Des résidus d'orge pour diminuer le sucre dans les aliments
Réduire le sucre dans les aliments grâce aux dérivés d’orge issus de la fabrication de la bière : une spin-off de l’EPFL, Embion Technologies, a mis au point une poudre de fibres solubles qui permet de diminuer le saccharose dans une vaste palette de produits. Ces résidus de brasserie auraient même un effet bénéfique sur le taux de cholestérol et les maladies cardio-vasculaires.
Le sucre n’a pas la cote. Taxes, lois, professionnels de la santé, tout pousse les industriels à chercher ardemment le meilleur moyen de le remplacer. Une poudre de fibres solubles issue des dérivés d’orge après la fabrication de la bière pourrait rapidement y contribuer. Obtenu grâce à un processus développé par Embion Technologies, une spin-off de l’EPFL, ce produit permet de combler la différence de poids et de volume entre le saccharose et des édulcorants naturels tel que la stévia, dont le pouvoir édulcorant est beaucoup plus important que celui du sucre. Il intéresse d’ores et déjà plusieurs grands groupes de l’industrie agroalimentaire.
Des dérivés de l’amidon comme la maltodextrine ou le dextrose sont actuellement utilisés par les industriels pour combler la différence de volume entre le sucre (de betterave ou de canne) et ses remplaçants. Ils présentent cependant le gros défaut de faire monter le taux de sucre dans le sang. « Ces pics peuvent provoquer à long terme une résistance à l'insuline source d’obésité, d’hypertension ou encore de diabète de type 2 », souligne Georgios Savoglidis, CEO de la spin-off. Les fibres solubles, les bêta-glucanes, obtenues grâce à un procédé mis au point à l’EPFL et développé par la start-up du parc de l’innovation, présentent deux gros avantages : un goût neutre et un effet bénéfique sur la santé. Diverses études ont en effet mis en évidence que ces oligosaccharides ont un effet positif sur la baisse du taux de cholestérol et de sucre dans le sang, et sur le risque de maladies cardio-vasculaires.
Une manière de valoriser 50% du poids des dérivés d’orge
La transformation de la cellulose, dont toutes les plantes regorgent, en bêta-glucane, en est encore à ses balbutiements. « Notre processus est le premier qui soit à la fois robuste et efficace. Cela permet à ce produit d’arriver sur le marché de l’alimentation avec des prix concurrentiels », souligne Giorgios Savoglidis. Ce procédé, protégé par un brevet, réduit précisément les polysaccharides de la cellulose en oligosaccharides de trois ou quatre molécules. Il permet d’extraire sous forme de poudre la moitié du poids des résidus d’orge, trente fois plus rapidement que les autres procédés développés jusqu’à maintenant. La méthode ne nécessite qu’une seule étape et peu d’énergie puisqu’elle se fait à une température et une pression modérées.
L’orge, outre les propriétés bénéfiques de ses fibres, a l’avantage d’avoir une teneur très élevée en cellulose. Elle peut constituer jusqu’à 30% du poids de ses résidus après le brassage, selon la recette de fabrication de la bière et de la qualité de la plante elle-même. D’autre part, les quantités de matière première disponibles sont loin d’être insignifiantes. Chaque année, près de 200 millions de tonnes de bière sont produites, dont plus de 20% dans l’Union Européenne (d’après la FAO, Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture). Les résidus qui restent une fois le breuvage terminé représentent environ 20% de ce poids. Rien qu’en Suisse, près de 80’000 tonnes de bière sont produites annuellement. Des filières de valorisation, sous forme de farine, notamment pour l’alimentation humaine et animale, existent déjà, mais elles sont loin d’exploiter toute la production.
Des fibres bénéfiques pour le microbiome
Cette valorisation des résidus pourrait ainsi permettre à l’industrie d’éliminer les effets négatifs du sucre sans utiliser d’additifs chimiques. Pour le CEO, ce que beaucoup considèrent aujourd’hui comme des dérivés sans valeur ont un grand potentiel. «Il est temps de repenser la manière dont nous utilisons les ressources de notre planète », souligne-t-il.
Cette poudre de bêta-glucane extraite de l’orge aide également à reconstituer ou entretenir la bonne santé du microbiome intestinal. Ces bêta-glucanes sont en effet des prébiotiques susceptibles d’améliorer l’efficacité des bactéries probiotiques présentes dans certains aliments enrichis. «La technologie d’Embion peut être adaptée pour extraire des prébiotiques à partir d’une large gamme de ressources naturelles », ajoute Georgios Savoglidis. La start-up suscite également l’intérêt de groupes actifs dans le marché en expansion des prébiotiques et du microbiome.
Un procédé vert aux multiples débouchés
Alors que le processus Embion est reproductible de nombreuses fois sans perte d’efficacité, la biomasse restante contient encore de la lignine, des protéines, et des huiles qui pourront être valorisées à leur tour. « Notre objectif est non seulement de valoriser, grâce à notre procédé, différents dérivés de l’agriculture, mais également de le faire de la manière la moins polluante possible », note le CEO, dont la société fait partie du programme d’accélération Climate-KIC destiné aux technologies qui atténuent les effets du changement climatique. La méthode de la start-up permet de sélectionner les divers éléments à extraire et de les libérer soit en mode continu, soit par lot. Il est ainsi également possible d’extraire rapidement avec le même mode opératoire d’autres composés pour l’alimentation, la cosmétique, la pharmacie ou même pour la fabrication du PEF, un matériau écologique qui pourrait remplacer le PET pour l’emballage des aliments.
(*)https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0733521016304970
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0963996914002701