Etudier la marche pour concevoir de meilleures prothèses

© 2012 EPFL

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SERIE D’ÉTÉ – Travaux d’étudiant (8) Mettre un pied devant l’autre est le fruit d’une subtile coordination entre cerveau et moelle épinière. En comprendre le mécanisme est le but du travail de master de Steve Berger. Diplômé en sciences de la vie, il espère contribuer à la création d’appareils plus adaptés aux besoins des handicapés.

Simple en apparence, le processus de la marche bipède est un vrai casse-tête pour les roboticiens. La reproduire mécaniquement ou la représenter par la simulation informatique s’avère plus complexe et implique beaucoup plus de paramètres qu’il n’y parait. C’est pourquoi les robots humanoïdes ou autres avatars informatiques ont encore souvent un aspect raide ou maladroit.

Passionné de neurosciences, tout récemment diplômé en sciences de la vie, Steve Berger a eu envie de mettre sa pierre à l’édifice de la recherche dans ce domaine. Fasciné par cette question qui marie biologie et technologie, il en fait le thème de son travail de master. Au détour d’un cours suivi en première année, il est interpellé par un article portant sur les recherches d’Hartmut Geyer. Ce professeur à l’Institut de robotique de l’Université Carnegie Mellon à Pittsburgh étudie la simulation des muscles. L’étudiant décide immédiatement de s’en inspirer.

«J’ai repris l’un de ses projets consistant à faire se déplacer un personnage en 2D sur ordinateur», explique le jeune homme. Il met d’abord en place tous les paramètres de base de «Régis» – c’est le petit nom qu’il a donné à sa créature - tels que le nombre de muscles et tendons en jeu, leurs longueurs et leurs propriétés viscoélastique ainsi que l’intensité des réflexes de base qui permette une marche rudimentaire. Puis, il les adapte et les corrige au fil des expérimentations: «J’ai notamment introduit la notion de consommation d’énergie, et Régis faisait en sorte d’optimiser ses efforts pour marcher plus longtemps.»Dans un troisième temps, le chercheur développe un modèle qui permet à l’humanoïde de passer au-dessus d’un obstacle au sol. «Je me suis inspiré d’une étude sur les chats, raconte Steve Berger. J’ai réalisé que pour que Régis tombe le moins possible, il fallait activer les muscles dans un certain ordre et trouver la bonne "force" à donner à chacun d’eux.»

Aussi sur des terrains difficiles

En menant ce travail, l’étudiant voulait mieux comprendre ce mécanisme. Il espère ainsi contribuer, à plus long terme, à la création d’appareils et de prothèses permettant à des personnes handicapées non seulement de remarcher, mais également d’évoluer sur des terrains plus difficiles et accidentés. «Pour cela, il est indispensable de bien cerner la logique de la biologie afin de construire une robotique qui soit vraiment robuste, performante et adaptée».

Fruit d’une subtile coordination entre le cerveau et la moelle épinière, la marche est une fonction très complexe. Comme pour tout système biologique, passer par la simulation aide à mieux en comprendre le fonctionnement. «Cela permet de le simplifier en décortiquant ou isolant les composantes, de faire différentes hypothèses, de les tester, et enfin de les vérifier en l’implémentant ensuite en robotique.»

Le jeune chercheur poursuit sa carrière académique en faisant un doctorat. Si le thème reste la marche bipède, il s’intéresse cette fois-ci à ses aspects cognitifs, notamment la conscience et l’image que l’on a de soi au cours de cette activité. Steve Berger reconnait ne plus marcher tout-à-fait de la même manière depuis qu’il étudie ce sujet. Et de plaisanter: «maintenant, de temps en temps, je me déplace sur les mains.»