Douze millions pour développer un Centre pour muscles artificiels
Une donation de la Fondation Werner Siemens va permettre à l’EPFL, en collaboration avec l’Inselspital, l’Hôpital universitaire de Berne, puis l’Hôpital universitaire de Zurich, de développer un Centre pour muscles artificiels. Le premier projet, planifié durant les quatre années à venir, consiste à développer un système d’assistance cardiaque moins invasif pour aider les cœurs en défaillance. Cette prothèse, un anneau autour de l’aorte, n’entre pas en contact avec le sang, évitant notamment les problèmes d’hémorragie et de thrombose. Dans une deuxième phase, un second projet de reconstruction faciale viendra s’ajouter, qui permettra de recréer des expressions faciales.
La défaillance cardiaque est la conséquence ultime de nombreuses maladies cardiaques. Dans cette situation, seule une greffe ou un système d’assistance complexe permet de sauver les patients. Pour aider l’organe dans sa fonction de pompe, des chercheurs du Laboratoire d’actionneurs intégrés (LAI) de l’EPFL à Microcity, à Neuchâtel, travaillent depuis quelque temps déjà sur un nouveau système d’assistance cardiaque moins invasif. Celui-ci consiste en un anneau autour de l’aorte, qui est commandé par un système à induction magnétique. Un projet qui a particulièrement séduit la Fondation Werner Siemens, qui vient d’attribuer douze millions à l’EPFL pour développer un Centre pour muscles artificiels (Center for artificial Muscles, CMA). « Par cette donation, nous espérons vivement contribuer à une réussite dans le domaine des maladies musculaires, ceci dans le cadre des recherches menées au Centre pour muscles artificiels de l'EPFL. Ce projet d’avant-garde et révolutionnaire correspond parfaitement aux critères choisis par la Fondation. », précise Hubert Keiber, président de cette dernière.
Un système moins invasif
Afin de développer le système d’assistance, le Laboratoire d’actionneurs intégrés d’Yves Perriard travaillera en étroite collaboration avec le chirurgien cardiaque Thierry Carrel, directeur et médecin-chef du Service universitaire de chirurgie cardio-vasculaire à l’Inselspital à Berne. « Notre système ne nécessitera plus d’intervention à l’intérieur du cœur. L’anneau placé autour de l’aorte et commandé par un système d’induction magnétique permettra d’aider le cœur à pomper. Cette méthode sera donc moins invasive que ce qui existe actuellement en matière d’assistance cardiaque », explique Yves Perriard, directeur du LAI à Neuchâtel.
Plus concrètement, le dispositif imaginé se compose d’une série d’anneaux, conçus dans un matériau appelé Dielectric Electro Active polymer (DEAP). Celui-ci a la propriété de se dilater lorsqu’un courant lui est appliqué et se contracte lorsqu’il est relâché. Ces réactions étant immédiates, elles offrent ainsi un mouvement de va-et-vient qu’il est possible de contrôler en temps réel. « Ce matériel a la particularité d’être incompressible, son volume reste constant. C’est donc sa surface qui va augmenter, stockant l’énergie transmise sous forme élastique », explique Jonathan Chavanne, doctorant au LAI en charge du développement des prototypes. En plaçant ces anneaux autour de l’aorte, le cœur pourrait ainsi être soutenu dans sa tâche de pompage.
Traiter le patient plus tôt
Les moyens mis à disposition par la Fondation Werner Siemens permettent de créer toute une équipe autour de ce Centre pour muscles artificiels : six personnes à plein temps – soit deux doctorants, deux post-doc et deux ingénieurs – s’attèleront à développer la technique. Viendront s’y adjoindre les compétences de Thierry Carrel, renommé chirurgien cardiaque. Son groupe de recherche auprès de l’ARTORG Center for Biomedical Engineering et la section de chirurgie expérimentelle du Department for BioMedical Engineering de l’Université de Berne apporteront une contribution significative au projet. Depuis plusieures années, le groupe cardiovasculaire de l’ARTORG travaille à des expériences de simulation dans le domaine de l’assistance circulatoire mécanique. Le développement de cette méthode moins invasive est un complément important aux possibilités actuelles de support des coeurs en défaillance.
Carrel suivra l’ensemble de la première étape, échelonnée sur quatre ans. Au terme de celle-ci, et uniquement après que les tests sur banc d’essai auront validé la technologie, le chirurgien implantera ce système chez des animaux. A l’issue de cette phase, les chercheurs sauront si la technologie est viable. Thierry Carrel y voit de nombreux avantages : « Pour le patient, cette technologie serait certainement moins invasive que les systèmes d’assistance cardiaque actuels car elle n’interfère pas directement avec le flux sanguin, ni les cellules sanguines. On peut ainsi imaginer l’utiliser à des stades plus précoces que les techniques actuelles et aider ainsi le cœur avant une défaillance terminale. » Président de l’EPFL, Martin Vetterli souligne : « C’est un projet prometteur, au croisement de l’ingénierie et de la médecine. Je suis particulièrement heureux des collaborations universitaires qu’il initie, notamment avec l’Inselspital .»
Après le cœur, l’expression faciale
Bien que déjà ambitieux, le projet ne s’arrêtera pas à l’assistance cardiaque. En effet, dans une deuxième et troisième phase, sur huit ans à partir de 2022, le Centre pour muscles artificiels développera d’autres volets dans différents domaines. Notamment un projet de sphincter urinaire et un projet de reconstruction de la musculature faciale, afin de redonner des expressions aux personnes victimes d’accidents (comme les grands brûlés). Ce dernier sera développé avec Nicole Lindenblatt, de la Clinique de chirurgie plastique et reconstructive de l’Hôpital universitaire de Zurich.