Energie géothermique : et si on innovait ?

© 2015 EPFL – Alexandre Gonzalez

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Brice Lecampion a rejoint l’ENAC en juin dernier apportant dans ses bagages sa large expertise en mécanique des roches. Au sein de la Faculté, ses recherches vont se concentrer sur l’amélioration de la stimulation hydraulique et sur ses applications dans l’exploitation de l’énergie géothermique, la production de combustible fossile et le stockage du dioxyde de carbone.

Fort d’années d’expérience dans le secteur, Brice Lecampion a rejoint l’ENAC comme professeur assistant tenure track en juin. Dans son sillage, on trouve un éventail unique de compétences et d’expérience en ingénierie des puits profonds, particulièrement la fracturation hydraulique et la cimentation des puits. En prenant la tête du Laboratoire de géo-énergie (GEL) de l’ENAC, il va utiliser les simulations numériques et les expériences en labo pour étudier la propagation de fractures actionnées par un fluide dans un environnement souterrain. Il souhaite également repousser les limites du possible pour reproduire avec fidélité les propriétés structurelles des formations rocheuses.

« Après dix ans dans l’industrie, je suis enthousiaste à l’idée de revenir à la recherche académique, où l’on dispose de plus de temps pour se consacrer à des projets sur le long terme ! », se réjouit le scientifique. Après une formation de géophysicien et d’ingénieur mécanique à l’Université de Paris VI et à l’Ecole Polytechnique française, il a passé une décennie dans l’industrie comme chercheur et chef de projets visant à développer des nouvelles technologies pour stocker le CO2 ou encore produire des réservoirs à pétrole et à gaz non-classiques.

« Au sein de l’ENAC, mon travail se concentrera sur l’injection et l’extraction de fluides en vue d’une utilisation dans le domaine de la géo-énergie : captage de l’énergie géothermique, stockage géologique du dioxyde de carbone ou production de combustibles fossiles conventionnels », explique-t-il. Une bourse du Fonds national suisse pour la recherche scientifique lui permettra, dans un premier temps, de tenter de mieux comprendre la propagation des fractures dans les roches anisotropes. « Encore aujourd’hui, la fracturation hydraulique est étudiée comme un processus se déroulant dans un milieu isotrope, partant du principe que la directivité importe peu. En d’autres termes, quelle que soit la direction prise par les fissures, elles vont toujours se propager de la même manière. En réalité, la directivité est importante. Il est aujourd’hui problématique de ne disposer que de si peu de connaissances sur les changements induits dans un milieu anisotrope. »

Pouvoir mieux modéliser comment les fissures souterraines s’étendent lorsque l’on y injecte un fluide contribuera à garantir la sécurité de la fracturation hydraulique et à augmenter l’efficacité de l’approche. Dans le même temps, cela permettra également de guider le développement de nouvelles technologies, par exemple dans le domaine de l’extraction de l’énergie géothermique. « Pendant quarante ans, nous avons appliqué la même approche à l’exploitation de l’énergie géothermique profonde, sans effets probants : dans le monde jusqu’à maintenant, seule une poignée de projets sont économiquement viables », constate Brice Lecampion. Et d’ajouter : « Parfois, les projets conduisent à des tremblements de terre provoqués par l’eau qui est constamment injectée à une pression élevée dans les puits. »

« Il est temps d’essayer quelque chose de nouveau. Et si nous développions plutôt une approche basée sur une pression d’injection plus basse ? Pour cela, il faut préalablement créer un chemin pour les fluides en fracturant hydrauliquement la roche entre deux puits horizontaux parallèles », suggère Brice Lecampion. Avant de pouvoir mettre en place cette approche en Suisse ou dans les pays alentours, il faudra d’abord surmonter deux obstacles auxquels la technologie actuelle est confrontée : les température élevées rencontré quatre à cinq kilomètres sous la surface et la structure cristalline des roches. Mais en cas de succès, cela contribuerait à atteindre l’objectif de la Suisse de satisfaire 7% de ses besoins en électricité en utilisant l’énergie géothermique d’ici à 2050.

Brice Lecampion arrive à l’ENAC en même temps que Marie Violay, experte en recherche expérimentale pour le développement de l’exploitation d’énergie géothermique profonde. Celle-ci a récemment rejoint la Faculté en tant que professeure assistante tenure track en mécanique des roches experimentale. Aux côtés de Lyesse Laloui et de Jean-François Molinari, ils formeront un nouveau pôle d’expertise en géoingeniérie et en géomécanique.