Exceller, tomber, rebondir

Linus Rösler, prix de la meilleure moyenne de Master 2022. © Alain Herzog/EPFL

Linus Rösler, prix de la meilleure moyenne de Master 2022. © Alain Herzog/EPFL

Prix de la meilleure moyenne de Master 2022, avec 5,94, Linus Rösler adore les mathématiques. Une passion qui l’a dévoré. Il ne s’est pas laissé faire.

Dans les maths, Linus Rösler aime ce que beaucoup leur reprochent: leur côté abstrait. «Ils ne font pas partie de la réalité, qui est si désordonnée et compliquée. Dans le monde des mathématiques, les démonstrations sont belles et les choses certaines, il n’y a plus de doute possible quand on peut apporter une preuve mathématique.» C’est dans ce monde rassurant que le Bernois de 25 ans, aussi doué que travailleur, cherche depuis tout jeune son accomplissement. Le 1er octobre 2022, lors de la Magistrale, le jeune diplômé de l’EPFL a reçu une magnifique récompense: le Prix de la meilleure moyenne de Master de sa promotion, avec 5,94.

Mais cette passion a eu pour Linus un coût inattendu: « Si je suis ici cette année, et non l’an dernier, c’est parce que j’ai fait un burn-out pendant ma thèse de Master», a-t-il témoigné, non sans émotion, sur la scène du STCC, devant 2800 personnes. «Je voudrais dire qu’il est aussi important de prendre soin de sa santé mentale, il n’y a pas de honte à cela. C’est quelque chose dont on peut être fier.» Applaudissements nourris de la salle.

Aujourd’hui, Linus a envie de témoigner. D’abord par gratitude à l’égard de toutes celles et ceux qui l’ont aidé: sa petite amie, sa famille, son superviseur de thèse, ses professeurs, l’EPFL. Ensuite pour que celles et ceux qui endurent la même épreuve sachent qu’elle n’est pas insurmontable. Ce qui peut paraître une faiblesse est en réalité une preuve de force.

"Il fallait que je réagisse"

Linus ne le cache pas, il est perfectionniste et se met une énorme pression pour réussir avec brio. Mais la quête de l’excellence l’a rendu accro à la performance et aux bonnes notes. C’est toujours lui qui le dit. À l’école, il excelle et sa passion pour les maths déborde, notamment au travers des Olympiades suisses de maths qu’il remporte plusieurs fois. Au collège, il arrête les échecs, un jeu auquel l’a initié son grand-père quand il avait 5 ans, «parce que ça m’énervait trop de perdre». Quand vient l’heure du choix des études, le Bernois hésite longtemps entre l’EPFL et l’ETH Zurich. «Finalement ma décision a été instinctive, appuyée par le fait que je voulais essayer quelque chose de nouveau et étudier dans une autre langue.»

Les semestres s’enchaînent. En dépit de ses excellents résultats, Linus éprouve le syndrome de l’imposteur (j’ai réussi jusqu’à présent, mais c’est une conjonction de facteurs externes, les autres sont tellement meilleurs que moi…). Puis, vient le temps de la thèse de Master. La peur d’échouer, le stress, la pression deviennent de plus en plus lourds. «Il y avait des mauvais jours où je déprimais, mais aussi des bons qui me faisaient reprendre courage.» Au fil des semaines, les mauvais jours deviennent omniprésents. «Ma petite amie m’avait déjà fait remarquer que ça n’allait pas et que je devrais me faire aider. Quand j’ai senti qu’un mur se construisait entre nous, j’ai compris que je n’étais plus moi-même et qu’il fallait que je réagisse.» Nous sommes en avril 2021.

J’ai dû me battre avec moi-même pour accepter: j’avais un sentiment d’échec.

Linus Rösler, Master EPFL en mathématiques

L’étudiant se tourne alors vers la consultation psychothérapeutique mise en place par l’EPFL pour la communauté étudiante et doctorante. En mai, Linus trouve un psychologue à Berne qui non seulement a du temps libre, mais aussi avec lequel le courant passe immédiatement. Son diagnostic fait peu de doute: burn-out par épuisement. La prescription tout aussi radicale: baisser le niveau de stress en faisant une pause – une coupure. «J’ai dû me battre avec moi-même pour accepter: j’avais un sentiment d’échec. Et puis je m’étais déjà engagé pour faire un doctorat au Laboratoire de géométrie algébrique de l’EPFL, qu’allait-on penser de moi?» Soutenu tant par ses proches que par ses superviseurs à l’EPFL, Linus accepte de lever le pied. Deux mois sans toucher aux maths. «J’ai passé du temps avec ma famille, ma copine à Berne. C’était bien, le niveau stress est descendu.»

En juillet, il revient au labo pour faire d’abord les maths qu’il aime et terminer sa thèse de Master. Il la présente brillamment fin septembre et commence son doctorat. «Après quelques semaines, je me suis retrouvé avec le même niveau de stress qu’avant. Il me fallait une coupure plus longue. J’ai démissionné. Mon professeur s’est montré très compréhensif.»

Retour à Berne, entouré de ses proches. Linus en profite pour réaliser ce qu’il n’a pas eu le temps de faire. Il s’engage davantage dans son club d’échecs et joue des heures en ligne, tout en exerçant un petit boulot à temps partiel: coursier à vélo. «Je n’ai jamais eu une telle forme physique! se réjouit celui qui n’a jamais été inactif. C’est une expérience très enrichissante qui permet de rencontrer des personnes d’horizons très différents. Et chaque fois que je sers un client content, c’est un petit succès.»

En janvier 2023, Linus recommencera son doctorat, dans le même labo. Il a confiance en ses nouvelles armes. Le monde académique et la recherche l’attirent évidemment. «Mais je peux aussi imaginer mon avenir en dehors. Dans l’enseignement par exemple.»

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Tous les jours ne sont pas toujours roses et quand les nuages s’agglutinent, il est parfois nécessaire de demander de l’aide à autrui. Que ce soit le manque de motivation, le stress, l’anxiété, la dépression, la dépendance, l’hypersensibilité, le mal-être, ces parasites au bien-être peuvent tous nous toucher mais ce n’est pas une fatalité.
L’EPFL a mis en place plusieurs outils pour soutenir chacun et chacune de l’ensemble de la communauté, de façon individuelle et confidentielle ou collective selon son besoin. Cela comprend notamment la consultation psychopédagogique, la consultation sociale, les programmes Self Care (employés) ou Peer2Peer (doctorant), des pages web sur la santé mentale et le bien-être avec des liens, des témoignages ou encore des séances de sport gratuites, de la méditation, du shiatsu ou des cours de gestion du stress.


Auteur: Anne-Muriel Brouet

Source: People

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