Etancher sa soif de savoir en étudiant la mousse de bière

© Getty

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Série d’été – travaux d’étudiants (6): Pour son travail de master, Pierre-François Conzelmann, étudiant en génie mécanique, a voulu comprendre comment se forment les bulles sortant en jet d’une bouteille de bière dont on a frappé le goulot. Il a étudié le phénomène grâce à une caméra ultra-rapide et en le comparant au cas de l’eau gazeuse.

Un coup sec sur le goulot d’une bouteille de bière, et la voilà qui déborde de mousse. Mais d’où viennent donc toutes ces bulles, qui n’existaient pas encore une fraction de seconde auparavant? Pierre-François Conzelmann, étudiant en génie mécanique spécialisé en aéro et hydrodynamique, a mené son travail de master sur le sujet. Le jeune chercheur a étudié le processus grâce à des expérimentations menées au Laboratoire de mécanique des fluides et instabilités (LFMI) avec une caméra ultra-rapide permettant d’enregistrer 35'000 images à la seconde. Il a également comparé les réactions de la bière avec celles de l’eau gazeuse.

De très petites bulles de gaz, pratiquement invisibles à l’œil nu, sont en réalité déjà présentes dans la bière avant le choc. «On les appelle des germes de cavitation, explique Pierre-François Conzelmann. Leurs origines ainsi que leur stabilité exceptionnelle n’est toujours pas complètement élucidé. Ils se logent également dans les micro fissures du verre ou s’accrochent à de très fines poussières, qui jouent ainsi le rôle de sites de nucléation, qui sont à l’origine des trains de bulle que l’on peut observer dans un verre de boisson gazeuse». Pour les expériences, l’étudiant a essayé de réduire le plus possible le nombre de ces sites en utilisant un récipient stérile. Il a ensuite créé artificiellement deux de ces sites sous la forme de deux minuscules entailles, afin de pouvoir observer et filmer les bulles qui s’y nichent.

Pierre-François Conzelmann

Le coup asséné sur l’embouchure du récipient génère une chute de pression dans le récipient. En la subissant, les micro-bulles grossissent, permettant au CO2 dissout dans la bière d’y pénétrer. Rapidement, elles atteignent un point limite, finissent par imploser et se scindent alors en des milliers de nouvelles petites bulles. Celles-ci grossissent à leur tour et montent d’autant plus vite à la surface. C’est le principe même de la cavitation, très étudié dans le domaine de la navigation. Le mouvement des hélices de bateau fait naître de nombreuses bulles, dont l’éclatement provoque autant de micro-jets qui accélèrent l’érosion des pièces métalliques.

Surface stabilisée

Le phénomène est le même pour l’eau gazeuse et pour la bière, souligne Pierre-François Conzelmann. Grâce à une balance de précision, il a pu établir que le liquide, quel qu’il soit, et dans des conditions similaires, perd 20 mg de gaz carbonique à chaque choc. «La différence, c’est que, dans l’eau, les petites bulles se regroupent très rapidement à nouveau en une plus grande, qui vient ensuite éclater à la surface. Tandis que dans la bière, la présence de surfactants empêche les petites bulles de fusionner.»

Les surfactants, ou tensioactifs, sont des molécules dites amphiphiles - ayant une partie hydrophile et une autre hydrophobe. Elles stabilisent la tension de surface de chacune des bulles, qui sont ainsi maintenues et forment un nuage compact. Cette densité, couplée avec la forte pression qu’exerce le gaz carbonique vers le haut de la bouteille, explique que le moindre choc expulse en général une grande quantité de mousse.