Exposée à l'ozone, notre peau dégage des minuscules particules

Exposées à l'ozone, des bougies allumées ou même la peau peuvent générer des nanoparticules. © istock

Exposées à l'ozone, des bougies allumées ou même la peau peuvent générer des nanoparticules. © istock

Une équipe internationale comprenant l’EPFL a découvert que l’ozone réagit avec les lipides de la peau et génère des nanoparticules.

La pollution atmosphérique cause 7 millions de décès prématurés par an dans le monde, selon l’Organisation mondiale de la santé. Un chiffre semblable aux morts du tabac ou de la malnutrition. Les effets néfastes de la pollution atmosphérique sont principalement dus aux petites particules en suspension dans l'air produites par la circulation et les centrales au charbon, ou à des réactions chimiques avec des composés présents dans l'atmosphère. En milieu clos et exposé à l’ozone, de plus petites particules (appelées nanoclusters d’aérosols) peuvent aussi se former, générées par la cuisson, des bougies allumées, une impression 3D ou, comme le révèle une équipe internationale, dont fait partie l’EPFL, les humains. Notre propre corps peut aussi être source de particules ultrafines quand l’air contient de l’ozone.

On sait que l’humain émet des particules à travers différents facteurs tels que la peau, l’habillement, les activités respiratoires (toux, reniflement, respiration par exemple). Mais ces particules sont en général de la taille d’un micromètre ou supérieure. « Or nous avons découvert un nouveau mécanisme de production de particules, complètement inédit, dans une dimension bien inférieure, de l’ordre de quelques nanomètres », avance Dusan Licina, professeur au Laboratoire de l’environnement construit orienté sur l’humain (HOBEL) de la Faculté de l’environnement naturel, architectural et construit (ENAC). L’étude qui révèle et explique cet effet est publiée dans la revue Environmental Science & Technology. Shen Yang, postdoc au HOBEL, basé au Smart Living Lab, en est le premier auteur.

L’âge et l’habillement jouent un rôle

Si l’ozone est précieux dans la stratosphère pour nous protéger des rayons UV, dans la couche basse de l’atmosphère, il peut, à une certaine concentration, devenir toxique pour le monde vivant. Près du sol, il est produit par différents mécanismes notamment en été en cas de rayonnement solaire intense ou de gaz d’échappement. A l’extérieur comme à l’intérieur, l’ozone est à l’origine de nanoclusters d’aérosols en présence de différents polluants. Mais pour la première fois la recherche s’est intéressée de très près à ce qu’il se passe à l’intérieur, où nous passons l’essentiel de notre temps. « Des efforts ont été entrepris pour diminuer la pollution intérieure, en remplaçant par exemple les gazinières par des cuisinières à induction ou en réduisant le transport de polluants extérieurs vers l’intérieur. C’est ainsi que cela nous a conduits à identifier une nouvelle source d’émission de nanoparticules : l’être humain », résume Dusan Licina.

Combinant leur expertise en science des aérosols, en chimie et en science de la construction, les scientifiques ont mené leurs expériences avec des volontaires dans une chambre climatique, une pièce de 22,5 m3 en acier inoxydable dans laquelle les paramètres climatiques peuvent être contrôlés. Ils ont ainsi pu étudier les effets de différentes variables – la température, l’humidité et les niveaux d’ozone – sur la production de nanoclusters d’aérosols d’origine humaine ainsi que la présence d’autres composés chimiques. Les scientifiques ont également étudié l'importance de l'âge des occupants et du type de vêtements portés. Ils ont ainsi constaté qu'à concentrations d'ozone constantes, les taux d'émission de nanoclusters d'aérosols étaient plus élevés lorsque la surface de la peau exposée était plus grande, que les adolescents émettaient davantage de nanoclusters d'aérosols que les personnes âgées et les jeunes adultes.

Réduire les niveaux d’ozone intérieurs

Pourquoi ? Ces nanoclusters d’aérosols ont-ils une influence sur la santé ? A ce stade, les chercheurs se contentent d’émettre des hypothèses, mais ne peuvent en déduire davantage. « La principale contribution de cette étude est que l’on a observé pour la première fois cet effet, directement lié à la combinaison des sécrétions lipidiques de la peau et à la présence d’ozone. Bien que les effets spécifiques de ces particules sur la santé soient inconnus, ces particules peuvent se transformer en particules plus grosses qui sont liées à des problèmes de santé en raison de leur pénétration profonde dans le poumon humain et même de leur transport neuronal vers le cerveau. C’est suffisant pour justifier de poursuivre des recherches sur l’influence de la concentration d’ozone sur les émissions de nanoparticules d’origine humaine », estime le professeur. Dans quel sens ? « Il serait intéressant de voir dans quelle mesure les empreintes, présentes ou passées, que nous laissons en touchant les choses méritent d’être étudiées. Ou de savoir si les habitudes d’hygiène et l’utilisation de produits d’hygiène corporelle jouent un rôle. En attendant, la meilleure chose que nous puissions faire est de réduire les niveaux d'ozone dans nos bâtiments. »

Financement

Alfred P. Sloan Foundation grant et EPFL.

Références

Cette recherche est le fruit d’une collaboration entre l’EPFL, la Technical university of Denmark, le Max Planck Institute et la Chalmers University of Technology de Göteborg.

Shen Yang, Dusan Licina, Charles J. Weschler, Nijing Wang, Nora Zannoni, Mengze Li, Joonas Vanhanen, Sarka Langer, Pawel Wargocki, Jonathan Williams, and Gabriel Bekö. Ozone Initiates Human-Derived Emission of Nanocluster Aerosols. Environmental Science & Technology, 2021, 55, DOI: 10.1021/acs.est.1c03379.