Femmes, archives et architecture : Alice Biro et Jeanne Bueche

Histoires croisées : Gae Aulenti, Ada Louise Huxtable, Phyllis Lambert, sur l’architecture et la ville
Exposition : du 24.09 au 28.11.2025, du lundi au vendredi
Archizoom, Bâtiment SG, Place Ada Lovelace, EPFL

Dans les archives d’architecture, la présence des femmes demeure exceptionnelle. Cette rareté ne s’explique pas uniquement par le faible nombre d’étudiantes et de professionnelles au cours du XXᵉ siècle, mais aussi par les mécanismes de sélection, de transmission et de conservation qui ont longtemps privilégié les figures consacrées et les réseaux dominants, majoritairement masculins.

L’installation Les archives dévoilées met en lumière deux trajectoires qui échappent à cette invisibilité : celles d’Alice Biro (1923–2018) et de Jeanne Bueche (1912–2000). Issues toutes deux de la formation polytechnique (Bueche à Zurich, Biro à Lausanne) elles appartiennent à la première génération de femmes architectes diplômées en Suisse. Leurs archives, conservées aux Archives de la construction moderne (ACM–EPFL), témoignent de carrières distinctes, mais animées par un même engagement envers l’architecture comme champ d’expérimentation et de réflexion.

Formée dans les années 1930 auprès d’Otto Rudolf Salvisberg, Jeanne Bueche ouvre son bureau à Delémont en 1944. Elle développe une œuvre profondément ancrée dans le Jura, mêlant maisons, écoles, bâtiments industriels et, surtout, une architecture religieuse marquée par la lumière et la matérialité du béton. Active dans plusieurs associations professionnelles (SIA, FAS, L’Œuvre), participante de l’Exposition suisse du travail des femmes (SAFFA) en 1958, elle s’impose comme une figure reconnue dans un milieu encore peu ouvert aux femmes.

Une génération plus jeune, Alice Biro quitte la Hongrie pour la Suisse pendant la guerre et obtient en 1948 son diplôme à l’École polytechnique de l’Université de Lausanne (EPUL), ancêtre de l’EPFL. Après un passage au sein de l’agence d’Alvar Aalto en Finlande, elle participe à divers projets collectifs et concours internationaux, tout en menant quelques réalisations personnelles, dont sa maison-atelier à Gockhausen (1965). Son parcours, à la fois intellectuel et professionnel, illustre une ouverture rare pour l’époque et une réflexion continue sur les espaces du quotidien.

En rassemblant dessins, photographies, correspondances et maquettes, l’exposition révèle la richesse et la singularité de ces deux parcours. Elle propose de redécouvrir leurs contributions à l’histoire architecturale suisse, tout en interrogeant la place des femmes dans les archives et la manière dont leurs œuvres parviennent – ou non – à être transmises et reconnues. À travers ces deux figures, Les archives dévoilées invite à repenser la mémoire de l’architecture à la lumière d’expériences souvent restées en marge, mais essentielles à sa compréhension.