Des paysages hétérogènes pour renaturer les cours d'eau
Une étude interdisciplinaire entre ingénieries civile et environnementale donne des recommandations concrètes pour favoriser la résilience de la vie microbienne dans les cours d’eau en Suisse.
Une collaboration entre trois laboratoires de la Faculté de l’Environnement naturel, architectural et construit (ENAC) souligne l’importance de conserver une hétérogénéité spatiale dans les ruisseaux afin de garantir le rétablissement de la vie microbienne après une perturbation majeure (crue, tempête, etc.). Cette vie microbienne constituée de biofilms avec des algues et des bactéries rend des services fondamentaux aux écosystèmes des ruisseaux: elle en purifie l’eau en recyclant le carbone et les nutriments, comme l’azote.
Cette recherche, parue dans Biology Letters, vise à donner des recommandations aux personnes en charge de renaturer les cours d’eau en Suisse après la survenue de tels événements pour garantir le redéploiement et la résilience des biofilms. L’étude provient d’une collaboration de chercheurs du Laboratoire de recherche en biofilms et écosystèmes fluviaux (SBER), du Laboratoire d’Ecohydrologie (ECHO) et du Laboratoire de constructions hydrauliques (LCH).
De plus en plus altérés
«La présence de barrages entraîne l’homogénéisation des lits des ruisseaux et rivières car ces ouvrages coupent le transport de grands sédiments en aval», explique Tom Battin, professeur ordinaire et directeur du SBER. «On se demande souvent comment restaurer ces cours d’eau. Cette étude montre qu’il est important de diversifier activement et de manière ciblée les ‘paysages’ des sediments pour le bien de la vie microbienne et son bon fonctionnement». Une pratique qui devrait être renforcée notamment parce que les ruisseaux sont de plus en plus altérés par le changement climatique, qui favorise l’alternance entre les périodes de sècheresses et de fortes pluies.
Cette étude met en valeur l’utilité de canaux d’expérimentation pour les recherches à l’interface de l’écologie microbienne et de l’hydraulique. Grâce à un tel canal présent sur le site de l’EPFL, les chercheurs ont en effet pu tester l’effet de l’hétérogénéité environnementale sur la dynamique des biofilms. Dans ce but, ils ont utilisé une technique satellitaire pour photographier et cartographier dans le temps le comportement et le développement des biofilms, en comparant le cas d’un lit de rivière homogène à celui d’un lit de rivière hétérogène.
Favoriser les refuges
En traitant des millions de données, les chercheurs ont ainsi observé que la variation du ‘paysage’ du lit d’une rivière aidait à la survie les biofilms. Les grosses pierres et les vallons servent en effet de refuges aux microbes durant les crues et de points de redéploiement pour recoloniser la rivière une fois la perturbation passée.
Le Laboratoire LCH, basé en génie civil, a fourni des données relatives à l’hydraulique à une échelle pertinente pour la vie microbienne dans les types de paysages homogènes et hétérogènes. Le Laboratoire SBER, basé en ingénierie de l’environnement, a partagé ses connaissances sur le développement des biofilms et le Laboratoire ECHO, aussi en environnement, a modélisé des données pour comprendre le déploiement des biofilms après une crue.
«Cette étude a vu le jour grâce à la mise en commun de l’expertise de trois laboratoires, commente Tom Battin. Elle montre bien ce que nous pouvons accomplir à l’ENAC en matière de recherche fondamentale, tout en ayant un caractère appliqué et en travaillant de manière interdisciplinaire».