«Être un bon chercheur ne suffit pas pour être un bon professeur»
Il n’aurait dû passer que quelques années à l’EPFL. L’année prochaine, Horst Pick fêtera ses trente ans de «Poly» et ses presque vingt ans d’enseignement. Sa priorité n’a pas changé: avoir un contact aussi personnel que possible avec les étudiantes et les étudiants.
Horst Pick n’a jamais envoyé un CV de sa vie. Arrivé à l’EPFL en 1995 pour effectuer un postdoc, «j’y suis finalement resté quelques années de plus», indique en riant celui qui a été désigné meilleur enseignant 2023 de la section chimie et génie chimique (SCGC). A la base, le maître d’enseignement et de recherche est biologiste moléculaire. La chimie faisant de plus en plus appel à la biologie, c’est assez logiquement que la SCGC recrute des chercheuses, chercheurs, enseignantes et enseignants issus de cette seconde discipline.
«La biologie était la branche dans laquelle j’obtenais les meilleurs notes à l’école», se souvient le titulaire d’un doctorat de l’Université de Bâle. A la fin du gymnase, nourrissant le projet de devenir médecin, le jeune homme a tout naturellement opté pour des études de biologie. Une discipline qui lui a tellement plu «que j’ai renoncé à la médecine et ai poursuivi dans cette voie».
Le contact au centre
L’enseignement, Horst Pick s’y est frotté dès 2005. «J’ai vite réalisé qu’être un bon chercheur ne suffisait pas pour être un bon professeur; il a fallu créer une méthode, fixer des objectifs pédagogiques, élaborer un support de cours.» Relativement lourd au début, ce processus «est devenu chaque année plus facile, d’autant que je prenais de plus en plus de plaisir à enseigner.»
Le contact personnel figure au cœur de la philosophie de celui qui est responsable, entre autres, de trois modules dans le cadre du programme de Master «chemical engineering and biotechnology». Au début de chaque semestre, Horst Pick s’efforce de mémoriser les noms de ses étudiantes et étudiants, mais aussi de connaître leur niveau et leurs attentes afin d’adapter la matière. «Surtout, j’évite de faire de longues présentations, de m’écouter parler; les jeunes doivent être au centre, pas moi.»
Nourriture personnalisée
Au fil de ses presque vingt ans en tant qu’enseignant, le biologiste n’a pas été épargné par les défis. Sans surprise, la crise Covid-19 en a constitué un de taille. «Il a fallu questionner toute la méthodologie, me demander comment maintenir des cours résolument orientés vers la pratique alors qu’ils se déroulaient en ligne et surtout, comment conserver la proximité avec les étudiants.» Au final, «j’ai l’impression que la pandémie nous a plutôt rapprochés», se réjouit-il.
Un autre challenge auquel est confronté Horst Pick, c’est celui de la composition – hétérogène – de son auditoire. «Certes, les chimistes en constituent la majeure partie, mais plusieurs de mes cours sont aussi ouverts aux étudiants issus d’autres disciplines, notamment la microtechnique, le management, les sciences de la vie ou les matériaux.» Il s’agit alors de «bien comprendre et sentir ce dont chacun d’entre eux a besoin et de le ‘nourrir’ en conséquence.» En gardant toujours en tête deux éléments-clé: écoute et flexibilité.
Un pont entre académie et industrie
Horst Pick rappelle que la Suisse héberge plus de 300 entreprises actives dans les domaines de la pharma et de la biotech. «En terme d’emplois, cela représente environ 50'000 salariés», précise-t-il. Or, cette industrie, «dont l’impact économique est non négligeable pour notre pays», dépend de l’accès en suffisance à une main-d’œuvre hautement qualifiée. «L’un des buts de l’EPFL en tant que haute école technique – et de moi-même en tant qu’enseignant à l’EPFL – est de lui mettre à disposition ces talents.»
Le maître d’enseignement et de recherche ne ménage pas ses efforts pour jeter des ponts entre académie et industrie. «J’invite régulièrement des sociétés biotech – dont les activités sont en lien avec les sujets abordés en cours - à venir se présenter.» Pour les étudiantes et étudiants, le bénéfice est double. «D’une part, le contact direct avec l’industrie leur ouvre la voie à des stages, voire à des emplois; d’autre part, le fait de découvrir les applications concrètes de la matière étudiée leur permet de rester motivés.»
Biotech écologique
Observateur privilégié de l’évolution des priorités du corps estudiantin de l’EPFL ces deux dernières décennies, Horst Pick constate une sensibilité et un intérêt fortement accrus pour le climat. «Tous les enseignements touchant de près ou de loin aux questions environnementales sont très demandés.» Prenant acte, il réfléchit «à davantage orienter mes cours dans ce sens, axer sur la biotech à des fins écologiques.» Dans son laboratoire aussi, le chercheur planche sur des solutions contribuant à ménager notre planète. «Je participe notamment à un important projet de développement d’emballages en polymères à base de micro-algues.»