Des maladies orphelines dans le viseur

Des mitochondries cardiaques observées au microscope électronique à transmission (© EPFL / CIME)
Mitokyne, une start-up dont Johan Auwerx, de l’EPFL, est l’un des cofondateurs, vient de signer pour un montant de 45 millions de dollars un accord de recherche avec la société pharmaceutique japonaise Astellas. Basée à Cambridge, proche du MIT, Mitokyne développe des molécules visant à soigner des maladies rares affectant le fonctionnement des mitochondries.
Surnommées «usines énergétiques des cellules», les mitochondries ont un rôle de premier plan dans le fonctionnement du métabolisme. Elles sont également impliquées dans le vieillissement des organismes et la performance musculaire.
A l’EPFL, le Laboratoire de physiologie des systèmes intégrés (LISP) est spécialisé dans l’étude de ces organelles cellulaires. Son directeur, Johan Auwerx, est l’un des cofondateurs de Mitokyne, une spin-off dont le but est de développer des molécules thérapeutiques ciblées sur les mitochondries. Il l’a créée avec trois éminents collègues issus du MIT (Bob Horwitz, prix Nobel), de l’Université de Californie à Berkeley (Andrew Dillin) et du Salk Institute (Ron Evans, prix Lasker). Elle cible particulièrement les maladies orphelines liées à des dysfonctionnements mitochondriaux.
Du cas extrême aux maladies globales
Selon Johan Auwerx, «s’intéresser aux mitochondries et aux maladies rares qui leur sont associées, c’est ouvrir des perspectives extrêmement intéressantes pour développer des médicaments visant d’autres maladies plus communes». Et de rappeler que c’est ainsi qu’on été développés les médicaments les plus vendus aujourd’hui, ceux qui luttent contre l’accumulation du cholestérol. «Les statines ont d’abord été créés pour traiter une forme très rare et très violente d’hypercholestérolémie, rappelle le chercheur. Ce n’est que dans un second temps qu’on les a prescrites pour les formes moins graves de la maladie – pour un chiffre d’affaires, aujourd’hui, de 35 milliards de dollars.»
Mitokyne a dans le viseur les maladies orphelines liées aux mitochondries, qui peuvent provoquer la cécité, la surdité, des faiblesses musculaires chroniques ou des troubles neurologiques. «Les substances que l’on va trouver pour traiter les formes extrêmes de ces maladies ont de très grandes chances d’être aussi exploitables pour les atteintes plus faibles ou qui ne surviennent qu’à un âge avancé, comme le glaucome, la perte d’audition, la sarcopénie et les maladies d’Alzheimer et de Parkinson», estime Johan Auwerx. Autre avantage de cette approche, le parcours menant à la mise au point d’un médicament est plus rapide pour les maladies orphelines, car les réglementations sont allégées.
Feuille de route à 775 millions de dollars
Cette «voie rapide» vers le développement de nouvelles molécules a séduit un investisseur de poids. A peine était-elle officiellement enregistrée, début octobre, que Mitokyne annonçait la conclusion d’un accord de recherche avec Astellas, société pharmaceutique japonaise. Celle-ci investit 45 millions de dollars pour la phase de lancement de Mitokyne, sur une durée de 5 ans.
Au terme de cette période et si les objectifs de l’entreprise – soit le développement de trois molécules – sont atteints, Astellas et Mitokyne sont déjà convenus d’une acquisition complète pour un montant pouvant aller jusqu’à 730 millions de dollars. «Cette procédure, qui établit une feuille de route jusqu’à la «sortie» de la société, nous permet d’éviter de perdre du temps et de l’énergie sur des processus de recherche de fonds et – éventuellement – d’entrée en Bourse, explique Johan Auwerx. C’est une démarche tout à fait nouvelle dans le monde du capital-risque. Elle est prometteuse, car elle donne dès le début une vision et une certaine forme de sécurité aux investisseurs.»