Des managers de l'EPFL testent et adoptent les séances en mouvement

Le groupe de testeurs © 2025 EPFL Gaëlle Gander
Une douzaine de responsables d’unité ont accepté de promouvoir les réunions en plein air après avoir fait l’exercice et écouté deux témoignages sur les bienfaits – parfois inattendus – de la démarche.
Les moments de crise font parfois émerger des solutions bienfaitrices. C’est ce que l’on constate en écoutant Volker Gass, directeur des Initiatives stratégiques à la Vice-présidence pour l’innovation (VPI), et Marie-Claude Cialente, cheffe du Service des affaires estudiantines à la Vice-présidence académique (VPA). Ces deux responsables ont été invités, un matin radieux de novembre 2025, à partager leur expérience des séances en mouvement avec un groupe d’autres responsables réunis pour l’occasion par Albertine Kolendowska, cheffe de projet en charge des questions de santé mentale à la Vice-présidence pour le développement humain (VPH), domaine Bien-être et Inclusion (WINC).
Pour Volker Gass, tout est parti de la période Covid, en 2021, au moment de l’arrivée d’une nouvelle vice-présidente qui devait prendre ses marques. «Tout le monde en avait ras le bol des Zooms et nous avions besoin de prendre du recul. Alors j’ai proposé à Ursula Oesterle de sortir marcher, puisque nous ne pouvions pas faire de réunions en présentiel. Nous avons pu ainsi expérimenter les nombreux avantages de cette méthode de réunion : cela permet de sortir du cadre, de prendre un moment sans être dérangé, avec un temps entièrement dédié à l’autre et une place pour un point de vue plus émotionnel. Les choses importantes qui sont discutées, on s’en rappelle, et on peut toujours ensuite prendre quelques notes pour en garder une trace. Quand on est côte à côte, on peut mettre la distance physique que l’on souhaite, on n’est pas les yeux dans les yeux, cela peut aider certaines discussions qui seraient plus difficiles en face à face. L’avantage est aussi que personne d’autre n’entend. On ne peut pas non plus claquer la porte. C’est un espace neutre, infini car à l’extérieur, tout en étant protégé.»
Neutralité et confidentialité
Marie-Claude Cialente a de son côté depuis longtemps l’habitude de pratiquer les réunions en mouvement. «J’ai commencé à l’époque où j’étais encore fumeuse: quand quelqu’un dans mon équipe n’allait pas bien, je lui proposais de sortir prendre l’air avec moi. Cela aide à voir les choses sous un autre angle et à être moins focalisés sur le problème. De plus, se retrouver en extérieur multiplie les canaux sensoriels et permet une meilleure mémorisation. Être hors du bureau crée aussi une certaine neutralité. J’ai poursuivi cette pratique depuis que je travaille à l’EPFL, aussi parce que je ne suis pas seule dans mon bureau. La confidentialité des échanges est ainsi préservée.»
Se retrouver en extérieur multiplie les canaux sensoriels et permet une meilleure mémorisation. Être hors du bureau crée aussi une certaine neutralité.
Invité·es à une heure de réunion pour tester la formule sur un itinéraire spécialement prévu à cet effet, les autres managers présent·es, issu·es de différentes vice-présidences, ont écouté avec intérêt ces deux témoignages. Avant de se mettre en mouvement, elles et ils ont pu bénéficier en plus de quelques conseils de Gaëlle Gander, coach au Service Sport Santé UNIL+EPFL: d’abord pour réveiller leur corps en ce début de matinée avec des étirements; puis, plus tard sur le parcours, pour favoriser leur cohérence cardiaque avec des exercices de respiration.
Pendant la marche, les participantes et participants avaient pour consigne de réfléchir en binôme aux bienfaits potentiels des réunions mobiles, aux freins et leviers, ainsi qu’aux manières d’implémenter cette pratique au sein de leurs équipes. Dès l’introduction, il a été clairement établi que ce type de réunion convient surtout à des petits groupes de deux à trois personnes, mais n’est pas indiqué pour de plus larges audiences.
Bienfaits, freins et leviers
Les discussions des six binômes de managers sont allées bon train, avec à trois arrêts un moment d’échange pour partager leurs réflexions avec le reste du groupe.
Concernant les bienfaits, les participantes et participants ont relevé que cette pratique convient bien aux brainstormings et aux prises de décision, en stimulant l’écoute et la créativité. Le fait de marcher côte à côte permet de mieux réfléchir en laissant une place aux silences, qui paraîtraient moins naturels dans un espace clos. Plusieurs personnes étaient d’accord sur le fait que ce type de réunion permet de mener des discussions plus profondes et authentiques, et d’aborder plus facilement les questions délicates. Mais attention, a averti Volker Gass: "Il ne faut pas attendre qu’il y ait des problèmes pour mettre en place ce système. Au contraire, mieux vaut initier cette habitude quand tout va bien pour instaurer la confiance."
Il ne faut pas attendre qu’il y ait des problèmes pour mettre en place ce système. Au contraire, mieux vaut initier cette habitude quand tout va bien pour instaurer la confiance.
Parmi les freins, il a été évoqué que le fait de voir deux personnes se promener ensemble sur le campus pendant les heures de travail pourrait être mal compris par des témoins potentiels, et prêter ainsi le flanc à la critique ou à la curiosité. D’où l’importance de faire connaître la pratique et d’y accorder une légitimité officielle par l’institution. Et d’où l’intérêt de suivre des itinéraires qui sortent du campus pour les personnes qui souhaitent conserver une certaine discrétion, ou simplement pour éviter de croiser trop de monde, ce qui pourrait gêner la concentration.
Trois propositions de circuits
Les responsables ont pu prendre connaissance de trois propositions de circuits d’une durée de 45 à 60 minutes, concoctées par Alexandre Saint-Amour, chef de projet Mobilité et Espaces extérieurs au sein de la Vice-présidence pour les opérations (VPO): l’échappée lacustre, qui longe le lac à Saint-Sulpice; l’échappée buissonnière, qui contourne les champs et les terrains de foot près du Vortex au nord du campus; et l’échappée du Belvédère, qui part sur les hauteurs du village d’Ecublens à l’ouest.

Les managers présents ont mentionné l’importance d’arriver préparés à la réunion en plein air, avec un ordre du jour précis pour éviter de s’éparpiller, ainsi que la possibilité de prendre des notes vocales pour ne rien oublier. Le besoin d’anticiper les conditions météorologiques pour adapter son équipement a également été souligné: à ce propos, de bonnes chaussures sont recommandées pour un meilleur confort, ainsi qu’un parapluie par personne en cas de pluie, pour ne pas contraindre à trop de promiscuité.
Partis de l’avenue Piccard, en plein cœur du campus, les six binômes ont fait un arrêt sur la place Cosandey, puis un détour par les Estudiantines, les logements étudiants au sud du campus, avant de rejoindre la route Colladon, puis la Diagonale, pour arriver finalement près de la Coupole. Reconnaissant que cette pratique favorise le bien-être et peut améliorer la communication interpersonnelle, les participantes et participants ont insisté sur le rôle moteur de la hiérarchie pour que l’habitude se répande au sein de l’Ecole. A la question: «Qui s’engage à pratiquer ce type de réunion à l’avenir?», douze mains enthousiastes se sont levées.