Etude des gaz à effet de serre dans le lac Léman à bord de Léxplore

From left to right: SENSE engineer Hugo Cruz, postdoctoral researcher Santona Khatun, and EPFL Bachelor intern Beate Klepere © 2025 EPFL/Koami Gafan

From left to right: SENSE engineer Hugo Cruz, postdoctoral researcher Santona Khatun, and EPFL Bachelor intern Beate Klepere © 2025 EPFL/Koami Gafan

Le 23 juillet 2025, l’équipe SENSE de l’EPFL a embarqué depuis Pully à bord de la plateforme Léxplore afin d’effectuer des mesures in situ de méthane (CH₄) et de protoxyde d’azote (N₂O), deux puissants gaz à effet de serre, dans le lac Léman. Dirigée par la chercheuse postdoctorale Santona Khatun, cette mission s’inscrit dans le cadre d’un programme de surveillance saisonnière lancé en février 2025, qui vise à mieux comprendre les processus biogéochimiques gouvernant la production, la distribution et le dégazage de ces gaz dans les lacs suisses.

Une équipe sur le terrain pour explorer les gaz lacustres

C’est la microbiologiste Santona Khatun, chercheuse à l’EPFL (Laboratoires SENSE), qui a coordonné les opérations du jour, accompagnée de l’ingénieur Hugo Cruz (SENSE) et de Beate Anna Klepere, étudiante en Bachelor à l’EPFL. Spécialiste des gaz à effet de serre, Dr Khatun mène des recherches sur le lac Léman depuis 2022, après un doctorat effectué au Japon entre 2016 et 2020. Ses travaux s’intéressent à la production et à la répartition du méthane et du protoxyde d’azote dans les lacs suisses, et à leur potentiel de relargage dans l’atmosphère.

Des mesures en temps réel grâce à SubOcean

Les mesures ont été rendues possibles grâce au SubOcean, un instrument sous-marin développé par l’Institut des Géosciences de l’Environnement (IGE) à Grenoble. Cette technologie innovante utilise la spectroscopie laser et un système breveté d’extraction par diffusion membranaire pour mesurer en continu les gaz dissous dans l’eau.
Avec une sensibilité élevée et un temps de réponse rapide (environ 30 secondes), SubOcean permet de détecter des concentrations infimes de méthane (jusqu’à 0,05 nanomolaire) et de cartographier leur distribution verticale en 3D, une prouesse difficile à atteindre avec des méthodes classiques.
Lors de cette mission, la sonde a été descendue jusqu’à 100 mètres de profondeur, mesurant simultanément le méthane, le protoxyde d’azote, la température, la conductivité et l’oxygène dissous.

Profil vertical des gaz à effet de serre

L’objectif : comprendre comment ces gaz se répartissent dans la colonne d’eau. Le méthane est environ 25 fois plus puissant que le CO₂ en tant que gaz à effet de serre, et le protoxyde d’azote 300 fois plus.

En été, on observe des concentrations plus élevées de méthane en surface, alors que le protoxyde d’azote se retrouve davantage dans les eaux profondes

Dr. Santona Khatun


De précédentes analyses ont montré que le méthane proviendrait principalement des sédiments transportés par les rivières, et non de la production microbienne dans la colonne d’eau.
L’équipe a prélevé des échantillons à différentes profondeurs — en surface, dans la thermocline (8–20 m) et dans les zones profondes — afin de comparer les données SubOcean aux analyses de laboratoire.

Les nutriments aussi sous la loupe

Pour compléter les mesures de gaz, l’équipe a aussi étudié les nutriments clés qui influencent les processus microbiens, notamment les composés de l’azote et du carbone. À l’aide de kits portables, elle a mesuré les concentrations de nitrate et d’ammonium directement sur la plateforme.
Les échantillons d’eau ont été conservés avec précaution, grâce à des flacons contenant de l’hydroxyde de sodium, afin d’éviter toute activité bactérienne pendant le transport. Une filtration ultérieure permettra de distinguer les nutriments dissous de la matière particulaire, offrant une vision complète du cycle de l’azote dans le lac.

Une campagne réussie

La mission a été un succès : les profils EXO (température, conductivité, turbidité) et les mesures SubOcean ont été réalisés comme prévu. Les données recueillies viendront enrichir le programme de surveillance saisonnière mis en place depuis février 2025, qui vise à suivre l’évolution des émissions de gaz à effet de serre dans les lacs suisses.
Ces recherches pourraient révéler si les grands lacs alpins constituent des sources importantes de gaz à effet de serre, en particulier lors des périodes de brassage, lorsque les couches d’eau se mélangent.
Un enjeu de taille pour la science du climat : mieux comprendre le rôle des eaux continentales dans les bilans globaux est essentiel pour améliorer les modèles et les prédictions climatiques.

Soutien logistique

Le soutien logistique a été assuré par Guillaume Cunillera et Sebastian Lavanchy, ingénieur SENSE en charge de la planification des campagnes de terrain dans les lacs suisses, actuellement en mission à bord du Forel au Groenland.

Références

Sub-Ocean: Subsea Dissolved Methane Measurements Using an Embedded Laser Spectrometer Technology

Roberto Grilli, Jack Triest, Jérôme Chappellaz, Michel Calzas, Thibault Desbois, Pär Jansson, Christophe Guillerm, Bénédicte Ferré, Loïc Lechevallier, Victor Ledoux, and Daniele Romanini

Environmental Science & Technology 2018 52 (18), 10543-10551

DOI: 10.1021/acs.est.7b06171


Auteur: Koami Gafan

Source: SENSE - Capteurs intelligents pour les environnements extrêmes

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Images à télécharger

Dr. Kathun conducting lab analysis on board the Léxplore.  © 2025 EPFL/Koami Gafan
Dr. Kathun conducting lab analysis on board the Léxplore. © 2025 EPFL/Koami Gafan
Dr. Kathun preparing the "EXO" for sample collection. © 2025 EPFL/Koami Gafan
Dr. Kathun preparing the "EXO" for sample collection. © 2025 EPFL/Koami Gafan
Dr Kathun and Beate Klepere collecting samples.  © 2025 EPFL/Koami Gafan
Dr Kathun and Beate Klepere collecting samples. © 2025 EPFL/Koami Gafan

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