Des oscillateurs quantiques macroscopiques vibrant à l'unisson
Des scientifiques de l’EPFL ont réussi à induire un comportement quantique collectif d’oscillateurs mécaniques macroscopiques, offrant ainsi de nouvelles perspectives dans le domaine de la technologie quantique.
Les technologies quantiques transforment radicalement notre compréhension de l’Univers. Les oscillateurs mécaniques macroscopiques, indispensables dans les montres à quartz, les téléphones portables et les lasers utilisés dans les télécommunications, constituent une technologie émergente. Dans le domaine quantique, les oscillateurs macroscopiques pourraient permettre de créer des capteurs ultrasensibles et des composants pour l’informatique quantique, ouvrant ainsi de nouvelles possibilités d’innovation dans diverses industries.
Le contrôle d’oscillateurs mécaniques au niveau quantique est essentiel pour le développement des technologies de demain en informatique quantique et en détection de haute précision. Néanmoins, il reste difficile de les contrôler collectivement car cela nécessite des unités presque parfaites, c'est-à-dire identiques.
La plupart des recherches en optomécanique quantique se sont concentrées sur des oscillateurs simples, mettant en évidence des phénomènes quantiques tels que le refroidissement de l’état fondamental et la compression quantique. Il reste toutefois à observer ces phénomènes quantiques sur des ensembles d’oscillateurs se comportant collectivement. Bien que ces dynamiques collectives soient essentielles pour créer des systèmes quantiques plus performants, elles exigent un contrôle extrêmement précis de plusieurs oscillateurs aux propriétés quasi identiques.
Des scientifiques de l’EPFL sous la direction de Tobias Kippenberg ont désormais atteint un objectif de longue date : ils ont réussi à préparer six oscillateurs mécaniques dans un état collectif avant de confirmer leur comportement quantique et de mesurer des phénomènes qui n’apparaissent que lorsque les oscillateurs agissent en tant que groupe. Publiée dans la revue Science, cette recherche marque une avancée significative pour les technologies quantiques, ouvrant la voie aux systèmes quantiques à grande échelle.
« Cette expérience est rendue possible par le désordre extrêmement faible des fréquences mécaniques dans le circuit supraconducteur choisi, atteignant des niveaux aussi bas que 0,1 % », explique Mahdi Chegnizadeh, premier auteur de l’étude. « C’est cette précision qui a permis aux oscillateurs d’entrer dans un état collectif avec un comportement bien distinct des composants indépendants. »
Pour observer ces effets quantiques, les scientifiques ont utilisé le refroidissement par bande latérale. Il s’agit d’une technique qui réduit l’énergie des oscillateurs à leur état fondamental quantique, l’énergie la plus faible possible permise par la mécanique quantique.
Le refroidissement par bande latérale consiste à diriger une onde électromagnétique cohérente vers un oscillateur, en la réglant légèrement en dessous de la fréquence naturelle de l’oscillateur. L’onde interagit avec le système vibrant de manière à en soustraire l’énergie. Ce processus est crucial pour l’observation des effets quantiques sensibles, car il réduit les vibrations thermiques et rapproche le système du zéro absolu.
En augmentant le couplage entre la cavité hyperfréquence et les oscillateurs, le système passe de la dynamique individuelle à la dynamique collective. « Plus intéressant encore, en préparant le mode collectif dans son état quantique fondamental, nous avons observé une asymétrie de bande latérale quantique, caractéristique du mouvement collectif quantique. Généralement, le mouvement quantique se limite à un seul objet mais, ici, il couvre l’ensemble du système d’oscillateurs », indique Marco Scigliuzzo, co-auteur de l’étude.
Les chercheurs ont également observé des vitesses de refroidissement accrues et l’émergence de modes mécaniques « sombres », c’est-à-dire des modes qui n’interagissent pas avec la cavité du système et conservent une énergie plus élevée.
Les résultats confirment expérimentalement les théories sur le comportement quantique collectif des systèmes mécaniques et ouvrent de nouvelles possibilités d’exploration des états quantiques. Ils ont également des implications majeures pour l’avenir des technologies quantiques, car la capacité de contrôler le mouvement quantique collectif des systèmes mécaniques pourrait aboutir à des avancées dans la détection quantique et la génération d’intrication multipartite.
Tous les dispositifs ont été fabriqués au Centre de MicroNanoTechnologie (CMi) de l’EPFL.
Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS)
Conseil Européen de la Recherche (CER)
Centre des sciences et ingeniere quantiques de l’EPFL
Mahdi Chegnizadeh, Marco Scigliuzzo, Amir Youssefi, Shingo Kono, Evgenii Guzovskii, Tobias J. Kippenberg. Quantum collective motion of macroscopic mechanical oscillators. Science 20 December 2024. DOI: 10.1126/science.adr8187