physique peut vous aider à savoir quoi faire.»
«Parfois, vous n’avez pas conscience de votre morale jusqu’à ce que vous voyiez quelque chose qui la remette en question», ajoute Maximilian Grobbelaar, qui passe un Master en NeuroX.
Comme il s’agissait d’un cours de philosophie, ils ont été amenés à lire beaucoup et à débattre.
«Nous avons beaucoup discuté, car chaque mot peut avoir un sens différent», affirme Vincent Martignier, qui passe un Master en physique. «Parfois, nous argumentions pendant des heures et il s’avérait que nous parlions de la même chose.»
«Nous sommes une équipe de personnes très passionnées», ajoute Kathryn Dullerud. «Nous avions beaucoup de discussions et de désaccords, donc nous avions un échange par semaine et ensuite nous allions faire des lectures pour étayer notre point de vue.»
L’intuition comme outil de comportement moral
Grâce à leurs nombreuses lectures et heures de discussions et de débats, ils sont parvenus à la conclusion que l’intuition peut servir d’outil de comportement moral, mais pas sans contexte.
«Ce n’est pas parce que l’on a des émotions que l’on est capable d’agir de façon morale», explique Maximilian Grobbelaar. «C’est une compétence à développer. Cela va de pair avec le fait de comprendre pourquoi vous êtes en colère, d’où cela vient, et à partir de là, vous pouvez mieux comprendre votre intuition. Mais se contenter d’observer la sensation physique sans en comprendre la cause revient à tirer à l’aveuglette.»
«Il faut comprendre d’où vient l’intuition pour l’utiliser correctement», ajoute Vincent Martignier.
Afin d’illustrer son travail, l’équipe a donné l’exemple d’une personne qui se fait agresser dans la rue. Avez-vous l’intuition que vous devriez intervenir, et si oui, est-ce dû à votre morale? Votre colère face à l’agression provient-elle de cette attente morale, et comment se manifeste-t-elle physiquement?
«La cause première de la colère dans l’instant présent est notre réaction à une transgression morale qui s’est produite», précise Maximilian Grobbelaar. Parfois, vous n’avez pas conscience de votre morale jusqu’à ce que vous voyiez quelque chose qui la remette en question.
Les étudiantes et étudiants ont affirmé que ce qu’ils ont appris dans le cours pourrait avoir une influence sur leur vie personnelle et leurs rapports avec les autres, ainsi que sur leur compréhension des implications éthiques de certaines technologies et de leur utilisation.
«Nous avons parfois une vision étroite de notre domaine spécifique, mais il est évident que tout cela existe dans le monde en général», dit Kathryn Dullerud. «Dans nos tâches techniques et scientifiques, nous devons réfléchir à l’impact global.»