«Dès le début, je savais que c'était plus qu'une histoire olympique»

© 2025 E/Mengke Zhang
La recherche doctorale de Mengke Zhang au Collège des humanités (CDH) de l’EPFL étudie comment les Jeux olympiques d’hiver de Pékin en 2022 ont catalysé de profondes transformations urbaines et sociales à Chongli en Chine, une région montagneuse autrefois isolée. Elle met en lumière la manière dont le développement mené par l’État remodèle la vie quotidienne.
Pouvez-vous décrire en quelques phrases votre projet intitulé «Reconfiguring the Mountains: Mechanisms and Practices of Chongli’s Extended Urbanization Driven by the 2022 Beijing Winter Olympics»?
Mon projet étudie comment les Jeux olympiques d’hiver de Pékin en 2022 ont accéléré la transformation de Chongli, autrefois une région montagneuse pauvre située à 200 km au nord-ouest de Pékin, en un paysage urbain axé sur le ski et le tourisme. En utilisant le cadre général de l’urbanisation étendue, j’identifie trois processus interdépendants : le mécanisme politico-économique qui a financé et régi le développement territorial de Chongli, la croissance explosive des stations de ski en tant qu’enclaves de loisirs pour les visiteuses et visiteurs urbains et infrastructures pour les moyens de subsistance locaux, et la portée des mandats olympiques dans les villages environnants qui ont réorganisé l’économie rurale et la vie sociale. Ensemble, ces changements illustrent ce que j’appelle l’urbanisme de développement de l’État, qui relie les espaces montagneux périphériques à la ville-région de Pékin. Ma thèse tente de rouvrir les débats sur la manière dont les méga-événements et la planification étatique contribuent aux transformations urbaines et régionales contemporaines en Chine et au-delà.
Qu’est-ce qui vous intéresse dans votre domaine de recherche ?
Cette recherche est très interdisciplinaire et regroupe la géographie, les études urbaines, les études sur le tourisme de montagne et l’ethnographie. J’ai pu retracer comment les politiques de développement abstraites se matérialisent sous forme d’infrastructures olympiques concrètes et remodèlent la vie quotidienne et les identités culturelles dans les montagnes. Bien sûr, c’était aussi un défi. J’ai passé de nombreux mois à me demander comment l’économie politique macroéconomique, par exemple les programmes d’investissement de l’État, l’acquisition de la valeur foncière et le capital de loisirs mondial, est liée aux textures microéconomiques de la vie quotidienne. Mais naviguer entre différentes écoles de pensée m’a obligée à remettre en question les points faibles de chaque cadre et à articuler ma propre position.
Chongli était une étude de cas idéale, car le ski était encore une nouveauté en Chine, mais la perspective d’accueillir les Jeux olympiques en a fait un mode de vie suivi par une classe moyenne urbaine en pleine expansion. Dès le départ, je savais que c’était plus qu’une histoire olympique: c’était une expérience de développement régional dirigé par l’État, de réorganisation du patrimoine culturel et de politique de revitalisation rurale.
Qu’est-ce qui vous intéresse dans votre domaine de recherche ?
Cette recherche est très interdisciplinaire et regroupe la géographie, les études urbaines, les études sur le tourisme de montagne et l’ethnographie. J’ai pu retracer comment les politiques de développement abstraites se matérialisent sous forme d’infrastructures olympiques concrètes et remodèlent la vie quotidienne et les identités culturelles dans les montagnes. Bien sûr, c’était aussi un défi. J’ai passé de nombreux mois à me demander comment l’économie politique macroéconomique, par exemple les programmes d’investissement de l’État, l’acquisition de la valeur foncière et le capital de loisirs mondial, est liée aux textures microéconomiques de la vie quotidienne. Mais naviguer entre différentes écoles de pensée m’a obligée à remettre en question les points faibles de chaque cadre et à articuler ma propre position.
Chongli était une étude de cas idéale, car le ski était encore une nouveauté en Chine, mais la perspective d’accueillir les Jeux olympiques en a fait un mode de vie suivi par une classe moyenne urbaine en pleine expansion. Dès le départ, je savais que c’était plus qu’une histoire olympique: c’était une expérience de développement régional dirigé par l’État, de réorganisation du patrimoine culturel et de politique de revitalisation rurale.
Comment avez-vous entrepris votre recherche?
Ma recherche s’est appuyée sur sept mois de travail ethnographique sur le terrain. Pour les mener à bien, il a fallu que j’attende que la Chine lève ses restrictions de déplacement liées au COVID-19 début 2023. Au cours de mes longs séjours à Chongli, j’ai mené environ 80 entretiens semi-structurés avec diverses parties prenantes locales pour recueillir les voix représentatives qui ont façonné et vécu le boom olympique.
J’ai examiné les politiques gouvernementales, les documents de planification, les prospectus d’investissement, les dépêches de nouvelles locales et les publications scientifiques. Enfin, en m’appuyant sur des images satellites horodatées de Google Earth et d’autres sources, j’ai cartographié les changements spatiaux tels que l’agrandissement des stations de ski, la spéculation immobilière et les nouveaux corridors de transport. Le fait de les combiner à des données d’entretiens m’a permis d’ancrer des récits personnels à des sites spécifiques et de visualiser comment les ambitions politiques se sont traduites par des transformations physiques sur le terrain. Vivre en Suisse était également important pour mon travail, car je pouvais visiter des stations de ski alpines établies de longue date, qui m’offraient un contexte historique et m’incitaient à réfléchir à l’équilibre entre le tourisme, l’écologie et les moyens de subsistance locaux.
Pourquoi avez-vous choisi de faire votre doctorat au CDH de l’EPFL?
J’ai été totalement séduite par le projet FNS intitulé «L’usage du patrimoine culturel lors des Jeux olympiques d’hiver de Pékin 2022», qui correspondait parfaitement à mes intérêts de recherche et à mes passions. Les études sur le patrimoine sont ma discipline principale depuis mon master, où j’ai examiné la manière dont la conservation du Grand Canal en Chine a remodelé la forme urbaine et la gouvernance environnante. Par ailleurs, je suis passionnée par le sport depuis mon plus jeune âge. J’ai travaillé dans l’industrie du sport pendant un certain temps à Hong Kong. Lausanne abrite également le Comité international olympique et la Suisse a une longue tradition de sports d’hiver. J’ai donc pensé que l’EPFL était l’endroit idéal pour mener cette recherche.
Quels sont vos projets maintenant que vous êtes titulaire d’un doctorat?
Dans l’idéal, j’aimerais poursuivre cette ligne de recherche dans le cadre d’un postdoctorat qui me permettrait d’approfondir les questions soulevées dans mon travail de doctorat et en appliquant une perspective comparative à différents lieux et contextes nationaux. J’aspire aussi à combler le fossé entre les connaissances académiques et les applications pratiques pour promouvoir le développement durable des montagnes, la diversification du tourisme et la protection du patrimoine culturel dans les régions périphériques et montagneuses.
Qu’aimez-vous faire pendant votre temps libre?
Ces dernières années, j’ai passé beaucoup de temps à apprendre à skier. Je voulais en faire l’expérience et non en faire seulement un sujet de recherche. Originaire du sud de la Chine, où la neige est rare, le ski ne faisait pas partie de ma vie avant de venir en Suisse. Bien sûr, apprendre à l’âge adulte peut être effrayant, et j’ai toujours peur de la vitesse. Cela a pris un certain temps, mais j’ai fini par apprécier ce sport. C’est vraiment devenu une belle aventure dans ma vie.