Explorer les mystères des électrons piégés: l'expérience T-REX

© 2024 EPFL

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Au Swiss Plasma Center (SPC), niché dans le cadre pittoresque de Lausanne, en Suisse, se déroule une expérience fascinante qui pourrait changer l'avenir de la fusion. Il s'agit de l'expérience TRapped Electrons eXperiment, ou T-REX, dont les opérations et les recherches quotidiennes sont dirigées par un scientifique passionné et aux multiples talents, le Dr Francesco Romano.

Les réacteurs à fusion, comme ceux en cours de développement pour ITER et DEMO, dépendent de puissants dispositifs à micro-ondes appelés gyrotrons. Ces dispositifs génèrent les micro-ondes nécessaires pour chauffer le plasma à des températures plus élevées que le cœur du soleil. Cependant, les gyrotrons présentent un problème délicat : dans certaines conditions, ils peuvent devenir instables en raison des électrons piégés dans une région appelée le canon d'injection de magnétron (MIG). Ces électrons piégés peuvent perturber le fonctionnement du gyrotron, entraînant une baisse d'efficacité voire des dommages.

C'est là qu'intervient T-REX. Francesco et son équipe ont conçu cette expérience pour simuler les conditions à l'intérieur du MIG d'un gyrotron et étudier le comportement de ces électrons piégés. Contrairement aux gyrotrons, qui ne peuvent pas être ouverts une fois construits, rendant impossible l'observation directe de ce qui se passe à l'intérieur, T-REX permet aux chercheurs de recréer ces conditions dans un environnement contrôlé. En comprenant comment ces nuages d'électrons se forment et évoluent, l'équipe vise à trouver des moyens de les prévenir, améliorant ainsi la performance des gyrotrons et rendant l'énergie de fusion plus fiable et plus efficace.

Construire T-REX depuis zéro
L’aventure de Francesco avec T-REX a commencé lorsqu’il a rejoint le Swiss Plasma Center en tant que postdoctorant. À l’époque, il n’y avait pas de machine – juste quelques premiers résultats de simulations et un concept. Au cours de deux années et avec le soutien d’une équipe dévouée d’ingénieurs et de techniciens, Francesco a transformé ces idées en une expérience pleinement opérationnelle. T-REX a vu son premier plasma en 2023, un jalon important marquant le début d'une nouvelle phase de découvertes.

L'expérience elle-même est conçue pour reproduire les conditions à l'intérieur du canon d'injection de magnétron (MIG) d'un gyrotron, en utilisant un ensemble d'électrodes coaxiales dans une chambre à vide, le tout surmonté d'un aimant supraconducteur. La géométrie des électrodes façonne le champ électrique, tandis que l'aimant supraconducteur détermine la configuration du champ magnétique. Cette combinaison de champs crée un «puits de potentiel», agissant comme un réservoir où les électrons peuvent être piégés.

Une forte tension négative appliquée à l'électrode centrale génère un champ électrique puissant qui, combiné au champ magnétique, facilite la capture des électrons. Ces premiers électrons libres peuvent provenir de mécanismes tels que les rayons cosmiques, l'émission de champ ou le taux d'ionisation fini du gaz ambiant. Une fois dans le puits de potentiel, ces électrons subissent une rotation azimutale rapide en raison de la grande dérive ExB, gagnant ainsi une énergie cinétique significative. Lorsqu'ils entrent en collision avec les atomes de gaz neutres, une réaction en chaîne s'ensuit, produisant davantage d'électrons et formant un nuage d'électrons confiné dans le puits de potentiel. L'équipe utilise divers outils de diagnostic pour étudier en détail ce nuage d'électrons, explorant ses dynamiques et comportements.

L’histoire de Francesco
Mais qui est Francesco Romano? Né à Sassari, en Italie, et élevé à Udine, le parcours académique de Francesco a débuté en ingénierie aérospatiale à l’Université de Padoue, en Italie, où il a obtenu son diplôme de licence puis de master. Il a ensuite poursuivi un doctorat à Stuttgart, en Allemagne, où il a développé un propulseur à plasma hélicon pour satellites. Celui-ci peut utiliser les particules atmosphériques comme carburant pour des engins spatiaux en orbite terrestre très basse.

En plus de ses recherches scientifiques, Francesco est un musicien accompli, passionné de piano et d'orgue, ayant achevé ses études au conservatoire d'orgue en Italie. Lorsqu’il n’est pas au laboratoire, on peut le trouver en train de faire du vélo dans les Alpes, de naviguer sur le lac Léman ou de se consacrer à sa passion pour les voitures de sport classiques et les disques vinyles.

T-REX et EUROfusion
T-REX n’est pas qu’un projet isolé. Plus tôt cette année, il a été reconnu par EUROfusion comme une installation indispensable, notamment en association avec FALCON, une autre installation clé de test au SPC. Bien que l'expérience soit principalement financée par le Fonds national suisse de la recherche scientifique, ses résultats sont très pertinents pour la communauté de la fusion et s’alignent sur les objectifs d’EUROfusion visant à faire progresser la technologie des gyrotrons pour les réacteurs à fusion.

Pour Francesco, cette reconnaissance est un témoignage du travail acharné et de l'innovation qui ont été investis dans T-REX. Au fur et à mesure que l'expérience se poursuit, elle promet de développer de nouvelles connaissances susceptibles de contribuer à faire de l'énergie de fusion une réalité.

Quelles sont les prochaines étapes ?
Maintenant que T-REX est pleinement opérationnel, Francesco et son équipe se concentrent sur la réalisation d'une série d'expériences pour recueillir des données et affiner leurs modèles. Fait remarquable, les simulations réalisées par leurs doctorants actuels et précédents correspondent déjà de près aux données expérimentales — un exploit impressionnant qui met en lumière la précision de leurs modèles théoriques. Ces résultats pourraient conduire à des conceptions de gyrotrons plus robustes et nous rapprocher encore plus de l’énergie de fusion durable.