Des vers magnétiques pour les communications à l'échelle nanométrique

Le Professeur D. Grundler et le doctorant S. Watanabe devant le dispositif de spectroscopie à micro-ondes. © 2020 EPFL / Alain Herzog

Le Professeur D. Grundler et le doctorant S. Watanabe devant le dispositif de spectroscopie à micro-ondes. © 2020 EPFL / Alain Herzog

Des chercheurs de l’EPFL ont démontré que lorsque des ondes électromagnétiques se propagent dans des arrangements de matériaux bien précis, les quasi-cristaux ferromagnétiques artificiels, cela permet un transport et un traitement de l’information plus efficace à l’échelle nanométrique. Ils ont aussi matérialisé un concept mathématique resté jusque-là théorique, les vers de Conway

Les ondes électromagnétiques à haute fréquence, utilisées pour la transmission et le traitement d’informations dans la microélectronique, par exemple pour le fonctionnement de nos téléphones portables, peuvent être réduites grâce à des oscillations magnétiques, ou magnons. Cette compression laisserait envisager la fabrication des dispositifs de micro-onde à l’échelle du nanomètre, multifonctionnels et avec une empreinte carbone considérablement plus faible. Mais avant que de tels objets ne voient le jour, les scientifiques devront d’abord mieux comprendre «l’onde de spin», à savoir la façon exacte dont les magnons se comportent et la propagation des ondes dans différents arrangements de matériaux.

Des structures non-périodiques encore mal connues

C’est dans cette optique que le doctorant Sho Watanabe, le Dr Vinayak Bhat et leurs collègues du Laboratoire des matériaux magnétiques nanostructurés et magnoniques (LMGN) se sont intéressés à la façon dont les ondes électromagnétiques se propagent et peuvent être manipulées dans des arrangements bien spécifiques de nanomatériaux : les quasi-cristaux ferromagnétiques artificiels. La spécificité des quasi-cristaux est d’avoir une structure apériodique, c’est-à-dire que la position des atomes ou des éléments artificiels qui les composent ne se répète pas de manière régulière, mais est arrangée de manière déterministe. Si cette particularité leur donne des propriétés très intéressantes, pour la fabrication des objets du quotidien ou de haute-technologie, elle est aussi encore mal connue.

Simplifier et accélérer la transmission d’informations

Les scientifiques du LMGN ont observé qu’en diffusant et en contrôlant une seule onde électromagnétique dans une telle structure, celle-ci se divise en plusieurs ondes de spin, qui se propagent dans le quasi-cristal. Chacune de ces ondes représente une phase différente de la première onde électromagnétique, et encode des informations différentes. « C’est très intéressant, car actuellement, la transmission d’information fonctionne déjà sur le même principe » indique Dirk Grundler, Professeur à la Faculté des Sciences et Techniques de l’Ingénieur. «Sauf que pour le moment, le signal initial ne se divise pas tout seul, comme c’est le cas ici. Il faut utiliser un appareil additionnel, un démultiplexeur.»

Le chercheur ajoute également que dans les dispositifs conventionnels, il faut aussi changer de fréquence pour lire les informations contenues par chacune des ondes, ce qui n’est pas le cas dans cette étude. «Dans les quasi-cristaux bidimensionnels que nous avons créés, toutes les ondes sont accessibles sur la même fréquence», souligne Dirk Grundler. Ces résultats ont été publié dans le journalAdvanced Functional Materials.

Des ondes qui se propagent comme des vers

En plus de ces résultats, les chercheurs se sont également aperçus que les ondes ne se propagent pas de façon aléatoire, mais souvent selon un modèle bien connu, « les vers de Conway » (ou Conway worms), du mathématicien John Horton Conway. Le britannique est notamment l’auteur d’une approche modélisant le comportement et les déplacements de vers préhistorique pour se nourrir. Dans les quasi-cristaux bidimensionnels, il a identifié des séries d’éléments se propageant comme des vers le long des suites de Fibonacci, c’est-à-dire des quasi-cristaux unidimensionnels sélectionnés. « Notre étude matérialise donc pour la première fois ce concept de Conway, et démontre qu’il définit certaines propriétés des ondes dans un quasi-cristal», conclut le Professeur Dirk Grundler.

Financement

Cette étude a reçu le financement du SNF, projet 163016 « Reprogrammable magnonics based on periodic and aperiodic ferromagnetic nanostructures ». Les scientifiques remercient le Centre EPFL de MicroNanoTechnologie (Cmi).

Références

Lien vers l’article : https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/adfm.202001388

S. Watanabe, V. S. Bhat, K. Baumgaertl, D. Grundler. Direct Observation of Worm‐Like Nanochannels and Emergent Magnon Motifs in Artificial Ferromagnetic Quasicrystals. Advanced Functional Materials, 15 July 2020


Auteur: Clara Marc

Source: EPFL