Développement de solutions durables pour la fonte des glaciers alpins

© Dominique Choffat RTS
Professeur Jérôme Chappellaz est récemment intervenu sur RTS - Radio Télévision Suisse pour présenter de nouvelles recherches sur la protection des glaciers alpins. Depuis le glacier du Rhône près du col de la Furka, il a expliqué comment fonctionnent les méthodes actuelles, et pourquoi elles doivent être améliorées.
Le problème des méthodes de protection actuelles
Depuis près de 20 ans, des bâches géotextiles blanches sont placées sur certaines parties du glacier du Rhône pour ralentir la fonte autour de la grotte de glace, très prisée des touristes. Bien que ces bâches fonctionnent efficacement au niveau local en réfléchissant l'énergie solaire vers l'espace—un phénomène connu sous le nom d'effet d'albédo—elles créent un problème environnemental : elles libèrent des microplastiques dans l'eau de fonte qui s'écoule dans les cours d'eau et finit par rejoindre le Rhône.
La science derrière la protection des glaciers est simple. Lorsque la surface d'un glacier est sombre, elle absorbe l'énergie solaire comme une surface noire, accélérant la fonte. Lorsque la surface est blanche, l'énergie solaire est réfléchie vers l'espace, réduisant la fonte.
C'est comme lorsque vous mettez un pull supplémentaire : la chaleur de votre corps ne peut plus s'évacuer et votre température corporelle augmente. C'est la même chose avec la Terre : nous ajoutons des gaz à effet de serre qui piègent la chaleur
L'approche la plus directe consiste à restaurer les propriétés réfléchissantes du glacier grâce à des couvertures protectrices blanches. Cependant, cette méthode n'est pas durable sur le plan environnemental.
Nous devions trouver une meilleure solution. Ces bâches sont efficaces mais elles ne sont pas respectueuses de l'environnement », déclare Chappellaz, qui participe au « Programme de gestion des glaciers
Une nouvelle approche : le Programme de gestion des glaciers
Les professeurs Tom Battin et Jérôme Chappellaz de l'EPFL ont lancé le « Glacier Stewardship Program» en partenariat avec l'ETH Zurich et l'Université d'Innsbruck. Ce programme explore les matériaux et approches qui pourraient protéger les glaciers sans nuire à l'environnement.
La recherche la plus prometteuse se concentre sur le développement de biomatériaux qui seraient transformés à l'échelle moléculaire de manière à ce que, lorsqu'ils sont présents à la surface, ils aient cette couleur extrêmement blanche, et lorsqu'ils se dégradent, ils n'impactent pas l'environnement.
Cette approche novatrice pourrait fournir les propriétés réfléchissantes nécessaires à la protection des glaciers tout en étant complètement biodégradable, résolvant ainsi le problème de pollution par les microplastiques des couvertures actuelles.
La réalité des coûts et de l'échelle
Une étude de Mathias Huss et al. a révélé ce qu'il en coûterait de protéger les glaciers à grande échelle. Les chiffres sont vertigineux : couvrir les principaux glaciers suisses nécessiterait environ 1,4 milliard de francs suisses chaque année—et ne pourrait toujours pas arrêter le recul glaciaire.
Actuellement, les stations de ski et les sites touristiques investissent jusqu'à 200 000 francs par an pour protéger de petites zones glaciaires cruciales pour leurs activités. La motivation économique est claire, mais le coût environnemental a été négligé jusqu'à présent.
La vision d'ensemble
Tout en développant de meilleures méthodes de protection, Chappellaz souligne que la technologie seule n'est pas la solution.
Rien ne remplacera la réduction des émissions de CO2 si nous voulons ralentir la perte de nos glaciers. Aucune technologie ne peut protéger les 230 000 glaciers de montagne dans le monde
La recherche montre que la protection ciblée et locale des glaciers a du sens pour des besoins spécifiques—comme maintenir les pistes de ski en fonctionnement ou préserver les attractions touristiques. Mais sauver les glaciers dans leur ensemble nécessite une action mondiale sur le changement climatique.
Perspectives d'avenir
Le Programme de gestion des glaciers vise à développer des alternatives durables aux couvertures glaciaires actuelles. L'équipe explorera diverses options par le biais de la science des matériaux pour fournir des solutions aux endroits où la protection des glaciers est déjà pratiquée ou nécessaire pour des raisons de sécurité.
Une autre exigence cruciale pour ces nouveaux matériaux est leur rapport coût-efficacité.
Évidemment, le coût de ces matériaux ne devrait pas être si élevé qu'il vaudrait mieux investir cet argent dans la décarbonation de nos sociétés
Cette recherche représente une approche pragmatique pour gagner du temps pour les glaciers individuels pendant que le monde travaille sur le défi plus large du changement climatique.
Le reportage de la RTS sur cette recherche a été diffusé en juillet, sensibilisant un public suisse plus large à ces découvertes.

Matthias Huss, Ursina Schwyn, Andreas Bauder, Daniel Farinotti,
Quantifying the overall effect of artificial glacier melt reduction in Switzerland, 2005–2019,
Cold Regions Science and Technology, Volume 184, n2021, 103237, ISSN 0165-232X,