Des conseils pour la transition écologique de l'Union européenne

Des poivrons cultivés sous serre aux Pays-Bas. © iStock Photos

Des poivrons cultivés sous serre aux Pays-Bas. © iStock Photos

Le rapatriement et une nouvelle répartition de certaines filières industrielles en Europe permettraient de réduire durablement la consommation d’énergie et les émissions de CO2 du continent. C’est ce qu’affirment deux chercheurs de l’EPFL dans un document de recommandations destiné aux nouveaux parlementaires européens dont les séances de commissions reprennent cette semaine.

Un document sera remis aux nouveaux parlementaires européens qui reprennent leur fonction au sein des commissions cette semaine. Intitulé «The overlooked side of the ecological transition», son contenu présente sous la forme de recommandations la meilleure transition écologique à adopter à travers le regards d’ONG et de personnalités, à l’instar de Janez Potočnik, ancien commissaire européen à l'environnement (2009-2014). Le think tank Friends of Europe en est à l’origine.

Deux chercheurs de l’EPFL ont été sollicités pour rédiger le chapitre dédié aux enjeux de la transition énergétique en Europe. Les explications de Vincent Moreau, du Laboratoire d’économie urbaine et de l’environnement (LEURE), co-auteur du chapitre avec François Vuille, alors directeur du Centre de l’énergie de l’EPFL.

Comment est née votre collaboration avec Friends of Europe?

François Vuille et moi avons publié entre 2018 et 2019 deux articles scientifiques sur le thème du découplage entre la croissance des activités économiques et la consommation d’énergie en Suisse et en Union européenne (voir les références ci-dessous). Ces articles étudient la consommation directe d’énergie en Europe et l’énergie grise. Depuis 1990, on constate effectivement que la consommation d’énergie a baissé de 40% en Europe alors que les activités économiques augmentent, mais que l’énergie grise a tendance à augmenter. Si on met la consommation totale de l’énergie consommée dans la balance, on constate donc qu’on continue de consommer plus d’énergie malgré ce découplage. C’est après la lecture de ces articles que le think tank nous a contactés en nous demandant de résumer les conclusions de l’article portant sur l’Union européenne en les rendant accessibles aux nouveaux parlementaires européens qui sont entrés en fonction début juillet. Les questions environnementales ont été au cœur des débats au printemps dernier; le document vise à leur offrir de nouvelles réflexions.

Quelles sont les points que vous développez?

Nous avons formulé deux principales recommandations qui visent à séparer la croissance économique de la consommation énergétique. La première encourage l’Union européenne à mesurer sa consommation d’énergie par produit consommé en tenant compte de l’impact de sa structure industrielle, que cela soit la délocalisation au sein de l’Union, à l’extérieur de l’Union ou la relocalisation de certaines activités. Notre seconde recommandation invite l’UE à calculer le potentiel de réduction de sa consommation totale d’énergie derrière le rapatriement de certaines filières industrielles sur le territoire européen et de revoir sur le continent lui-même la répartition de certaines activités.

Par exemple?

L’Union européenne s’est construite en partie sur une division internationale de l’activité économique : la France et l’Espagne ont développé leur agriculture et l’Allemagne et la Grande-Bretagne, l’industrie au sens large, dont l’industrie automobile. Aujourd’hui, les Pays-Bas représentent un grand exportateur de légumes, alors que ceux-ci poussent sous des serres chauffées au gaz prélevé dans la Mer du Nord. Le coût économique de ces légumes est bas, mais leur coût énergétique est extrêmement élevé. Idem pour l’industrie automobile. Certaines pièces seraient fabriquées à un moindre coût dans des usines neuves et peu gourmandes en énergie d’Europe de l’Est plutôt qu’en Allemagne. Nous encourageons donc l’UE à considérer ces points, en termes énergétiques mais également d’émissions de gaz à effet de serre.

De telles recommandations valent-elles aussi pour la Suisse?

En partie. Le contexte suisse est toutefois un exemple à part, l’économie y est beaucoup plus spécialisée et donc moins énergivore par unité de production. Des recherches récentes du laboratoire ont montré qu’en termes de réduction de sa consommation d’énergie, la Suisse avait encore des efforts à faire. Elle en consomme actuellement autant à l’étranger que sur son territoire. Les domaines des transports, de l’isolation des bâtiments et de l’alimentation représentent encore des défis. La Suisse ne présente aucune amélioration dans le secteur des transports en termes d’émission de CO2 depuis le Protocole de Kyoto, pourtant ratifié il y a plus de 17 ans. La part des transports publics devrait passer à plus de 50%, mais elle n’est que de 20% et la voiture représente encore 60% des kilomètres parcourus.

Comment se présente la suite de vos recherches?

Nous souhaitons analyser à présent ce que nous appelons «l’effet rebond» des mesures de réduction de la consommation d’énergie par l’industrie. Celles-ci permettent en effet aux industriels d’effectuer des bénéfices économiques, notamment grâce à l’usage d’énergies renouvelables. Comment s’assurer dès lors que ces dividendes ne soient pas à nouveau investis dans des activités polluantes? Peut-on modéliser cet effet rebond et le prédire? Telles sont actuellement nos sujets de recherches.