Deux guides sur le chemin de la pleine conscience

Monique Brocard-Sacco et Xavier Gravend-Tirole. Credit: Alain Herzog | 2022 EPFL

Monique Brocard-Sacco et Xavier Gravend-Tirole. Credit: Alain Herzog | 2022 EPFL

A l'EPFL, Monique Borcard-Sacco et Xavier Gravend-Tirole pratiquent des approches différentes de la méditation mais poursuivent le même but : un plus grand bien-être et une meilleure santé mentale pour les personnes qu’ils embarquent dans ce voyage intérieur.

L’une est psychologue de formation, l’autre théologien. La première évoque la pleine conscience comme un « outil à l’avant-garde » ; le second puise ses références dans des philosophies et religions millénaires, notamment orientales. Tous les deux sont atypiques dans leur genre : Monique Borcard-Sacco, qui travaille depuis 25 ans à l’EPFL, fonctionne à 50% comme assistante administrative dans un labo alors qu’elle a publié en parallèle deux livres de psychologie positive. Xavier Gravend-Tirole est l’aumônier catholique de l’EPFL mais n’a rien de l’image qu’on se fait d’un homme d’église ; grand bourlingueur, il a fait sa thèse sur le dialogue interreligieux.

Une fois par semaine, tous les deux emmènent des volontaires dans une plongée au centre de leur corps. Monique les mardis lors des Sessions du Centre Sport et Santé réservées aux membres de l’EPFL grâce au soutien de la Direction de la sécurité et de l’exploitation (DSE) et de l’unité Durabilité. Xavier les mercredis à la Géode, lieu de recueillement pour toute la communauté EPFL, où il offre ce service depuis son arrivée à l’EPFL en 2014. Dans les deux cas, la pause de midi est privilégiée. « Cela force à arrêter, à faire le point », souligne Xavier. Dans les deux cas aussi, il est possible de suivre la séance en visioconférence. « Avec ce qu’on vit dans le cadre de cette pandémie, on est beaucoup face à soi », relève Monique. La méditation apporte des ressources précieuses pour faire face aux difficultés de notre époque, estiment les deux professionnels.

Leur technique diffère légèrement : la psychologue utilise beaucoup la voix dans sa guidance ; l’aumônier laisse davantage de place au silence après la partie introductive. Tous les deux aiment cependant donner un thème ou une coloration à chacune de leurs séances, d’une durée de 30 minutes : la bienveillance, la patience, la gratitude, etc.

Prouvé par la recherche en neurosciences

Sans pleine conscience, que se passe-t-il ? « Si on est en pilote automatique, cela laisse libre cours au cerveau reptilien qui va nous mettre sur la défensive et automatiquement nous entraîner vers l’autocritique, ce qui baisse notre énergie vitale et nos défenses immunitaires. Avec le perfectionnisme ambiant, cette injonction à toujours devoir être le ou la meilleure, cela peut augmenter l’impact des émotions pénibles, entraîner des maladies psychosomatiques, des dépressions, des burnout, etc.», explique Monique Borcard.

La méditation nous rend non seulement meilleurs au travail, mais meilleurs comme conjoints et comme parents.

Monique Borcard-Sacco, psychologue

Pour la psychologue, plus de bienveillance envers soi-même, loin de faire de nous des flemmards, nous motiverait à nous améliorer, un constat qu’elle dit prouvé par la recherche en neurosciences. « Cela nous rend non seulement meilleurs au travail, mais meilleurs comme conjoints et comme parents », assure-t-elle, surtout dans un environnement tel que l’EPFL où la surcharge mentale et cognitive est énorme.

Déconstruire la culture de l’excellence

Xavier Gravend-Tirole partage cet avis, et met aussi en garde contre une idéalisation de la pratique. « A l’EPFL on est dans cette culture de l’excellence. Beaucoup dans l’esprit et peu dans le corps. Or il faut déconstruire cette architecture de la performance, y compris dans la méditation. Le but n’est pas une "bonne" méditation, mais simplement de marcher vers l’unité intérieure et la conscience. Les chemins sont d’ailleurs multiples pour y arriver. Ce qu’il faut, c’est se désencombrer de ce qui s’est accumulé au fil des ans. Regardez comment les enfants sont connectés au plus profond d’eux-mêmes. Le travail, c’est de refaire ce chemin à l’intérieur de soi, et pour moi la méditation est la voie royale. »

L’aumônier ajoute : « Je dis souvent aux étudiants que ce n’est pas quand on gagne à la loterie, ou quand on finit ses études, ou encore quand on rencontre l’amour de sa vie, que tout d’un coup, hop, cette joie et cette paix sont là. Ça, c’est fugace et ça passe. Le travail de la méditation, c’est retrouver cette paix profonde déjà là en nous, qui n’est pas affectée par les émotions ou les événements. »

Seulement 10% de notre bonheur dépend ainsi de l’extérieur, assure également Monique Borcard, citant les recherches de Kennon Sheldon et Sonja Lyubomirsky, deux psychologues américains qu’elle cite dans son premier livre de vulgarisation paru en 2011, Psycho positive : Mode d’emploi.

Contre l’éco-anxiété

Pour nos deux guides vers la pleine conscience, le contact avec le corps étudiant et le côté international de la communauté EPFL sont des sources d’émerveillement permanent et donnent du sens à leur mission. Mère de deux jeunes adultes, la psychologue compare la nouvelle génération avec les précédentes et remarque que si les jeunes ont toujours eu des idéaux, maintenant ils souffrent surtout d’éco-anxiété. Elle regrette qu’on enseigne aux enfants l’importance de l’hygiène corporelle sans s’intéresser à l’aspect émotionnel. « Avec plus d’hygiène mentale, nous arrêterions de nous jeter les uns sur les autres au moindre problème ! »

La méditation a aussi une valeur politique. Vouloir être heureux est un geste politique qu’on peut faire pour le mieux-être de la planète.

Xavier Gravend-Tirole, aumônier

Xavier Gravend-Tirole, père de deux enfants en bas âge, voit une vertu supplémentaire à la pleine conscience : « La méditation a aussi une valeur politique. Vouloir être heureux est un geste politique qu’on peut faire pour le mieux-être de la planète. Ce n’est pas égoïste de méditer, c’est une manière de ralentir par rapport à la frénésie, à la surconsommation et au productivisme. Et donc la méditation est une autre manière personnelle - comme de fermer le robinet ou d’éteindre la lumière - de faire du bien à l’environnement ! »

Pour en savoir plus :

https://www.epfl.ch/about/sustainability/fr/bien-etre-et-hygiene-mentale-a-lepfl/

https://www.epfl.ch/campus/spiritual-care/activites/meditation/


Auteur: Emmanuelle Marendaz Colle

Source: Vice-présidence pour la transformation responsable (VPT)

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