Des étudiants de l'EPFL conçoivent des solutions sociétales en Inde
Douze étudiants volontaires, dont certains de l’EPFL et de l’EPFL + ECAL Lab, ont passé 10 jours à développer et tester, dans le cadre du programme pilote India Switzerland Social Innovation Camp (INSSINC), quatre solutions aux problèmes quotidiens auxquels sont confrontés les résidents de Bangalore. Cependant, les fruits du travail des étudiants vont au-delà des prototypes eux-mêmes.
Quatre étudiants en architecture, sciences et ingénierie des matériaux, gestion de l’énergie et développement durable, et gestion des technologies et entrepreneuriat de l’EPFL, ainsi que trois étudiants du centre EPFL + ECAL Lab comptent parmi les volontaires du premier programme INSSINC. Des étudiants des Facultés de Sciences Sociales et Politiques (SSP) et des HEC de l’Université de Lausanne (UNIL), et de l’Ecole cantonale d’art de Lausanne (ecal) ont également participé.
Les volontaires aux profils divers ont formé quatre groupes comprenant chacun un designer, un ingénieur, un économiste et un spécialiste des sciences sociales. Pendant les vacances scolaires, du 1er au 13 février, chaque groupe a utilisé une approche ascendante de la conception afin de développer et de tester sur le terrain quatre solutions prototypes durables destinées à résoudre les problèmes d’énergie et de logement de Bangalore – l’une des villes indiennes dont la croissance est la plus rapide.
«Cette première expérience de l’entrepreneuriat social a modifié mon point de vue et la création d’un impact social aura une priorité élevée dans mes activités futures», a déclaré Jelena Dolecek, étudiante en master sciences et ingénierie des matériaux à l’EPFL, qui a travaillé sur le projet d’abri à double toit. «Le développement de solutions a été très intéressant car nos profils interdisciplinaires ont mis en lumière différents problèmes et donc différentes méthodes pour les résoudre, ce qui a donné lieu à des discussions animées et stimulantes.»
Yasmine Benkirane, étudiante à HEC Lausanne ayant travaillé sur le prototype de mini-kiosque solaire affirme: «Cette expérience a été de loin la plus enrichissante que j’aie pu vivre, à tous égards, grâce à une immersion totale dans la culture indienne, à un travail intense sur un sujet passionnant et à des rencontres inoubliables. Nous avons joué le rôle d’un entrepreneur social qui identifie les besoins en allant sur le terrain pour concevoir une solution prototype. Cela m’a permis de voir les choses sous un jour différent, exprimé par le terme hindi «Jugaad», qui signifie aborder un problème de manière novatrice avec des ressources limitées.»
Innovation en matière de formation
Les organisateurs de l’INSSINC insistent sur le fait que les prototypes – parmi lesquels figuraient également un ventilateur fonctionnant à l'énergie solaire et un chargeur de batteries à caisses – sont des outils novateurs, mais ne constituent pas nécessairement le produit final du projet.
«A la fin de la journée, nous élaborons différents formats pédagogiques et nous innovons à ce niveau», explique Marc Laperrouza, chercheur et chargé de cours au Collège des Humanités (CDH) de l’EPFL.
«Il s’agit d’une expérience d’apprentissage dont le thème est l’innovation sociale», ajoute Marius Aeberli, responsable d’enseignement à l’EPFL + ECAL Lab.
Au cours des cinq dernières années, Marc Laperrouza a été à la tête du China Hardware Innovation Camp (CHIC) organisé par le CDH – une initiative pédagogique similaire dans laquelle les projets des étudiants sont axés sur le développement de dispositifs connectés. Bien que les thèmes soient différents, l’objectif ultime du CHIC et de l’INSSINC consiste à explorer de nouvelles méthodes de résolution de problèmes et d’enseignement dans des contextes culturels différents.
Actuellement, Marc Laperrouza et ses collègues documentent et analysent les résultats pédagogiques du programme pilote INSSINC par le biais des évaluations des étudiants, en collaboration avec l’UNIL. Il indique qu’au vu du succès remporté jusqu’à présent, le programme pourrait se poursuivre dans d’autres pays.
Partenariat entre la Suisse et l’Inde
L’INSSINC est un programme de collaboration avec un partenaire local en Inde, la Fondation SELCO, qui œuvre pour apporter des solutions énergétiques aux communautés mal desservies. Le programme a également été rendu possible par le financement du Canton de Vaud, ainsi que par des collaborations avec swissnex India et le programme Tech4Impact de la Vice-présidence pour l’innovation (VPI) de l’EPFL.
«Du point de vue des étudiants, j’ai pu constater par moi-même combien l’empathie était essentielle pour comprendre le contexte dans lequel ils intervenaient, et pour comprendre comment concevoir au mieux des prototypes et des solutions en éliminant certaines hypothèses. En outre, du point de vue de SELCO, j’ai observé que le processus de co-création avec les étudiants de l’EPFL leur avait été très utile pour comprendre les communautés de manière plus holistique», observe Beatrice Scarioni, collaboratrice du projet Tech4Impact.
Marius Aeberli insiste également sur le fait qu’au niveau des étudiants comme à celui des partenaires, le processus de développement des prototypes constitue l’un des aspects les plus utiles du programme.
«L’idéal est d’atteindre nos objectifs d’apprentissage et de créer de la valeur pour les partenaires. Les prototypes nous ont permis d’établir une relation plus durable avec SELCO en échangeant des connaissances et en apportant des regards nouveaux sur les problèmes à travers des discussions avec nos étudiants», explique-t-il.
Le programme pilote INSSINC et le China Hardware Innovation Camp (CHIC) font partie d’une initiative plus vaste intégrant également plusieurs cours du programme de Sciences humaines et sociales (SHS) du Collège des Humanités de l’EPFL. Cette initiative, résumée ci-dessous, vise à concevoir de nouvelles expériences d’apprentissage et à explorer différents formats pédagogiques.
Interdisciplinarité: Des étudiants de différentes disciplines et universités et de différents pays ont travaillé ensemble. Dans des équipes mixtes, des étudiants en ingénierie, design et sciences sociales se rendent compte à quel point différents points de vue, compétences et tensions peuvent être bénéfiques pour saisir des réalités volatiles, incertaines, complexes et ambiguës.
Une approche par projets, sur le terrain, avec des applications concrètes: Les étudiants sont encouragés à ne jamais perdre de vue la réalité. Les partenaires (investisseurs, entreprises, ONG et autres organisations) fournissent des instructions, des énoncés de problèmes, des examens objectifs et des feed-backs. Les étudiants doivent tester leurs idées, préparer une argumentation, effectuer une démonstration concrète, voire négocier. Ils sont encouragés à envisager leur projet de bout en bout, depuis la délimitation du problème jusqu’à la mise en œuvre.
Conception centrée sur l’humain: Les étudiants sont incités à modifier leur point de vue afin de créer à travers le regard d’autres personnes. A l’aide de méthodes de recherche utilisées par les designers, les étudiants doivent observer les contextes, interroger les gens et faire preuve d’empathie. Leurs hypothèses sont mises à l’épreuve, ce qui les pousse à recadrer les problèmes et les opportunités.
Éventualité d’un échec: Un environnement est créé de manière à rendre l’échec acceptable et productif. Cela requiert d’instaurer un climat de confiance et de sécurité psychologique et de fournir aux étudiants un feed-back formateur. Les étudiants sont évalués sur la manière dont ils font face aux différentes difficultés et comprennent les causes profondes de leurs réussites et de leurs échecs. La réussite et l’échec constructifs sont acceptables, ce qui n’est pas le cas de l’échec et de la réussite non constructifs.