Francesco Mondada lauréat du prestigieux Polytechnik-Preis 2022
Francesco Mondada, directuer du Centre des sciences de l'apprentissage de l'EPFL et du Mobile Robotic Systems Group (MOBOTS) de la Faculté des sciences et techniques de l'ingénieur, a reçu le Polytechnik-Preis pour ses recherches sur le robot éducatif Thymio II.
Une première suisse
Doté de 77’000 euros, le Polytechnik-Preis s’agit du prix le plus important décerné pour la recherche en didactique disciplinaire rendant hommage à des scientifiques exceptionnels des régions d’Allemagne, d’Autriche et de Suisse.
Placé sous le patronage de la ministre fédérale de l’Éducation et de la Recherche d’Allemagne, Bettina Stark-Watzinger, il récompense les contributions à la recherche et au développement de concepts d’enseignements innovants. Cette année, le thème à l’honneur était l’utilisation d’outils numériques comme atout pour l’enseignement des branches STIM (sciences, technologies, ingénierie et mathématiques).
C’est avec le robot éducatif Thymio II, et son application à l’enseignement de la pensée computationnelle, que le Professeur Mondada s’est distingué et est devenu dès lors le premier scientifique suisse à recevoir la prestigieuse récompense.
D’abord retenu aux côtés de sept autres concepts à la suite d’une rigoureuse sélection effectuée par un jury composé des plus grand·e·s expert·e·s en didactique d’Allemagne, Thymio II s’est vu propulsé à la première place lors de la cérémonie qui s’est tenue face à une assemblée réunissant quelques centaines de personnalités allemandes.
Selon la tradition de la Polytechnische Gesellschaft, le prix est décerné à des projets ayant un fort potentiel de transfert et le dispositif vise à encourager la soif de connaissance ainsi que la volonté d’expérimenter chez les jeunes de la région. À terme, les projets primés seront donc destinés à venir enrichir le paysage éducatif de la ville.
La collaboration comme maître-mot
Si aujourd’hui l’on comptabilise plus de 80’000 Thymio produits, dont 70% sont utilisés dans des classes outre nos frontières, ce projet ne s’est pas fait tout seul. En effet, s’il a largement su séduire les petits suisses, c’est grâce, notamment, aux précieux partenariats et aux collaborations étroites réalisées avec les cantons.
« Thymio est un projet qui s’est construit progressivement, qui a un cheminement rendu possible par toute une série de partenaires » souligne le Professeur Mondada. « Ces résultats viennent de la collaboration avec les cantons qui se sont beaucoup impliqués pour offrir un terrain sur lequel nous avons pu développer, tester, co-construire et déployer nos concepts avec les enseignant·e·s. Nous avons notamment beaucoup travaillé sur les concepts de pensée computationnelle et avons pu mesurer scientifiquement leurs réactions ainsi que celles des élèves. »
Ayant tout juste fêté ses onze ans, Thymio II est résolument né sous le signe de la collaboration. Au fil des années, il a réuni autour de lui l’EPFL et l’ECAL, l’ETHZ et l’INRIA, le NCCR Robotics ainsi que les autorités cantonales. Le canton de Genève a été un pionnier dans l’introduction du robot dans les écoles suivi par le Valais, qui a aussi proposé cet outil aux enseignant·e·s intéressé·e·s. Le canton de Vaud l’a inclus dans son projet d’introduction de l’éducation numérique dans toutes ses écoles au travers du projet EduNum et a permis d’étudier la réaction des enseignant·e·s à large échelle. Le canton de Neuchâtel fait appel au lien entre Thymio et la pensée computationnelle dans sa mise en œuvre actuelle de l’éducation numérique. Le canton de Berne, lui, l’a inclus dans sa démarche « MINT mobil » qui vise à atteindre tous les établissements de son territoire. Enfin, le canton du Tessin, avec la SUPSI et l’USI, a fortement contribué à la mise en place des modèles de pensée computationnelle et à l’introduction de Thymio auprès de ses enseignant·e·s.
Cette diffusion a été facilitée par son design très innovant. Conçu dès le début en tant que projet open source, le robot éducatif dispose de capteurs et d’actionneurs et permet à tout un chacun de s’initier aux compétences de base de la programmation dans un cadre tangible, permettant aux utilisatrices et aux utilisateurs de le saisir et de le manipuler directement. La visualisation très intuitive des fonctionnalités du robot permet d’en comprendre rapidement les mécanismes. Sa conception ouverte et facilement réparable en fait un outil respectueux de plusieurs principes de durabilité.
Résultat, il regroupe aujourd’hui autour de lui de nombreuses communautés nourrissant son écosystème d’une multitude de ressources éducatives plus innovantes et créatives les unes que les autres. Cet écosystème, lui, est soutenu par l’association à but non-lucratif Mobsya qui produit le robot et entretient les outils logiciels autour de Thymio.
Trente ans de recherches translationnelles
Le développement de ces éléments techniques et pédagogiques a été guidé par une recherche constante en robotique et en sciences de l’apprentissage, vrai point de force du Centre LEARN de l’EPFL. Thymio a fait l’objet d’études variées sur son impact dans des contextes très divers et ces résultats ont généré plus d’une vingtaine de publications scientifiques internationales, ainsi qu’une visibilité importante dans ces deux domaines d’études. Aujourd’hui ces études se poursuivent dans le projet CTskills mené dans le cadre du Programme national de recherche « Transformation numérique » (PNR 77).
Véritable pionnier en la matière, Francesco Mondada concevait déjà des robots de table pour l’éducation et la recherche au début des années 1990 et a donc doté Thymio de près de trois décennies de résultats de recherches. Si bien qu’il constitue aujourd’hui un outil idéal pour enseigner les fondements de la science informatique.
« Son utilisation dans un cadre de résolution de problèmes permet de faire un lien entre l’enseignement de la science informatique, l’enseignement des disciplines classiques et des compétences transversales comme la réflexion, la créativité, ou la collaboration. Ce lien facilite l’adoption par les enseignant·e·s et l’introduction d’éléments des sciences informatiques au niveau des écoles » explique le Professeur.
À la suite de l’annonce du classement par le jury il reste cependant résolument modeste : « C’est assez incroyable en tenant compte du fait que l’Allemagne n’est pas un pays où Thymio s’est beaucoup répandu (il est plus présent dans les pays francophones). C’est un prix international qui cherche à soutenir l’innovation en didactique spécifiquement dans des domaines STIM. Nous avons eu d’autres distinctions, mais jamais de cette envergure-là. C’est un véritable honneur et un moment qui restera inoubliable » ajoute-t-il.